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Reconversion des militaires et dispositifs d’aide au départ. Par Tiffen Marcel, Avocat.
Parution : jeudi 25 mars 2021
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Chaque année, plus de 15 000 militaires quittent les forces armées pour retourner à la vie civile.

Qu’ils soient en limite d’âge de leur grade, en phase de réorientation de carrière, ou en fin de contrat, les militaires bénéficient d’un droit à la reconversion professionnelle, inscrit dans le Statut général des militaires.

Focus sur la reconversion professionnelle des militaires et ses dispositifs d’aide au départ.

Article mis à jour par son auteur en septembre 2023.

I. Les dispositifs d’accès à la fonction publique civile.

1.1. Le détachement-intégration.

- Définie aux article L4139-2 et suivants du Code de la défense, une procédure spécifique d’accès aux emplois publics civils offre aux militaires qui remplissent certaines conditions de grade et d’ancienneté, la possibilité d’être placés en position de détachement pour accéder à des emplois de la fonction publique civile en dehors des règles de recrutement classiques.

Les militaires en activité, doivent notamment détenir, à la date de leur détachement :
- Un minimum 10 ans d’ancienneté en qualité d’officier ou 15 ans d’ancienneté dont 5 ans en qualité d’officier, pour un détachement dans un emploi de la catégorie A,
- Un minimum de 5 ans d’ancienneté, pour un détachement dans un emploi de la catégorie B,
- Un minimum de 4 ans d’ancienneté, pour un détachement dans un emploi de la catégorie C.

En pratique, les militaires qui souhaitent candidater à un poste dans la fonction publique civile, doivent adresser leur demande à leur autorité gestionnaires par la voie hiérarchique.

Leur demande est soumise à l’agrément du ministre des Armées (ou du ministre de l’Intérieur pour les gendarmes).

Une fois agréée par le ministre des Armées (ou de l’Intérieur), la demande du militaire est transmise à l’administration d’accueil, après avis de la Commission nationale d’orientation et d’intégration (CNOI).

Si la candidature du militaire est retenue par l’administration d’accueil, il effectue un stage probatoire de deux mois, durant lesquels il reste en position d’activité au sein de son armée de rattachement et conserve sa solde.

A l’issue de son stage probatoire, le militaire est placé en position de détachement pour une durée initiale d’un an renouvelable, par décision conjointe du ministre des Armées (ou du ministre de l’Intérieur, pour les gendarmes), et de l’administration d’accueil.

A l’issue du délai d’un an de détachement, le militaire peut solliciter son intégration dans le corps ou le cadre d’emplois d’accueil.

1.2. Les emplois réservés.

Les militaires ayant contracté une maladie au cours de guerres ou d’opérations extérieures (OPEX), ou blessés, et qui sont titulaires d’une pension militaire d’invalidité, peuvent bénéficier d’un recrutement par la voie des emplois dits "réservés", sans condition d’âge, de délai, ni de durée de service [1].

Ce mécanisme permet aux militaires concernés de bénéficier d’un accès privilégié à des postes dans la fonction publique civile, dans toutes les catégories d’emploi qui leur sont exclusivement réservés [2].

Les militaires doivent déposer leurs candidatures auprès du service territorialement compétent de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) [3] qui les assistent dans la constitution de leur dossier [4].

C’est l’ONACVG qui procède à l’examen des qualifications et expériences professionnelles des candidats [5].

L’agrément du ministre n’est pas requis.

Après examen des capacités professionnelles des candidats, le ministre des Armées (ou le ministre de l’Intérieur pour les gendarmes) les inscrit sur une ou plusieurs listes d’aptitude, pour une durée limitée, par ordre alphabétique [6] et les informe de leur inscription sur les listes ou du rejet de leur candidature [7].

L’autorité d’accueil nomme les candidats retenus en qualité de stagiaire selon les modalités fixées par le statut particulier du corps d’accueil [8].

Les candidats effectuent leur stage en position de détachement et les militaires sous contrat bénéficient d’une prolongation de leur contrat pour toute la durée de leur stage [9].

A l’issue de leur stage, les militaires peuvent demander à être intégrés dans le dans le corps ou le cadre d’emplois d’accueil.

