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Rémunération de l’agent immobilier et vente immobilière. Par Jonathan Durand, Avocat.
Parution : jeudi 25 mars 2021
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Pour que l’agent immobilier, mandataire, puisse prétendre à sa rémunération, il faut bien évidemment qu’il fasse signer à son client, mandant, préalablement à l’opération de vente, un mandat écrit contenant notamment la détermination ou déterminabilité (précision des conditions de détermination) du montant de ses honoraires/commission (ci-après la « rémunération »). Mais pas seulement.

Pour tenter d’éluder (i) toute incompréhension s’agissant de la rémunération du mandataire et (ii) toute action en justice à ce titre, mandataire et mandant doivent être parfaitement informés des conditions :
- du droit à rémunération (1) ;
- de modification de la rémunération (2) ;
- de versement de la rémunération (3).

1- Conditions de la rémunération de l’agent immobilier ?

A titre liminaire, il indiqué que cette rémunération, en vertu de l’article L410-2 du Code de commerce, est en principe librement déterminée par le jeu de la concurrence. Par exception, dans le cadre de l’achat d’un bien immobilier en loi dite « Pinel », la rémunération est encadrée [1].

Cette précision apportée, les conditions du droit à rémunération peuvent être abordées :
- l’intervention de l’agent immobilier doit avoir été déterminante dans l’opération immobilière :
- si un agent immobilier a fait visiter un bien immobilier et que le vendeur signe l’acte de vente, sans passer par l’agent immobilier, l’opération est réputée réalisée par l’entremise dudit agent [2] ;
- si l’opération immobilière échoue par la faute du mandant, l’agent immobilier peut solliciter des dommages intérêts à ce titre mais n’aura pas droit à sa rémunération [3] - il ne faudra donc pas se tromper de fondement ;
- selon l’article 6, I de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, l’agent immobilier peut prévoir une « clause aux termes de laquelle des honoraires seront dus par le mandant même si l’opération est conclue sans les soins de l’intermédiaire ».
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 est venue poser le principe d’un plafonnement du montant de rémunération pouvant être exigée à ce titre.
Le décret n° 2015-724 du 24 juin 2015 précise que cette clause, qui est mentionnée en caractères très apparents, « ne peut prévoir le paiement d’une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat pour l’opération à réaliser » ;
- la vente immobilière doit avoir effectivement lieu. A ce titre, l’agent conserve sa rémunération même en cas de préemption s’il a fait état, au sein de la déclaration d’intention d’aliéner, de la présence et du montant de sa rémunération [4] ;
- le mandat et/ou l’acte de vente ne doi(ven)t pas être annulé(s) : en principe, le mandataire, dans ce cas, est privé de sa rémunération.

2- Modification de la rémunération du mandataire immobilier.

La modification peut être décidée à l’amiable, dans l’hypothèse d’un prix de vente différent de celui inscrit dans le mandat [5].

Dans ce cas, il conviendra de modifier le mandat par avenant compte tenu de la rédaction de l’article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

Elle peut également être obtenue judiciairement en vertu de l’article 1223 du Code civil.

3- Versement et débiteur de la rémunération.

Selon l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970,

« Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».

Sauf en présence d’une clause aux termes de laquelle :
- une rémunération sera due par le mandant, même si l’opération est conclue sans les soins de l’intermédiaire ; ou
- prévoyant que, lorsque le mandant agit dans le cadre de ses activités professionnelles, la rémunération peut être exigée avant qu’une opération n’ait été effectivement conclue et constatée [6].

Le paiement de la rémunération intervient donc, en principe, « une fois constatée par acte authentique l’opération conclue par son intermédiaire » [7].

S’agissant du débiteur de cette rémunération, toujours selon l’article 73 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972,

« Le titulaire de la carte ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, des honoraires ou des rémunérations à l’occasion de cette opération d’une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l’engagement des parties ».

Il faudra donc identifier le débiteur au sein du mandat, étant précisé qu’il est possible de répartir la rémunération entre le vendeur et l’acheteur. Mais attention, s’agissant d’une rémunération à la charge d’un acheteur, l’agent immobilier n’ayant pas de mandat conclu avec celui-ci pourra se faire consentir un mandat visant le bien convoité pour éviter toute contestation.

Puisque l’acheteur est tiers au contrat de mandat signé avec le vendeur, il pourrait se défendre en indiquant que ce contrat ne lui est pas opposable. Cependant, si l’acte de vente contient la mention selon laquelle la rémunération est à la charge de cet acquéreur et que celui-ci accepte, alors ladite rémunération peut lui être réclamée [8].

Jonathan Durand, Avocat. [->contact@jonathandurandavocat.com]

[1Décret n° 2019-1426, 20 décembre 2019.

[2Arrêt du 5 mars 2002 de la Première chambre civile de la Cour de cassation, RG n°99-17.455.

[3Arrêt du 7 octobre 2020 de la Première chambre civile de la Cour de cassation, RG n°18-12.205.

[4Arrêt du 26 septembre 2007 de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation, RG n°06-17.337.

[5Article 75 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

[6Article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970.

[7Article 73 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972.

[8Arrêt du 7 juillet 1992 de la Première chambre civile de la Cour de cassation, RG n°89-16.693.