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Les conséquences du refus de prêt confié à un Courtier-IOBSP en crédit immobilier (2/2). Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : mercredi 24 mars 2021
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« Examine si ce que tu promets est juste et possible » Confucius.
A la lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, 16e Chambre du 11 mars 2021, n°20/01390.
Les principes juridiques régissant l’avant-contrat de vente immobilière, en présence d’un prêt, et le contrat passé entre un Client et le Courtier-IOBSP auquel il s’adresse, s’assemblent aisément (cf Les conséquences du refus de prêt confié à un courtier-IOBSP en crédit immobilier, 1/2).

Le bénéfice de ces principes, notamment pour l’acquéreur en cas de refus de prêt par les établissements de crédit, passe par la délivrance d’actes, qui lui incombent essentiellement, même en tant que client du courtier-IOBSP en crédit. Ce dernier a tout intérêt, pour sa part, à formaliser les étapes-clés du refus de crédit consécutif à l’exécution du contrat de mandat de recherche de capitaux qui lui est confié.

II. Les actes à réaliser pour bénéficier de la condition suspensive d’obtention de prêt, en cas de contrat passé avec un Courtier-IOBSP en crédit.

La recherche de prêt conforme aux stipulations de l’avant-contrat de vente assure le strict respect des obligations de l’acquéreur. La bonne compréhension, par l’acquéreur, de l’articulation entre le contrat préliminaire et le contrat de mandat de recherche de financement confié au courtier-IOBSP en crédit immobilier prévient les risques juridiques et financiers auxquels s’expose l’acquéreur.

En présence d’un mandat de recherche de capitaux (ou mandat de financement), confié à un Courtier, le candidat à l’emprunt, éconduit, demeure principalement responsable des actes lui permettant le bénéfice de la condition suspensive. A défaut, cet acheteur s’expose au paiement de l’indemnité dite d’immobilisation prévue par l’avant-contrat. Bien souvent, promettre d’acheter peut ainsi se transformer immédiatement en une dette certaine, même en cas de refus de prêt.

II.1. Les actes à accomplir par le candidat à l’emprunt.

L’acquéreur doit rechercher un prêt strictement conforme aux stipulations de la promesse de vente ou du compromis de vente, et il doit le faire selon les modalités prévues par ce contrat [1].

Faute de démontrer « avoir déposé une demande de prêt conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse de vente », il résulte « que la condition suspensive était réputée accomplie et que la partie qui n’était pas en défaut pouvait se prévaloir de la clause pénale prévue en cas de refus de régulariser la vente par acte authentique » [2].

La condition suspensive est réalisée dans trois cas : (i) en cas d’obtention d’une ou plusieurs offres définitives de prêts, dans le délai imparti ; (ii) en cas de demandes de financement non conformes aux caractéristiques stipulées dans l’avant-contrat ; (iii) en cas d’empêchement à l’accomplissement de la condition par l’acquéreur, étant « celui qui y avait intérêt ». Basiquement, la condition suspensive d’obtention d’un prêt est réalisée dès la présentation par un établissement prêteur d’une offre épousant les caractéristiques du financement stipulées dans l’acte [3].

Un Intermédiaire bancaire, professionnel de la distribution immatriculé au Registre national unique des Intermédiaires tenu par l’Orias, n’est d’évidence pas un établissement de crédit agréé par la Banque Centrale Européenne et par l’Autorité de Contrôle bancaire Nationale (en France : Banque de France/ACPR). Ces établissements agréés figurent pour leur part dans les Registres Euclid ou Regafi.

Pour autant, le dépôt d’une demande de prêt auprès d’un Courtier-IOBSP équivaut à une demande auprès d’un établissement de crédit et satisfait aux obligations issues du compromis de vente [4].

Car « en s’adressant [au] courtier en prêts immobiliers, [l’acquéreur] avait satisfait à l’obligation de déposer une demande de prêt auprès d’un organisme financier contenue dans la promesse de vente » ; d’autant qu’« [un prêteur] avait signifié un refus […] » permettant de déduire « que la non-réalisation de cette condition suspensive ne lui était pas imputable et que la demande [des vendeurs] de versement de la clause pénale ne pouvait être accueillie » [5]. Ceci s’applique même si le contrat préliminaire a omis cette précision et si cette réalité juridique froisse la pratique notariale. Il suffirait de prévoir dans ces clauses d’avant-contrat la faculté de dépôt de demande de prêt auprès des Courtiers en crédit pour clarifier le point.

