Village de la Justice www.village-justice.com

Les conséquences du refus de prêt confié à un Courtier-IOBSP en crédit immobilier (1/2). Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : lundi 22 mars 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/les-consequences-refus-pret-confie-courtier-iobsp-credit-immobilier,38555.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

« La promesse est une dette » Confucius.
A la lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, 16e Chambre du 11 mars 2021, n°20/01390.
L’acquéreur fort dépourvu de prêt qui s’est adressé à un courtier-IOBSP en crédit immobilier peut rechercher la responsabilité de ce dernier. Chemin d’épines. Les conséquences des rapports souvent turbulents et parfois judiciaires entre la promesse unilatérale (ou le compromis) de vente et le contrat de mandat de recherche de financement incombent en principe à l’acquéreur, client du courtier en crédit et débiteur des obligations du contrat préliminaire.

Les candidats malheureux à l’emprunt, espèce hélas en voie de développement, doivent garder à l’esprit les dispositions à prendre en cas de refus de prêt à la suite de la recherche d’un crédit confiée à un Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement (ou IOBSP). Les conditions juridiques pour échapper à toute pénalité financière en cas de refus de prêt dépendent de ces actes. A défaut, promettre d’acheter peut se transformer immédiatement en une dette certaine, même en cas de refus de prêt et en présence d’une condition suspensive d’obtention de prêt.

I. Les conditions imposées au candidat à l’emprunt pour bénéficier de la condition suspensive d’obtention de prêt et pour échapper au paiement de l’indemnité d’immobilisation en cas de refus de prêt.

La promesse (tout comme le compromis) de vente et le contrat passé avec un Intermédiaire en crédit, tel qu’un courtier-IOBSP en crédit, forment un couple juridiquement mal exploré. Le courtier-IOBSP en crédit peut exercer selon deux cadres juridiques différents. Généralement, il agit au moyen d’un mandat de recherche de capitaux (ou mandat de financement). Le candidat à l’emprunt, éconduit, dispose d’un cadre juridique qui lui est favorable, avec la condition suspensive d’obtention de prêt. Cependant, l’acquéreur doit bien comprendre les principes pour en bénéficier : à défaut, il doit une compensation financière au vendeur.

I.1. Deux régimes juridiques de recherche de prêt immobilier par un Intermédiaire bancaire : le contrat de mandat de recherche de financement et le contrat de conseil indépendant en crédit immobilier.

Plus les banques françaises s’acharnent à limiter l’octroi de crédit, plus ces banques poussent les consommateurs vers les courtiers en crédit. Cachées derrière le suave paravent du « pouvoir discrétionnaire orienté » (sic) du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), concept qui échappe à l’entendement juridique, les banques exécutent pieusement ses « Recommandations » et étouffent consciencieusement le crédit immobilier. Pour sa part, déjà stimulé par la médiocrité de la fameuse « relation banques-clients » proposée par les mêmes banques de détail françaises, le développement du courtage en crédit s’avère plus que jamais tonique et sans signe de découragement. Les emprunteurs confient toujours davantage la recherche de prêts immobiliers aux courtier-Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement (IOBSP), ou courtiers en crédit : bientôt un emprunteur sur deux, et pratiquement deux sur trois pour les plus jeunes des emprunteurs. Les consommateurs contredisent ainsi frontalement certains députés, qui estiment cette activité de courtage « pas […] si essentielle […] » (Assemblée nationale, proposition de Loi sur le courtage, n°579, séance publique du 17 mars 2021).

Il s’ensuit logiquement du rationnement du crédit immobilier, depuis début 2020, la hausse notable des refus de prêts et la baisse marquée de la production de prêts immobiliers, que l’énergie des courtiers en crédit ne peut évidemment suffire à empêcher.

