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Contestation d’un refus d’admission en Master. Par Abdoul Bah, Juriste.
Parution : lundi 8 mars 2021
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La sélection pour l’accès en Master 1 et/ou 2 est une pratique répandue qui a longtemps été à la merci des universités avant que n’interviennent, de manière complète, des dispositions fixant ses conditions d’application. Le non-respect de ces dernières peut entraîner une censure juridictionnelle des décisions de refus d’admission, laquelle censure peut aussi se fonder sur d’autres failles juridiques non moins importantes.

Issues de la loi du °2016-1828 du 23 décembre 2016, les nouvelles dispositions du Code de l’éducation permettent désormais les établissements d’une part, de pratiquer une sélection pour l’accès en M1 en principe et, d’autre part, de ne la pratiquer pour l’accès en M2 qu’à titre exceptionnel conformément à la logique du second cycle des études supérieures qui se déroule sur deux années.

Bien que remplissant généralement les conditions d’accès en M1 ou M2, ils sont nombreux parmi les étudiants à se résigner face à des décisions défavorables suite à leurs candidatures. Pourtant, ils pourraient réussir à faire annuler bon nombre de celles-ci s’ils étaient suffisamment informés sur les moyens à cet égard.

Probablement, parfois, pour des raisons liées au manque de ressources allouées aux établissements d’enseignement supérieur, il arrive que ces derniers pratiquent abusivement le système de sélection, sachant que rares sont ceux parmi les candidats qui vont attaquer leurs décisions défavorables.

Ainsi, tout refus non suffisamment justifié d’accès aux formations du deuxième cycle, peut faire l’objet d’un recours juridictionnel aux fins d’annulation, le cas échéant de suspension pour l’admission provisoire.

1- Une sélection possible pour l’accès en Master 1.

Il s’infère des dispositions de l’article L612-6 du Code de l’éducation une possibilité à la disposition des universités de fixer les capacités d’accueil pour l’accès en M1 en subordonnant l’admission au succès à un concours ou à l’examen de dossiers des candidats titulaires d’un diplôme de licence ou niveau équivalent.

Toutefois, il est institué un droit à la poursuite d’études au bénéfice de l’étudiant titulaire d’une licence ou niveau équivalent.

Plus précisément, s’il n’a pas été admis classiquement à s’inscrire en M1, l’étudiant dispose, sur demande, d’une possibilité de se faire proposer par le recteur une inscription en Master en tenant compte de son projet professionnel notamment.

En ce sens d’ailleurs, la jurisprudence retient que ce recteur se trouve dans une obligation de faire au moins trois propositions à l’intéressé, lesquelles ne doivent point être subordonnées à l’accord préalable des chefs d’établissements, et dont l’une porte en priorité sur son établissement, ou à défaut sa région académique [1].

2- Une admission exceptionnelle de la sélection pour l’accès en Master 2.

Il résulte des dispositions de l’article L612-6-1 du Code de l’éducation que l’accès dans une formation en M2 est de « droit » pour les étudiants qui ont validé leur M1 de cette formation [2], sauf lorsqu’elle figure sur la liste des formations pour lesquelles l’accès est sélectif [3].

Autrement dit, à titre exceptionnel, les universités sont autorisées à opérer une sélection en subordonnant l’admission en M2 à leurs capacités d’accueil, voire au succès à un concours ou à l’examen de dossiers (admission sur dossier et/ou entretien), lorsque la formation visée figure parmi les formations limitativement répertoriées sur la liste [4].

A contrario, il est exclu de procéder à une quelconque sélection pour l’accès à toutes les autres formations ne figurant donc pas sur ladite liste.

Mieux, il a été jugé que le redoublement en Master ne fait pas obstacle à l’application du principe de l’admission de droit consacrée. En effet, le fait pour un candidat d’avoir pas validé son M2, n’est pas suffisant pour lui refuser une nouvelle inscription, dès lors que la formation du M2 visée ne figure pas parmi celles concernées par la liste précédemment évoquée [5].

Par ailleurs, en mettant en œuvre le système sélectif tant au niveau M1 qu’à celui M2, l’établissement peut écarter une candidature en invoquant comme motifs de refus le niveau insuffisant de connaissances et compétences du candidat, le caractère inadapté de ses acquis disciplinaires… [6].

Dans ces conditions, il est prévu que tout refus d’admission doit être notifié et, ses motifs, communiqués aux candidats qui en font la demande dans un délai d’un mois à compter de la notification du refus [7].

Relativement à cette motivation, par un avis très récent, le Conseil d’état a précisé qu’une décision de refus d’admission d’un étudiant n’est pas du nombre des décisions devant obligatoirement être motivées en application de l’article L211-2 du Code des relations entre le public et l’administration [8].

Ainsi, lorsque la décision de refus n’est pas motivée, il appartient à l’étudiant de s’adresser au service compétent de l’établissement pour connaître les motifs du refus dans le respect du délai susmentionné.