Le Consommateur doit adresser sa demande au Courtier avant l’expiration du délai [6]. Les acquéreurs s’adressant à un Courtier en crédit n’ont aucune justification des démarches accomplies à apporter, dès lors qu’ils produisent un refus de prêt conforme, dans le délai imparti [7].

Le Consommateur qui forme sa demande de crédit en se faisant représenter par un Courtier-IOBSP en crédit immobilier doit, en tout premier lieu, veiller à fixer le mandat qu’il donne à ce Courtier de manière strictement conforme aux stipulations de l’avant-contrat relatives au prêt à solliciter.

Le Mandant doit faciliter l’exécution du contrat de mandat. À cette fin, il doit remettre au Courtier en crédit immobilier, dans un délai raisonnable, les pièces justificatives indispensables. En effet, le prêteur est, seul, tenu de vérifier la solvabilité de l’emprunteur [8]. Il y procède y compris au moyen des informations fournies « par l’Intermédiaire de crédit » [9]. Le Courtier en crédit indique à cette fin au candidat à l’emprunt, son Mandant, la liste des pièces utiles et le délai assigné pour les produire [10], au moyen d’un support durable auquel le Client accède [11], selon le principe général.

Un accord « de principe » (donc, étant sous conditions, qui n’est pas un accord) ne matérialise pas une offre de prêt. Si l’accord de principe de prêt est obtenu avant la date d’expiration de la condition suspensive, mais sous réserve de conditions qui ne dépendent pas de l’emprunteur (accord d’assurance-emprunteur, par exemple) alors l’offre de prêt n’est pas accordée dans le délai et la condition suspensive peut être défaillante [12].

L’acquéreur doit également informer les vendeurs. Il a tout intérêt à le faire dans le délai imparti par le contrat préliminaire, et à plus forte raison s’il constate de la difficulté à obtenir le prêt recherché. Dans tous les cas, le respect du délai de réponse aux acquéreurs, fixé par l’avant-contrat, est impératif.

Enfin, l’acquéreur doit produire des attestations de refus de prêt, conformes aux stipulations de la promesse ou du compromis de vente. Or, il arrive de plus en plus fréquemment que nombre d’établissements de crédit, qui n’ont aucune obligation sur ce point outre celle d’agir généralement « […] d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle, au mieux des droits et des intérêts des emprunteurs » [13] s’autorisent de refuser ces attestations aux candidats malheureux à l’emprunt. Les demandes d’attestation, ainsi refusées, suffisent à montrer les démarches accomplies par le Courtier et le choix des banques d’en priver les Consommateurs.

Il appartient donc au bénéficiaire de la promesse de vente de démontrer qu’il a bien sollicité le prêt conformément aux caractéristiques acceptées par lui, seul, dans l’avant-contrat de vente.

II.2. Les actes à accomplir par le Courtier-IOBSP en crédit immobilier.

Pour prévenir les difficultés qui pourraient résulter de l’échec de la recherche du prêt, le Courtier-IOBSP en crédit immobilier prendra grand soin de formaliser quelques points essentiels touchant à la recherche de prêt. En effet, en cas de difficulté, le Courtier sera principalement confronté à une exigence de preuves [14].

Le Courtier se montrera d’autant plus précis dans sa communication formelle avec le Client que l’échéance fixée par le contrat préliminaire se rapproche et/ou que les risques d’échec d’obtention de prêt augmentent.

Le Courtier-IOBSP est évidemment tenu aux obligations générales de sa profession réglementée [15], mais également aux obligations générales de tout Mandataire. En particulier : « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion » [16] ; car : « tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion » [17]. Le Courtier en crédit se trouve donc tenu de rendre compte précisément des diligences accomplies en vue de présenter la demande de crédit au nom de l’acquéreur, conformément aux termes du contrat de mandat.

La prise en considération de la durée fixée par l’avant-contrat pour la condition suspensive d’obtention de prêt est essentielle. Et : « la durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l’acte » [18]. La gestion de ce délai ainsi que l’information traçable donnée au Client quant à ce délai sont deux points cruciaux. Toutefois, le Courtier-IOBSP ne peut être responsable des délais d’instruction et de réponse des établissements prêteurs. Dès lors qu’il présente les demandes de prêt de manière diligente, aucune responsabilité de ne peut être imputée au Courtier en raison de la lenteur, ou de l’absence, des réponses des banques [19]. Le Courtier en crédit diligent n’est pas comptable du délai de réponse aux demandes qu’il dépose.

