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Les parties communes à usage exclusif. Par Jean-Philippe Mariani, Avocat et Bruno Lehnisch, Juriste.
Parution : lundi 8 mars 2021
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Omniprésentes en copropriété, les parties communes à usage exclusif suscitent de nombreux litiges.
Force est de constater que leur caractère hybride, à mi-chemin entre le privé et le collectif, contribue à nourrir des interrogations.
Comment une partie commune d’un immeuble, qui, par définition, appartient indivisément à tous les copropriétaires peut-elle, en même temps, être un espace privé pour l’un d’entre eux ?

Les points importants à retenir

1. Les parties communes à jouissance privative ont été définies par la loi, dite ELAN, du 30 octobre 2019, comme des « parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot ». On peut donc parler indifféremment d’une partie commune à jouissance privative ou à jouissance exclusive : les deux notions sont synonymes.
Présentes dans nombre de résidences (jardins, cours, balcons, toit-terrasses…), les PCJP sont accessibles soit par des parties privatives (appartements), soit par des parties communes (escalier, palier…).

2. En copropriété, un espace extérieur n’est pas toujours une partie commune.
L’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété précise que les espaces extérieurs au lot privatif, tels que des jardins, cours, toits-terrasses…, sont réputés parties communes « dans le silence ou la contradiction des titres ». Autrement dit, un tel espace est simplement présumé être une partie commune mais cette présomption peut être contredite par une clause contraire du règlement de copropriété.
Un récent arrêt de la Cour de cassation a rappelé le caractère supplétif des règles de l’article 3 de la loi de 1965 [1]. Dans cet arrêt, la Cour de cassation valide l’analyse de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, laquelle avait déduit de la lecture du règlement de copropriété que des balcons étaient des parties privatives et non des parties communes à usage privatif.

3. Les parties communes à jouissance privative sont protégées par le droit à la vie privée et par le principe d’inviolabilité du domicile. Le ministère de la Justice l’a récemment confirmé en réponse au Sénateur Yves Détraigne (réponse publiée dans le JO Sénat du 27/08/2020).

4. Il n’est pas possible, en principe, de s’opposer à des travaux sur des parties communes à jouissance privative (PCJP).
Il arrive fréquemment en copropriété qu’il soit indispensable d’effectuer des investigations ou des travaux d’entretien ou réparations sur ces espaces. Ainsi, il s’avère souvent nécessaire d’intervenir sur le toit-terrasse d’un immeuble pour diverses réparations (conduits de cheminée, vanne de purge de la colonne d’eau…). De même, les jardins et cours en copropriété, qui se trouvent souvent au-dessus du parking de la résidence, peuvent nécessiter des travaux d’étanchéité.
Un copropriétaire ne peut pas, en principe, s’opposer à ces travaux sur ses PCJP.
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, qui régit la copropriété, dispose en effet qu’un « copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d’intérêt collectif ».

En cas de résistance du copropriétaire, ni le syndic ni une entreprise mandatée par lui ne pourront pénétrer de force dans cet espace, sauf à commettre une violation de domicile. Il lui appartiendra de saisir le juge, le cas échéant en référé en cas d’urgence, aux fins de pénétrer dans une PCJP. En effet, seul le juge, gardien du droit à la vie privée en application de l’article 66 de la Constitution, peut délivrer une telle autorisation d’accès dans un espace privé.

5. Je peux librement aménager une partie commune à jouissance privative
La loi du 10 juillet 1965 précise, en son article 25b, que « tous les travaux affectant les parties communes » sont soumis à l’autorisation de la copropriété. Il en résulte que, dans une PCJP, des aménagements amovibles (plantes, décorations, mobilier de jardin)… sont possibles sans autorisation de la copropriété.
En outre, certains menus travaux sont également possibles sans autorisation. En effet, par « affecter les parties communes », il faut comprendre affecter soit la solidité des parties communes, soit leur intégrité ou consistance matérielle, soit les modalités de leur usage. En conséquence, sont dispensées d’autorisation les installations amovibles ou faciles à supprimer, autrement dit des menus travaux qui peuvent être retirés sans dégrader les parties communes ou moyennant de petites réparations.

Ainsi, il a été jugé que l’autorisation de l’Assemblée générale n’était pas requise pour des travaux minimes :
- ne modifiant pas la substance et la destination de la partie commune à jouissance privative concernée [2],
- ou d’aspect discret par leurs formes et dimensions et fixés par un ancrage léger et superficiel [3].

En revanche, ces espaces demeurent des parties communes appartenant indivisément à tous les copropriétaires ; ils sont donc régis par la loi du 10 juillet 1965, laquelle soumet à l’autorisation de l’assemblée générale. Des travaux de construction, tels qu’une véranda ou une piscine, nécessiteront donc un accord de la copropriété. En effet, la jurisprudence considère que de tels travaux "affectent les parties communes".

Jean-Philippe Mariani, Avocat, et Bruno Lehnisch, Juriste.

[1Cass. 3e civ., 7 janv. 2021, n° 19-19.459.

[2Civ. 3ème, 6 décembre 1965, Chambre civile 1, Bulletin n° 674.

[3Cass. 3e civ., 19 nov. 1997, n° 95-20.079, Bull. 1997 III N° 206 p. 139.

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