2. Les dispositifs permettant aux militaires de cesser (temporairement) de servir dans les armées.

2.1. La mise à disposition.

Tout en restant en position d’activité, le militaire peut être affecté, pour une durée limitée et dans l’intérêt du service, auprès d’une administration de l’Etat, d’un établissement public administratif ou industriel et commercial, un établissement de santé public ou privé, d’une collectivité territoriale, d’une organisation internationale, d’une association, d’une mutuelle ou, dans l’intérêt de la défense, auprès d’une entreprise [10].

Le militaire continue à être rémunéré par son corps d’origine. Il peut percevoir un complément de rémunération par l’organisme d’accueil, selon les règles applicables aux personnels de l’organisme d’accueil concerné.

L’affectation du militaire est prononcée par arrêté du ministre des Armées (ou de l’Intérieur, pour les gendarmes) et est subordonnée à la signature d’une convention de mise à disposition, entre le ministre compétent et la personne morale intéressée, pour une durée maximale de 10 ans.

La convention précise notamment les objectifs poursuivis par l’affectation, le nombre de militaires affectés, leur mission, les modalités de leur affectation, et leurs conditions d’emploi [11].

Lorsque les militaires sont mis à disposition d’une entreprise, il doit s’agir d’entreprises exerçant dans le domaine de l’industrie de l’armement, de la sécurité ou d’entreprises bénéficiant d’une expertise pouvant bénéficier directement à l’organisation et à la gestion des armées [12].

2.2.- La position de détachement.

Le détachement permet aux militaires d’être placés en dehors de leur corps d’origine, tout en continuant à figurer sur la liste d’ancienneté de leur corps et à bénéficier des droits à l’avancement et à pension de retraite [13].

Le militaire concerné est alors remplacé dans son emploi et se trouve soumis à toutes les règles régissant la fonction qu’il exerce par l’effet de son détachement, à l’exception de celles prévoyant le versement d’indemnités de licenciement ou de fin de carrière.

Pour les militaires servant en vertu d’un contrat, le temps passé en détachement est pris en compte dans la durée de service du militaire, et le détachement n’affecte pas le terme du contrat.

A l’expiration de son détachement, le militaire détaché est réintégré à la première vacance venant à s’ouvrir dans le corps auquel il appartient ou en surnombre.

Toutefois, le militaire qui le souhaite peut demander à être intégré, après agrément du ministre compétent, dans le corps ou cadre d’emploi de détachement dans les mêmes conditions que celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou cadre d’emploi [14].

Lorsqu’un militaire détaché est remis à la disposition de son administration d’origine avant l’expiration de son détachement pour une cause autre qu’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions, et qu’il ne peut être réintégré dans son corps d’origine en l’absence d’emploi vacant,il continue à être rémunéré par l’organisme de détachement jusqu’à sa réintégration.

Le militaire en détachement reçoit son traitement indiciaire, les indemnités de résidence et à caractère familial ainsi que les primes et indemnités attachées au nouvel emploi de son administration d’accueil.

Si la rémunération perçue dans cet emploi est inférieure à celle qu’il percevait en position d’activité au sein des forces armées, son ministère d’origine (Armées ou Intérieur) lui verse une indemnité compensatrice.

Le détachement peut déboucher sur une nouvelle position dite « hors cadres », qui marque, plus encore, la distance prise à l’égard du corps d’origine.

2.3. La position « hors cadres ».

Définie par l’article L4138-10 du Code de la défense, la position « hors cadre » permet aux militaires de carrière, ayant accompli au moins quinze ans de services et se trouvant déjà en position de détachement de continuer à servir dans la même administration, entreprise ou organisme.

Dans cette position, le militaire de carrière cesse alors de figurer sur la liste d’ancienneté, de bénéficier de droits à l’avancement et d’acquérir des droits à pension dans son corps d’origine.

Il est soumis au régime statutaire et de retraite régissant son corps ou cadre d’emploi d’accueil.

Le choix de la position « hors cadre » ne fait pas obstacle à ce que le militaire concerné demande sa réintégration dans son corps d’origine.

Celle-ci est alors prononcée à la première vacance venant à s’ouvrir dans le corps auquel il appartient.