Le dépôt de demandes de prêt doit, évidemment, être effectif : complet, conforme, daté. Le Courtier a tout intérêt à bien distinguer les travaux de « simulations » de prêt des actes de dépôt de demandes d’instruction de prêt. La preuve de la date de dépôt des demandes d’instruction s’avère pratiquement précieuse.

En cas de refus de prêt, l’information claire et explicite du Client-Mandant-acquéreur montre que le Courtier a réalisé les travaux prévus dans le délai imparti. Le Courtier en crédit est évidemment libre de délivrer une attestation de mandat de recherche au Client, pour la justification de ses propres obligations. De même, il dispose de la possibilité de produire à son Client une attestation de dépôt et de recherche infructueuse de prêt (l’attestation de refus de prêt, stricto sensu, est délicate ; le Courtier-IOBSP ne doit jamais s’exposer au risque de confusion avec un établissement prêteur). En cas de refus des prêteurs, le Courtier doit soit communiquer les attestations de refus obtenues, conformes aux caractéristiques du prêt sollicité pour le compte du Client, soit disposer des preuves de dépôt des demandes effectuées, comme indiqué plus haut.

Un Tribunal affirme la responsabilité du Client dans la demande de prêt exposée au Courtier : « […] les prétendants à l’obtention du prêt n’ont pas présenté une demande conforme aux caractéristiques de l’avant-contrat ; […] en effet, ils ont sollicité un prêt d’un montant inférieur à celui figurant dans la promesse » [20]. Un autre Tribunal considère le Courtier, mal à l’aise pour prouver ses diligences, comme tenu par l’acte de promesse. Ainsi : « […] la responsabilité contractuelle [de la Société du Courtier-IOBSP] est engagée, celle-ci n’ayant pas exécuté avec diligence son obligation, dès lors qu’elle n’a justifié que de la saisine de deux établissements bancaires et qu’elle n’a rendu que partiellement compte de ses démarches »  [21]. Dans cette affaire, la promesse de vente prévoyait expressément que la condition suspensive serait considérée « comme réalisée à défaut de présentation de trois refus de prêt émanant de trois banques différentes ». Ni le Client, ni le Courtier en crédit ne prouvaient ni au moins trois dépôts de demandes de prêt, ni le Courtier avoir même « rendu compte de ses démarches » au Mandant.

Pourtant, le nombre minimal de dépôts à effectuer ne figurait pas au contrat du Courtier ; qui ne réfutait pas avoir eu connaissance de la promesse. Cette solution méconnaît un principe essentiel du Droit des contrats de mandat. Le Courtier-IOBSP en crédit n’est tenu que par les dispositions du contrat de mandat et non par celles d’autres actes, y compris celles de la promesse ou du compromis de vente. En effet, selon la règle du Code civil : « le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat » [22]. C’est une particularité du contrat spécial de mandat. Seules les stipulations du contrat de mandat sont donc essentielles pour déterminer les obligations et les responsabilités du Courtier en crédit.

Le Courtier en crédit peut utilement relever explicitement que les caractéristiques du prêt dans le contrat de mandat sont celles effectivement imposées par le Client, son Mandant. Lorsque la recherche, comme c’est souvent le cas, évolue vers d’autres caractéristiques, il doit attirer formellement l’attention du Client sur les risques que comporte une demande de prêt plus difficile à obtenir que celle dessinée par le contrat préliminaire (durée plus courte, montant plus élevé, taux plus bas, par exemples).

La Cour d’appel de Versailles [23] constate que les acquéreurs ont demandé un financement aux caractéristiques différentes de celle de la promesse de vente, plus difficile à obtenir : montant plus élevé, durée plus courte et sans précision du taux hors assurance figurant dans la promesse. Il en va de leur responsabilité. Le Courtier est tenu par les termes de son mandat. Le Courtier leur a néanmoins obtenu une offre de prêt, que les acquéreurs ont refusé en estimant, sans le démontrer, que le taux du crédit avec assurance-emprunteur ne correspondaient pas aux caractéristiques fixées dans la promesse. Les acquéreurs indiquaient dans la promesse que l’assurance décès-invalidité ne constituait pas une difficulté.

