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La procédure disciplinaire des avocats au barreau de Paris. Par Avi Bitton, Avocat, et Coline Josselin, Juriste.
Parution : mardi 16 mars 2021
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Quelle est la procédure applicable devant le Conseil de discipline des Avocats de Paris ? Comment est-il saisi ? Quels sont les droits de l’avocat poursuivi ?

L’article 183 du décret du 27 novembre 1991 dispose que :

« Toute contravention aux lois et règlements, toute infractions aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, expose l’avocat qui en est l’auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l’article 184 ».

Les avocats sont donc soumis aux respects de règles déontologiques et peuvent faire l’objet de sanctions à la suite d’une procédure disciplinaire.

Historiquement, l’instance disciplinaire était confiée au Conseil de l’Ordre de chaque barreau, dans une logique de jugement par les pairs. La loi du 11 février 2004 a transféré cette compétence en matière disciplinaire à un organe ad hoc, le conseil de discipline, composé de représentants des conseils de l’Ordre des différents barreaux du ressort de la cour d’appel.

Une exception demeure concernant le barreau de Paris. En effet, le barreau de Paris ne connaît pas des conseils de discipline créés par la loi du 11 février 2004. Selon les articles 22 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971, 180 alinéa 1er du décret du 27 novembre 1991 et P.72.1.1 du règlement intérieur du barreau de Paris (RIBP), c’est le Conseil de l’Ordre siégeant comme conseil de discipline qui connaît des fautes et infractions commises par les avocats inscrits au barreau de Paris.

L’article P.72.1.2 du RIBP prévoit que la juridiction disciplinaire se compose d’une autorité de poursuite (I), d’une formation d’instruction (II) et d’une formation de jugement (III) qui peut prononcer des sanctions disciplinaires (IV). La décision de la formation de jugement est susceptible de recours (V).

I. La poursuite.

L’autorité de poursuite est le bâtonnier. Il peut, afin de recueillir tous les éléments nécessaires à sa prise de décision, ordonner une enquête déontologique. In fine, il pourra éventuellement saisir l’instance disciplinaire.

A. L’enquête déontologique.

Le bâtonnier peut être saisi à la demande du procureur général, sur plainte de toute personne intéressée ou de sa propre initiative, afin de procéder à une enquête déontologique sur le comportement d’un avocat inscrit dans son barreau.

Pour cela, il peut désigner un délégué parmi les membres ou les anciens membres du Conseil de l’Ordre. Le bâtonnier peut également décider de ne pas ouvrir d’enquête et en avise alors l’auteur de la demande ou de la plainte.

Selon les éléments recueillis durant l’enquête déontologique, le bâtonnier établit un rapport et peut procéder au classement du dossier, prononcer une admonestation ou procéder à un renvoi disciplinaire.

L’admonestation répond à une faute de l’avocat considérée trop minime pour justifier la saisine de l’instance disciplinaire. Il s’agit donc d’une réprimande et elle a pour but de marquer la faute de l’avocat afin d’éviter la commission de nouveaux faits.

L’admonestation n’apparaît pas au dossier de l’avocat et reste confidentielle. En conséquence, elle n’est pas susceptible de recours et n’a pas la nature d’une réelle sanction.

Le bâtonnier avise le procureur général et, le cas échéant, le plaignant de sa décision.

B. La saisine de l’instance disciplinaire.

L’instance disciplinaire peut être saisie à la suite d’une réclamation et/ou d’une enquête déontologique ordonnée par le bâtonnier dès lors que ce dernier a estimé qu’un manquement aux devoirs de l’avocat a été commis. L’instance disciplinaire peut également être saisie par le procureur général. Dans tous les cas, l’instance disciplinaire doit être saisie par un acte motivé.

L’action disciplinaire susceptible d’être engagée contre un avocat n’est pas enfermée dans un délai de prescription. Cette disposition a d’ailleurs été déclarée conforme à la Constitution dans une décision du Conseil Constitutionnel rendue sur QPC le 11 octobre 2018, n°2018-738/178, « M. Pascal D. ».

L’acte de saisine de l’instance disciplinaire est notifié à l’avocat poursuivi par lettre recommandée avec accusé de réception.