L’Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement dispose de deux principaux cadres juridiques pour offrir ses services au candidat au crédit immobilier : le contrat de mandat de recherche de capitaux, en courtage en crédit ; et le contrat de conseil indépendant en crédit immobilier, lequel n’est pas une prestation d’intermédiation, tout en étant nécessairement délivrée par un Intermédiaire bancaire.

Le contrat de mandat de recherche de financement découle des dispositions du droit des contrats et particulièrement, à celles du droit des contrats spéciaux de mandat [1]. Sa présence est impérative en matière d’intermédiation en opérations de banque, donc, d’intermédiation en crédit [2]. Le courtier en crédit, agissant de manière indépendante et au service du candidat à l’emprunt, exerce l’intermédiation en opérations de banque en vertu d’un contrat de mandat reçu de son client [3]. En vertu de ce contrat de mandat, le courtier-IOBSP en crédit procède à l’analyse des besoins et du profil du client, pour lui recommander un prêt et présenter, au nom du client, les demandes d’instruction de prêt aux établissements de crédit. Contrairement à leurs croyances infondées juridiquement, ces établissements de crédit agréés sont tenus d’instruire toutes les demandes de prêt émanant de consommateurs, y compris lorsque ceux-ci sont représentés par un courtier en crédit. Ce contrat de mandat de recherche de financement ne donne lieu à rémunération du courtier par le consommateur qu’en cas de succès dans l’obtention d’un prêt et cette rémunération n’est acquittée par le consommateur qu’après la mise à disposition des fonds du crédit [4].

Le contrat de mandat de recherche de crédit immobilier constitue le véhicule contractuel dominant des prestations demandées aux courtiers en crédit.

L’Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement peut également agir en vertu d’un contrat de conseil indépendant en crédit immobilier [5]. Dans cette modalité, l’Intermédiaire bancaire délivre au client une prestation de conseil et lui recommande un prêt, sur la base des informations communiquées à cette fin par les établissements de crédit, sans assurer ni la recherche ni la négociation de ce prêt avec un quelconque établissement de crédit pour le compte du client. Il appartient au client, muni de l’analyse et du conseil reçus, de procéder cette fois personnellement à la présentation de sa demande aux établissements prêteurs. La prestation de conseil indépendant en crédit immobilier donne lieu à rémunération immédiate du prestataire, que le crédit soit accordé, ou non et sans attendre la mise à disposition des capitaux de celui-ci [6].

Parmi ses dispositions, quel que soit le contrat passé avec l’Intermédiaire bancaire, cette convention précise nécessairement les caractéristiques du prêt recherché par le client, mandant du courtier-IOBSP en crédit. Il s’agit pour l’essentiel : du bien à financer, du montant nominal du prêt, de son taux débiteur et de sa durée. Le courtier-IOBSP en crédit réalise ses diligences sur cette base, en fonction de la nature du contrat passé avec le client.

La mécanique de la condition suspensive d’obtention de prêt protège, en principe, le candidat malheureux à l’emprunt. Mais cette protection n’est effective seulement que si certaines conditions se matérialisent. A défaut, le vendeur du bien est parfaitement fondé à réclamer à l’acheteur contraint de renoncer à l’achat le montant de l’indemnité d’immobilisation, à titre de pénalité.

I.2. Le régime des conditions d’attribution de l’indemnité d’immobilisation au vendeur entraîne des risques pour l’acquéreur en cas de refus de prêt immobilier.

L’avant-contrat de vente immobilière, promesse de vente ou compromis de vente, est indépendant du contrat passé par l’acheteur avec le courtier-IOBSP en crédit immobilier. Le premier de ces contrats, qualifié de « préliminaire » à la vente est celui

« par lequel, en contrepartie d’un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s’engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d’immeuble » [7].

En principe, l’acquéreur est protégé en cas de refus de prêt. En pratique, cette protection n’est effective qu’en regard de principes détaillés qu’il revient à l’acquéreur de bien intégrer.