2.4. La disponibilité.

La disponibilité permet aux officiers de carrière (à l’exception des officiers généraux), qui ont accompli plus de quinze années de services dont six au moins en qualité d’officier, sur demande agréée du ministre compétent, de cesser temporairement de servir dans les forces armées et les formations rattachées.

La disponibilité est une position de « non-activité » du militaire, prononcée pour une période de cinq années non renouvelable, pendant laquelle l’officier perçoit, la première année, 50 % de la dernière solde perçue avant la cessation du service, 40 % de cette solde la deuxième année et 30 % les trois années suivantes [15].

Le temps passé en disponibilité n’est pas pris en compte pour l’avancement au choix mais est pris en compte pour les droits à pension de retraite et, pour la moitié de sa durée, pour l’avancement à l’ancienneté.

L’officier de carrière en disponibilité est remplacé dans les cadres et peut être rappelé à tout moment, soit à sa demande, soit d’office si les circonstances l’exigent.

3. Les congés permettant aux militaires de préparer leur reconversion.

3.1. Le congé de reconversion.

Aux termes de l’article L4139-5 du Code de la défense le congé pour reconversion professionnelle permet aux militaires ayant accompli au moins quatre années de services de bénéficier d’un congé de 120 jours ouvrés pour la formation professionnelle ou l’accompagnement vers l’emploi.

Durant ce congé, le militaire doit obligatoirement se consacrer à la préparation d’une nouvelle activité professionnelle et le ministre des Armées (ou de l’Intérieur, pour les gendarmes) peut faire réaliser des enquêtes de nature à vérifier si le congé est utilisé aux fins pour lesquelles il a été attribué. A défaut, le ministre notifie la fin de son congé par anticipation à l’intéressé [16].

Ce congé est pris en compte pour les droits à avancement et pour les droits à pension et le militaire concerné continue de percevoir la rémunération de son grade.

Ce congé de reconversion professionnelle peut être fractionné pour répondre aux contraintes de la formation suivie ou de l’accompagnement vers l’emploi.

Le militaire placé en congé de reconversion peut exercer une activité lucrative. Dans ce cas, il doit en informer le ministre des Armées (ou de l’Intérieur, pour les gendarmes), en précisant, notamment, l’identité de son employeur et le montant de la rémunération que celui-ci lui verse [17].

Le militaire concerné peut ensuite, selon les mêmes conditions, bénéficier d’un congé complémentaire de reconversion d’une durée maximale de 6 mois consécutifs [18].

Le militaire qui bénéficie d’un congé de reconversion est radié des cadres ou rayé des contrôles à titre définitif :
- Soit à l’issue du congé de reconversion d’une durée cumulée de cent vingt jours ouvrés ;
- Soit, s’il n’a pas bénéficié de la totalité de ce congé, au plus tard deux ans après l’utilisation du quarantième jour du congé.
- Soit à l’expiration du congé complémentaire de reconversion.

3.2. Le congé pour création ou reprise d’entreprise.

Défini aux articles R4138-29-1 et suivants du Code de la défense, permet aux militaires qui le souhaitent, de demander un congé pour créer ou reprendre une entreprise.

Le militaire concerné adresse sa demande à l’autorité dont il relève au moins deux mois avant la date de création ou de reprise de cette entreprise.

Sa demande doit mentionner l’objet social et la forme de l’entreprise susceptible d’être créée, son secteur et sa branche d’activité ainsi que, le cas échéant, la nature et le montant des subventions publiques dont elle serait susceptible de bénéficier.

L’autorité compétente transmet la demande à la commission de déontologie des militaires, dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande.

La commission de déontologie des militaires rend son avis dans un délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la demande par son secrétariat.

L’absence d’avis de la commission à l’expiration du délai d’un mois vaut avis favorable.

L’avis de la commission est transmis au ministre des Armées (ou au ministre de l’Intérieur les gendarmes) qui prend la décision d’octroi ou de refus du congé sollicité.

La décision du ministre compétent doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception du dossier. L’absence de décision dans le délai d’un mois vaut décision de refus d’attribution du congé pour création ou reprise d’entreprise.

En cas de décision favorable, celle-ci mentionne la durée du congé accordé.

Durant toute la durée du congé pour création ou reprise d’entreprise, le militaire doit impérativement se consacrer à la création et à l’exploitation de l’entreprise qu’il crée ou reprend.