II. L’instruction disciplinaire.

Dans les 15 jours de la notification de la saisine de l’instance disciplinaire, le Conseil de l’Ordre désigne l’un de ses membres en qualité de rapporteur pour procéder à l’instruction de l’affaire.

Le rapporteur peut procéder à toute mesure d’instruction nécessaire et notamment entendre contradictoirement toute personne utile à l’instruction.

L’avocat poursuivi peut également être entendu et se faire assister par un confrère.

Le rapporteur doit ensuite transmettre son rapport d’instruction au doyen des présidents des formations disciplinaires du Conseil de l’Ordre dans un délai de 4 mois suivant sa désignation, ou de 6 mois en cas de prorogation du délai.

Le doyen des présidents des formations disciplinaires du Conseil de l’Ordre fixe alors une date d’audience.

III. L’audience disciplinaire.

L’audience disciplinaire se tient devant l’une des cinq formations de jugement.

Le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris constitue plusieurs formations de jugement d’au moins 5 membres, délibérant en nombre impair. Ces formations sont composées de membres du Conseil de l’Ordre et d’anciens membres du Conseil de l’Ordre ayant quitté leur fonction depuis moins de 8 ans, à l’exception du bâtonnier en exercice.

Chaque formation est présidée par un ancien bâtonnier ou à défaut, par le membre le plus ancien dans l’ordre du tableau. La formation de jugement plénière est présidée par le bâtonnier doyen, membre du Conseil de l’Ordre.

L’avocat est convoqué devant l’une des formations de jugement par lettre recommandée avec accusé de réception ou par citation délivrée par un huissier de justice.

L’avocat poursuivi doit se présenter en robe et doit comparaître en personne. Il peut être assisté d’un avocat et les débats sont en principe publics, mais l’avocat poursuivi peut demander le huis clos.

Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée sans que l’avocat poursuivi ait été entendu ou convoqué au moins 8 jours avant la date de l’audience disciplinaire.

De plus, la décision du conseil de discipline doit être rendue dans un délai de 4 mois, renouvelable une fois (8 mois maximum au total), à compter de la date de l’acte de saisine du conseil de discipline.

IV. Les sanctions disciplinaires.

Le conseil de discipline peut prononcer plusieurs sanctions disciplinaires prévues à l’article 184 du décret du 27 novembre 1991, à savoir :
- Un avertissement,
- Un blâme,
- Une interdiction temporaire d’exercice,
- Une radiation du tableau ou un retrait de l’honorariat.

L’interdiction temporaire d’exercice peut être prononcée pour une durée maximale de 3 ans durant laquelle l’avocat doit s’abstenir d’accomplir tout acte professionnel. Elle peut être assortie d’un sursis et ne sera donc exécutée que si l’avocat est de nouveau sanctionné dans un délai de 5 ans après que la décision est passée en force de chose jugée. L’avocat interdit reste avocat et est donc toujours tenu de l’ensemble de ses devoirs professionnels.

La radiation du tableau ou le retrait de l’honorariat entraîne l’interdiction d’exercer la profession d’avocat dans tous les barreaux et il s’agit de la sanction la plus grave. Pour pouvoir exercer de nouveau la profession d’avocat, l’avocat radié doit faire l’objet d’une réhabilitation et doit se réinscrire.

Toutes les sanctions sont inscrites au dossier de l’avocat. Des sanctions accessoires peuvent également être prononcées, notamment l’interdiction de se présenter aux élections du Conseil de l’Ordre pendant une durée maximale de 10 ans, la publicité de la sanction ou encore la condamnation aux dépens de l’instance.

V. Les recours contre la décision.

La décision rendue par la formation de jugement est susceptible d’appel par l’avocat sanctionné, le procureur général et le bâtonnier.

L’appel doit être interjeté dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision. Cet appel est suspensif.

La Cour d’appel statue ensuite en audience solennelle et en chambre du conseil. Le bâtonnier est invité à présenter ses observations. La décision est ensuite notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception au bâtonnier, au procureur général et à l’intéressé.

L’arrêt de la Cour d’appel peut faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.

Avi Bitton, Avocat, et Coline Josselin, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]