Village de la Justice www.village-justice.com

Groupe de sociétés entre le droit Marocain et le droit de l’OHADA. Par Khadija Berhil, Etudiante.
Parution : mardi 9 mars 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/groupe-societes-entre-droit-marocain-droit-ohada,38353.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le droit Ohada à travers l’Acte uniforme relatif aux sociétés et aux groupements d’intérêts économique consacre la notion de groupe de sociétés dans son Livre 4 : « Liens de droit entre les sociétés » dont le Titre I est consacré au Groupe de société.
L’article 173 de l’AUSGIE dispose que : « Un groupe de sociétés est l’ensemble formé par des sociétés unies entre elles par des liens divers qui permettent à l’une d’elles de contrôler les autres ».

Une telle définition suscite des interrogations. En particulier, l’acte uniforme utilisant l’expression « liens divers ». Donc, on peut se demander quel type de liens entre sociétés est véritablement caractéristique du groupe ?

I) Les caractéristiques de groupes de sociétés dans l’espace OHADA :

D’après la lecture de la définition donnée par l’article 173 de l’AUSGIE, il résulte que la notion de groupe est caractérisée par deux éléments essentiels : un ensemble de sociétés et un rapport de contrôle entre ces sociétés.

1) Un ensemble de sociétés.

L’acte uniforme exige en premier lieu la notion de société pour caractériser le groupe. Effectivement, le groupe suppose un groupe de sociétés ce qui semble exclure la prise en compte pour la caractérisation du groupe, des personnes physiques associées même si elles exploitent personnellement dans une entreprise individuelle ainsi que des personnes morales autres que les sociétés à savoir les groupements d’intérêt économique, les associations, l’Etat et les collectivités publiques.

On remarque que l’acte uniforme ne vise pas une forme sociale particulière, en conséquence toute société, quelle que soit sa forme (SA, SARL, SNC ou SCS) peut être prise en compte pour caractériser l’existence d’un groupe, tant du point de vue de la filiale que de la société mère.

La principale caractérise du groupe de société, est qu’il n’est lui pas reconnu par le législateur, une personnalité morale et est par conséquent, dépourvu de l’ensemble des attributs liés à la personnalité juridique. Dès lors, un groupe de sociétés n’a pas la capacité d’ester en justice ou de conclure un contrat ; il ne peut pas davantage se voir infliger une condamnation. Quant aux sociétés appartenant à un même groupe, elles restent des personnes morales distinctes avec des patrimoines distincts.

Contrairement aux succursales, qui n’ont pas une personnalité juridique distincte de celle de la personne morale ou physique qui en est propriétaire.

2) Un rapport de contrôle.

Certes, l’acte uniforme se montre exigeant en ce qui concerne la forme de société mais il est plus souple quant à la nature des liens caractéristiques du groupe. En effet, en utilisant l’expression « liens divers » l’acte uniforme semble ne fais aucune discrimination à ce sujet. Toutefois l’analyse de la notion de contrôle paraît témoigner du contraire.

Pour qu’il ait groupe, il faut que les liens entre les sociétés soient tels que l’une contrôle l’autre ou les autres. Selon l’article 174 de l’AUSGIE, « Le contrôle d’une société est la détention effective du pouvoir de décision au sein de cette société », « La détention effective du pouvoir de décision », désigne une domination juridique, c’est-à-dire qu’il faut qu’une des sociétés intervienne dans les organes de délibération de l’autre et y dispose, directement ou indirectement, d’un pourcentage de droits de vote lui permettant de déterminer les décisions de cette société.

Sachant que l’assemblée décide par voie de vote, la détention effective du pouvoir de décision devrait signifier le fait, pour un associé, par le nombre de voix dont il dispose directement ou indirectement, de déterminer les décisions au sein de l’assemblée générale.

Le contrôle des sociétés est l’élément qui permet de distinguer la notion de groupe de sociétés de notions voisines que sont la participation dans le capital d’une autre société et la société mère et filiale. En effet, si la notion de groupe de sociétés repose sur le contrôle qu’une société a sur les autres, celle de participation et de société mère et filiale repose sur la fraction du capital qu’une société possède dans une autre.