3- Procédure contentieuse de contestation d’un refus d’admission en Master.

La voie judiciaire est également un moyen à la disposition de l’étudiant pouvant lui permettre d’obtenir une inscription pour la poursuite de ses études, s’il n’y arrive par voie d’admission classique.

Pour ce faire convient-il d’attirer son attention sur le fait qu’il doit agir dans le respect du délai de recours contentieux (dans les 2 mois suivant la notification de la décision de refus), sous peine d’irrecevabilité de son recours.

En effet, pour minorer le risque de perdre l’année universitaire en cours ou proche, il serait plus utile pour l’étudiant d’effectuer un recours en référé-suspension afin d’obtenir, sur injonction du juge [9], la suspension de la décision lui refusant l’admission en quelques jours, ainsi que son admission provisoire [10] dans l’attente du jugement au fond, l’autre procédure obligatoire à engager préalablement ou simultanément au référé-suspension, visant l’annulation de la décision [11].

Néanmoins, pour obtenir une décision favorable du juge des référés, il faut pouvoir justifier l’urgence et démontrer un doute sérieux sur la légalité de la décision de refus d’admission, ce qui ne semble pas à priori poser problème à cet égard [12].

Ainsi, d’une part, la condition d’urgence est regardée comme remplie eu égard à la proximité de la rentrée universitaire, et donc la possibilité pour le candidat de poursuivre ses études en début d’année et/ou de finaliser le diplôme - les effets de la décision contestée faisant obstacle à cela.

D’autre part, il est sans conteste que, le fait d’opérer une sélection pour l’accès à une formation qui n’est pas concernée par la liste de formations établie conformément aux dispositions exposées supra, est propre à créer un doute sérieux sur la légalité d’une décision de refus d’inscription contestée [13].

En plus, au soutien de l’illégalité de la décision de refus de son admission, l’étudiant pourrait invoquer dans certaines conditions d’autres moyens qui ne sont pas des moindres.

Précisément, la mise en œuvre d’une sélection requiert préalablement la détermination du nombre de places pour la formation concernée, la définition des modalités de sélection par le conseil d’administration (CA) et une publicité suffisante de l’ensemble de ces règles, lesquelles doivent faire l’objet d’une transmission au contrôle de légalité au recteur de région académique, chancelier des universités [14].

Or, dans la pratique, il n’est pas moins fréquent que l’ensemble de ces conditions préalables ne soient pas régulièrement respectées, compte tenu de leur mise en œuvre jugée complexe.

Beaucoup d’universités, étant confrontées rarement à des risques contentieux de cet ordre, ne prennent pas suffisamment garde de ce point de vue et, c’est généralement à l’occasion de recours judiciaires, que les étudiants se rendent compte de l’irrégularité ou pas de la procédure de sélection.

Ainsi par exemple, le juge a retenu l’illégalité d’une décision de refus d’inscription en M1 au motif que, d’une part, elle n’a pas été signée par son auteur et, d’autre part, l’université n’a pas été en mesure de démontrer que son CA avait régulièrement délibéré, publié et transmis au recteur les dispositions règlementaires ayant défini les modalités de sélection retenues pour l’accès au master.

En définitive, le recours au juge pour obtenir l’admission en master en cas de refus légalement injustifié, constitue sans doute un moyen de pression à l’encontre des universités, afin qu’elles respectent davantage les normes applicables en la matière de sélection, et pour éviter ainsi des condamnations pécuniaires.

Et les chances de succès en cas de recours sont réelles pour peu que les étudiants concernés soient courageux d’autant que, la plupart, étant en situation de précarité, peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle qui leur permet de ne rien débourser ou d’être remboursés des frais engagés en cas de succès.

Abdoul Bah, Juriste.

[1TA Paris, 3 oct. 2018, n°1717331.

[2Cela procède de l’esprit et de la logique du système LMD dans le sens où le M1 est considéré comme la moitié du diplôme Master et le M2 comme l’autre moitié de celui-ci.

[3Voir la liste établie à cet effet : Décret n° 2018-642 du 20 juillet 2018 modifiant le décret n° 2016-672 du 25 mai 2016 relatif au diplôme national de master.

[4CAA Paris 14 mai 2019, n°18PA03424 ; CE, 10 juin 2020, n°434672.

[5TA, Limoges, 7 décembre 2017, n°1601593.

[6TA Bordeaux, 6 juin 2017, n°1701977 ; CAA Paris, 14 mai 2019, n°18PA03424.

[7Art. D612-32-2.

[8CE, 21 janvier 2021, n°442788.

[9En application de l’article L911-1 du CJA.

[10Ou le réexamen de son dossier, en tirant toutes les conséquences de l’illégalité de la décision en cause.

[11V. art. L521-1 CJA.

[12V. aussi en ce sens la décision du Conseil d’état du 10 juin 2020, n°434672.

[13V. CE, 23 mars 2016, n°393981/n°393933.

[14V. art. L719-7 Code de l’éducation.

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