Le ministre des Armées (ou de l’Intérieur, pour les gendarmes) peut faire procéder aux enquêtes tendant à vérifier si l’activité du militaire répond bien à pour lequel le congé a été délivré. Si le congé n’est pas mis à profit pour créer, reprendre ou exploiter une entreprise, le ministre compétent notifie au militaire la fin du congé par anticipation. Il est alors radié des cadres ou rayé des contrôles.

Le militaire placé en congé pour création ou reprise d’entreprise perçoit la solde indiciaire, l’indemnité de résidence, le supplément familial de solde, l’indemnité pour charges militaires et, le cas échéant, la majoration de l’indemnité pour charges militaires [19].

Le militaire qui souhaite prolonger la durée de son congé pour création ou reprise d’entreprise doit en faire la demande au moins deux mois avant l’échéance de celle-ci. Si l’objet social de l’entreprise, son secteur et sa branche d’activité sont identiques à ceux mentionnés dans la demande initiale, l’autorisation de prorogation du congé pour création ou reprise d’entreprise est de droit [20].

Lorsque le placement en congé pour création ou reprise d’entreprise est renouvelé, le militaire perçoit, pendant la période de renouvellement, les solde et accessoires susvisés réduits de moitié [21].

4. Les dispositifs d’aides financières au départ des contractuels.

4.1. La prime des officiers sous-contrat (PRIOSC).

Cette prime est attribuée aux officiers sous contrat, qui ont accompli une durée de service d’au moins 4 ans (en position d’activité ou de détachement), à l’expiration de leur contrat, lorsqu’elle intervient pour un motif autre que disciplinaire.

Cette prime est déterminée en fonction de la solde obtenue en fin de service et de la durée des services accomplis [22].

Cette prime est payée sous forme de versements mensuels dont chacun est égal au montant de la solde budgétaire mensuelle des derniers grade et échelon détenus par l’officier à la cessation du contrat.

Le nombre de ces versements est fixé à trois, six, neuf, douze ou dix-huit selon que la cessation du contrat est intervenue avant la fin de la sixième, de la huitième, de la dixième, de la douzième année de service en qualité d’officier sous contrat ou au-delà.

Le montant de la prime est majoré de 10 % si l’officier sous contrat a un ou deux enfants à charge au sens de la réglementation en vigueur en matière de prestations familiales, ou de 20 % si le nombre d’enfants à charge est supérieur ou égal à trois.

4.2. L’indemnité de départ du personnel non-officier (IDPNO).

Cette prime est attribuée aux sous-officiers, officiers mariniers, caporaux-chefs et quartiers-maîtres de 1ère classe engagés qui ont entre 8 ans (9 ans depuis le 1er janvier 2004) et 11 ans révolus de services militaires, et qui sont rayés des cadres au terme de leur contrat, à condition que l’autorité militaire ne leur ait pas proposé un nouveau contrat [23].

L’indemnité est égale à 20 mois de solde brute soumise à retenue pour pension et à 14 mois de solde brute soumise à retenue pour pension à compter du 1er janvier 2004.

La solde brute à prendre en considération est celle du grade et de l’échelon et à l’échelle de solde détenus lors de la radiation des cadres. Elle est versée lors de la cessation des services.

Cette indemnité de départ ne peut être allouée qu’une seule fois à un même militaire et ne peut pas se cumuler avec le bénéfice d’une pension de retraite à jouissance immédiate.

Les militaires qui ont été radiés des cadres par mesure disciplinaire ou à l’issue d’un congé exceptionnel sans solde pour convenances personnelles, ou qui, dès leur radiation des cadres, sont nommés dans un emploi des administrations de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics, y compris les établissements publics de santé, sont exclus de l’indemnité de départ [24].

Tout militaire qui perçoit une indemnité de départ mais qui soit, est nommé dans l’un des emplois susmentionnés, soit, souscrit un nouvel engagement dans l’armée, doit reverser ladite prime dans un délai d’un an à compter de cette nomination ou de ce nouvel engagement.

Tiffen Marcel Avocate au barreau de Paris [->tiffen.marcel@obsalis.fr] [->https://www.obsalis.fr/]
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