Il n’y a pas groupe dans le cas d’une simple participation, à moins que celle-ci ne soit doublée de la détention effective du pouvoir de décision. De même une société mère et filiale ne constitue pas nécessairement un groupe de sociétés. Au moins en théorie une société peut détenir plus de la moitié du capital d’une autre sans pour autant en avoir le contrôle. Cette situation peut se produire notamment, lorsqu’une partie des actions sont des actions à dividende prioritaire sans droit de vote.

II) le groupe de sociétés entre le droit de l’OHADA et le droit Marocain.

Si dans l’espace OHADA la notion du groupe des sociétés a été définie dans l’article 173 de l’AUSGIE, au Maroc, aucun texte n’a défini cette notion bien qu’il y ait plusieurs groupes de sociétés. Seuls deux articles de la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes répondent à la question des groupes. Il s’agit de l’article 143 donnant une définition basique des filiales et l’article 144 définissant le cadre dans lequel une société en contrôle une autre. Donc, le droit OHADA semble lentement s’orienter vers l’institution d’un véritable droit des groupes de sociétés, même si cette orientation paraît empreinte de réserve.

1) Au niveau de la participation croisée.

On parle de participation croisée ou réciproque, lorsque par exemple la société A détient une fraction considérable du capital de la société B et que la société B détient à son tour des participations dans le capital de la société A. Cette forme de participation a été interdite du fait du caractère fictif que pourra présenter les actifs de deux sociétés qui possèdent dans chacune de société détenant des leurs propres actions ainsi trompant leurs créanciers. Le législateur marocain n’a pas prévu ces types de participations dans son dispositif juridique d’où le défaut de base légale.

Dans l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économiques du droit OHADA notamment son article 177 dispose qu’une société par actions ou à responsabilité limitée ne peut posséder d’actions ou des parts sociales d’une autre société si celle-ci détient plus de 10% de son capital. Au cas où il s’avérait qu’il avait déjà des participations entre elles et qu’à défaut d’accord entre elles à régulariser la situation, celle qui détient la plus faible participation aliénera sa participation.

Toutefois, si les participations réciproques sont égales, les deux sociétés devront réduire leurs participations jusqu’à ce que les participations réciproques soient inférieures ou égales à 10%. Enfin les participations de moins de 10% ne posent aucun problème. Pour ce faire, jusqu’à leur cession effective les actions ou parts sociales à céder sont privées de droit de vote et de participations y attachées. Le législateur a immobilisé les droits sociaux attachés aux actions ou parts sociales afin de dissuader toute tentative de fraude.

2) Au niveau du contrôle.

Le législateur Marocain a prévu trois situations dans lesquelles on sera en situation de contrôle, Alors que le droit de l’OHADA a prévu seulement deux situations dans lesquelles une société peut contrôler une autre. Le législateur Ohadien n’a pas prévu le cas dans lequel elle détermine en fait seule, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société.

Le législateur marocain a posé la condition sine qua non du droit au contrôle présumé, lorsque la société mère dispose directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote supérieur à 40% et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détiennent directement ou indirectement une fraction de ces droits supérieure à 30% dans le capital de la société contrôlée. Tandis qu’en droit de l’OHADA on ne trouve pas cette présomption.

Le contrôle de fait se révèle dans la situation prévue dans l’alinéa 3 l’article 144, lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société, alors qu’en droit de l’OHADA ce type de contrôle n’est pas prévu par l’article 175 de l’AUSGIE. Ainsi cette disposition vise la situation dans laquelle un associé est en mesure de diriger une société

En résumé, les notions de « filiale », « participation » et « contrôle » en droit des sociétés Marocain contribuent à délimiter, de manière sous-jacente, un profil fondamental du groupe de sociétés, sans reconnaître les caractères juridiques du groupe en tant qu’unité d’ensemble. Alors qu’en droit de l’OHADA la notion de groupe de sociétés repose seulement sur le contrôle qu’une société a sur les autres, celle de participation et de société mère et filiale repose sur la fraction du capital qu’une société possède dans une autre.

Notes de bibliographie :

Guyon (Y), Droit des affaires, t. I, Economica, 11° édition
L’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique du 30 janvier 2014
La loi 17-95 relative aux sociétés anonymes en droit Marocain

Khadija Berhil, Étudiante en deuxième année Master Juriste d'affaires, FSJE Souissi, Université Mohammed V Rabat