La Cour d’appel en déduit justement : (i) que le taux de l’assurance-emprunteur n’entrait pas dans les conditions d’obtention du prêt ; (ii) que la condition suspensive était donc réputée accomplie. Et que les acquéreurs disposaient d’une offre permettant de lever l’option.

Rappelons pour finir que le Courtier-IOBSP en crédit immobilier agissant au titre du mandat de recherche de capitaux est tenu à une obligation de conseil en crédit. Cette obligation de conseil est attachée à la proposition de crédit, qui en est une condition essentielle. En l’absence de tout crédit, il convient de souligner très clairement que le Courtier ne doit aucune obligation de conseil au Client [24]. En cas de refus de crédit le Courtier-IOBSP n’est aucunement tenu à aucun devoir de conseil, ni en regard de la Loi, ni en regard de la Jurisprudence. En cas de refus de prêt, la responsabilité du Courtier en crédit ne peut donc être recherchée sur le fondement d’un défaut de conseil que le Droit ne met pas à sa charge.

La vente conclue sous condition suspensive décale ses effets au moment de la survenance de l’événement convenu comme condition. A défaut de réalisation de l’événement, l’acte est caduc et justifie l’inaccomplissement de la vente. La condition suspensive d’obtention de prêt est un mécanisme protecteur de l’acquéreur d’un bien immobilier. Toutefois son bénéfice suppose l’accomplissement d’actes par cet acquéreur. Y compris lorsque celui-ci, comme ce sera bientôt majoritairement le cas, choisit un Courtier-IOBSP en crédit pour analyser et pour formuler sa demande. La qualité et la précision de conception et de rédaction du contrat de mandat de recherche de capitaux passé avec le Courtier en crédit s’avèrent deux atouts primordiaux. Négligent dans la réalisation de ces actes selon le juste calendrier, l’acquéreur peut être condamné au paiement de sommes au vendeur. Et voir son engagement initial d’achat, pourtant échoué, se transformer irrémédiablement en dette envers le vendeur du bien immobilier.

Laurent Denis Juriste - Droit et Conformité des Intermédiaires banque, assurance, finance www.endroit-avocat.fr

[1Cour de cassation, Civ. 3e du 13 février 2020, n° 19-12240.

[2Cour de cassation, Civ. 3e du 24 septembre 2013, n°12-24930.

[3Cour de cassation, Civ. 1ère du 9 décembre 1992, n° 91-12498.

[4Cour de cassation, Civ. 3e du 12 février 2014, n°12-27182.

[5Dans le même sens de l’équivalence de la demande adressée à un Courtier en crédit à la condition de dépôt d’une demande de prêt : Cour d’appel de Paris, du 9 février 2018 n°16/090257 ; Cour d’appel de Versailles, du 26 septembre 2019 n°18/03439 ; Cour d’appel de Paris, du 31 janvier 2020, n°18/285297.

[6Cour d’appel de Bordeaux, 2e Ch. civ. du 9 juillet 2020, n°17/05764.

[7Cour d’appel de Nîmes, 2e Ch. du 19 octobre 2017, n° 15/01306.

[8Art. L313-16 du Code de la consommation, auxquels s’ajoutent à présent les « Recommandations » du Haut Conseil de Stabilité Financière, HCSF.

[9Même article L313-16 du Code de la consommation et art. R519-21 du Code monétaire et financier.

[10Encore l’art. L513-16 du Code de la consommation.

[11Art. R519-23 du Code monétaire et financier.

[12Cour de cassation, Civ. 3e du 11 juillet 2019, 18-17848.

[13Article L314-22 alinéa 1er du Code de la consommation.

[14Art. 1353 al. 2 du Code civil ; art. 9 du Code de procédure civile, en cas de contentieux.

[15Notamment, art. L519-4-2 et R519-19 et suivants, du Code monétaire et financier.

[16Art. 1992 du Code civil.

[17Art. 1993 du Code civil.

[18Art. L313-41 du Code de la consommation.

[19Tribunal judiciaire de Caen, 1ère Ch. civ. du 9 septembre 2020, n°18/01034.

[20Cour d’appel de Nancy, du 1er mars 2016, n° 14/03317.

[21Cour d’appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 31 octobre 2019, n° 18/10062.

[22Art. 1989 du Code civil.

[236e Ch. du 11 mars 2021, n° 20/01390, déjà cité.

[24Ensemble, art. R. 519-28 et R. 519-29 du Code monétaire et financier, Conseil d’Etat du 24 juin 2013 n°363 544.

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