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Sous-location et Airbnb : On fait le point ! Par Guillaume Lasmoles, Avocat.
Parution : mercredi 3 mars 2021
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On ne présente plus la célèbre plateforme de mise en relation entre d’un côté les propriétaires ou locataires de biens immobiliers qui proposent lesdits biens à la location de courte durée et, de l’autre, la ou les personnes désireuses d’y séjourner.

L’engouement pour ce service est tel que certains locataires ont cru pouvoir en tirer une source de revenus – confortable – sur le dos de leurs propriétaires ; jusqu’à ce que les tribunaux s’en mêlent et que le droit triomphe, n’en déplaise…

Petit tour d’horizon :

1/ La restitution des fruits civils.

Il faut d’abord rappeler que la sous-location d’un bien à usage d’habitation est, en principe, interdite sauf autorisation expresse du bailleur ; et même lorsque cette autorisation est accordée, le preneur ne peut sous-louer pour un montant plus élevé que celui auquel il est astreint en sa qualité de locataire principal.

Quid des revenus perçus par le locataire qui n’aurait reçu aucune autorisation de son propriétaire pour sous-louer son bien ?

L’article 546 du Code civil dispose que

« la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s’appelle droit d’accession ».

C’est sur ce fondement que le juge du fond [1] a pour la première fois fait droit à une demande d’un bailleur en restitution des revenus perçus par son locataire qui avait proposé son bien à la sous-location via la plateforme Airbnb.
Décision confirmée par la cour de cassation le 12 septembre 2019 [2] :

« mais attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées ».

Le locataire sait donc désormais que faute d’autorisation expresse de son bailleur, il ne peut sous-louer le bien dont il a la jouissance, sauf à s’exposer à devoir rembourser la totalité des revenus perçus en fraude des droits du propriétaire.

Et la preuve des revenus perçus ?

La preuve des revenus perçus par le locataire est essentielle, déterminante du succès d’une action en justice. En effet, c’est au propriétaire qui soutient que son locataire a violé son contrat de location de rapporter tant la preuve de la/des sous-location(s) illicite(s), que des revenus générés par ces sous-location(s).

Le propriétaire sera donc bien avisé de solliciter, avant tout procès au fond et sur les fondements appropriés, la transmission des données nécessaires à l’établissement du montant des revenus générés par les sous-locations illicites de son locataire.

Le locataire fautif peut-il déduire des revenus qu’il a perçus (et qu’il doit restituer) les loyers qu’il a payés à son propriétaire ?

Les décisions rendues en la matière ne sont pas unanimes. On notera cependant que les dernières en date semblent aller dans le sens d’une déduction des loyers versés par le locataire à son propriétaire [3].

2/ Résiliation du contrat et expulsion.

La violation du contrat, et en l’espèce celle de l’interdiction de sous-louer, ouvre la possibilité pour le bailleur de demander en justice la résiliation du contrat et, par voie de conséquence, de l’expulsion du ou des locataire(s).

Il faut rappeler que la Cour de cassation reconnaît un large pouvoir d’appréciation aux juges du fond pour apprécier l’éventuelle gravité du manquement et l’opportunité d’une résiliation judiciaire ; ce n’est pas automatique.

A noter cependant que les juges font preuve d’une grande sévérité lorsque la sous-location non autorisée a été réalisée par le bénéficiaire d’un logement social. En effet, selon les juges les manquements sont d’autant plus graves

« qu’il s’agit d’un logement conventionné ouvrant droit à des prestations sociales et destiné à des locataires dont les revenus ne dépassent pas un certain montant ; l’activité particulièrement lucrative de location d’un bien via le site Airbnb est radicalement contraire à la destination d’un tel logement social » [4].

Les locataires indélicats sont prévenus… !

Maître Guillaume LASMOLES Avocat en droit des affaires Barreau de Montpellier https://lasmoles-avocat.com/

[1Tribunal d’Instance de Paris 5 juin 2018 n°16/10684

[2Civ. 3eme 12 septembre 2019 n°18-20.727

[3CA Paris, 3 novembre 2020, n°18/03533.

[4CA Paris, 21 février 2020, n°18/23633.