Le contrat d’achat n’est définitivement formé qu’à condition que l’acquéreur obtienne le financement nécessaire à cette fin. Le prêt est obtenu sous condition, résolutoire, que le contrat d’acquisition du bien immobilier soit passé dans un délai de quatre mois [8].

Si, au contraire, le potentiel acquéreur d’un bien immobilier n’obtient pas le prêt immobilier demandé, la condition suspensive d’obtention de prêt lui permet de renoncer à la promesse de vente. La promesse de vente mentionne nécessairement, lorsque tel est le cas, le financement de l’acquisition par un prêt ; et comporte en conséquence cette condition suspensive d’obtention de prêt [9]. Si le prêt immobilier est refusé, le potentiel acquéreur peut renoncer à la promesse de vente sans aucun frais. Il est alors intégralement remboursé des sommes versées au vendeur ou au professionnel de l’immobilier. La défaillance (ou « non réalisation ») de la condition suspensive d’obtention de prêt est acquise dès lors que le demandeur, candidat à l’emprunt, n’a pas obtenu les prêts sollicités.

Ainsi, très clairement

« lorsque [le contrat préliminaire à la vente immobilière] indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l’aide d’un ou plusieurs prêts [immobiliers], cet acte est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assument le financement » [10].

L’obligation d’achat immobilière souscrite par l’acheteur possède ainsi une nature conditionnelle ; « […] elle dépend d’un événement futur et incertain » [11] : l’obtention d’un prêt immobilier. « La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple » [12]. C’est bien la défaillance de la condition suspensive qui décharge l’acheteur de son obligation d’achat.

La défaillance de la condition suspensive d’obtention de prêt permet au bénéficiaire de la promesse de vente (ou à l’acquéreur, dans le compromis de vente) d’échapper à toute conséquence financière. En particulier, le promettant ou le vendeur ne peut réclamer l’attribution de l’indemnité financière d’immobilisation.

La défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité du contrat préliminaire. Même en cas de réalisation partielle de la condition (par exemple, une partie du financement est obtenu, mais pas la totalité, alors que la promesse précisait un montant « maximum » [13]).

Mais cette défaillance ou cette non-réalisation de la condition suspensive est elle-même soumise à des conditions, qui seront souvent examinées très attentivement par le vendeur ainsi que par ses Conseils. En effet, celui-ci a consenti d’immobiliser un bien immobilier durant la période d’accomplissement de la condition suspensive. Il demande à l’acheteur de constituer une contrepartie à cette immobilisation : l’indemnité d’immobilisation. Celle-ci n’a pas la nature d’une clause pénale. La créance d’indemnité d’immobilisation naît précisément de la non-réalisation de la vente dans les délais convenus par les parties, dès la réunion de plusieurs conditions. Elle peut être soit versée d’avance (dépôt de garantie) soit être appelée en cas de besoin. Dans le premier cas, l’acquéreur doit formuler une demande en restitution, supposant la démonstration que la vente n’a pas échoué par la faute des candidats acquéreurs. Dans le second cas, elle suppose une demande en paiement de la part des vendeurs.

Parmi ces hypothèses qui réputent la condition suspensive réalisée, même en l’absence de prêt, se trouvent notamment celle où l’acheteur n’a pas engagé les diligences nécessaires à la recherche de prêt ; celle par laquelle l’acheteur, se ravisant après la période de rétractation de l’avant-contrat, fait volontairement échec à l’obtention du prêt ; celle dans laquelle la recherche du prêt n’est pas conforme aux stipulations du contrat préliminaire ; ou encore, celle dans laquelle l’acheteur ne dispose pas des justificatifs de refus de prêt.

Autant de situations qui privent l’acquéreur du bénéfice de la condition suspensive, même si le prêt n’est, en effet, pas obtenu. Car : « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement » [14]. La règle est posée de longue date par la Jurisprudence :

« en effectuant des démarches incomplètes auprès de l’organisme prêteur, carence motivée par l’insuffisance démontrée de son apport personnel, [l’acquéreur] a empêché l’accomplissement de la condition suspensive ; […] dans ce cas […] cette condition doit être réputée accomplie » [15].

En cas de promesse de vente constatée par un acte notarié, cet acte contient les éléments permettant l’attribution de cette indemnité au vendeur (éléments de liquidation de la créance, tels que son montant et les conditions à remplir pour qu’elle soit due en cas de non-réalisation de la vente). Cette promesse revêt la formule exécutoire, laquelle autorise valablement la saisie-attribution de l’indemnité d’immobilisation au profit du vendeur. Les acquéreurs ne démontrent notamment pas « avoir notifié au vendeur qu’ils n’avaient pas obtenu leur prêt dans le délais impartis ». Dès lors, une promesse ainsi formalisée autorise l’attribution de l’indemnité d’immobilisation au vendeur [16].

Ainsi, la rédaction du contrat préliminaire, souvent un contrat d’adhésion, peut comporter des risques pour l’acquéreur : caractéristiques du prêt, délai imparti pour l’obtenir, nombre et forme des refus de prêt, modalités de la recherche (directe, auprès d’établissements de crédit ; par l’intermédiaire d’un courtier en crédit), principe et modalités de la notification de refus de prêt au vendeur. L’acquéreur doit faire une lecture attentive des termes, contenus obligationnels et délais relatifs au prêt, tels que stipulés dans le contrat préliminaire auquel il consent. La qualité de rédaction de l’avant-contrat, proposé soit par un notaire, soit par un agent immobilier, soit même par un particulier, s’avère déterminante. Les acquéreurs, croyant s’engager dans des obligations standardisées, négligent souvent la rédaction de la condition suspensive.

Ces normes juridiques, pourtant claires, soulèvent la tentation de rechercher la responsabilité du courtier-IOBSP en crédit, en cas de refus de prêt sans bénéfice de la condition suspensive d’obtention de prêt. La présence d’un contrat de mandat de recherche de financement passé avec un courtier-IOBSP en crédit immobilier peut inciter l’acquéreur à solliciter la responsabilité du courtier.

Mais le bénéfice de la défaillance de la condition suspensive d’obtention de prêt immobilier suppose la production des preuves des diligences accomplies pour rechercher le prêt. Celles-ci incombent prioritairement à l’acquéreur, client du courtier en crédit, secondairement au courtier. Les actes de l’acquéreur et ceux du courtier en crédit assurent le bénéfice efficace de la condition suspensive d’obtention de prêt en cas de refus de prêt.

A suivre : Les conséquences du refus de prêt confié à un courtier-IOBSP en crédit immobilier partie 2/2.

Laurent Denis Juriste - Droit et Conformité des Intermédiaires banque, assurance, finance www.endroit-avocat.fr

[1Article 1984 et suivants, du Code civil.

[2Art. L591-2 du Code monétaire et financier.

[3Art. R519-4, I, 1° du Code monétaire et financier.

[4Art. L519-6 du Code monétaire et financier.

[5Art. L519-1-1 du Code monétaire et financier ou art. L313-13 du Code de la consommation.

[6Art. L519-6-1 du Code monétaire et financier.

[7Art. L261-15, I du Code de l’habitat et de la construction.

[8Art. L313-36 du Code de la consommation.

[9Art. L313-40 du Code de la consommation.

[10Art. L313-41 du Code de la consommation.

[11Art. 1304 du Code civil.

[12Même article 1304 al. 2 du Code civil, avec l’article 1304-6 al. 1er du même Code.

[13Cour de cassation, Civ. 1ère du 14 janvier 2021, n°20-11224.

[14Art. 1304-3 al. 1er du Code civil.

[15Cour de cassation, Civ. 3e du 25 avril 1978, n°73-13933.

[16Cour d’appel de Versailles, 6e Ch. du 11 mars 2021, n° 20/01390.

Comentaires: