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La Cour de cassation valide la limitation des locations dites « Airbnb ». Par Martin Peyronnet, Avocat.
Parution : jeudi 25 mars 2021
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De nombreuses municipalités (Paris, Bordeaux, Lille, Nice, Lyon, Nantes, La Rochelle ...) ont adopté, en application de l’article L.631-7 du Code de la construction (CCH), des règlements visant à encadrer les locations dites « Airbnb ».

La question de la validité de ces règlements au regard du droit de l’Union Européenne a été posée par la Cour de Cassation, qui a saisi la CJUE d’une question préjudicielle. En réponse, dans un arrêt du 22 septembre 2020, la CJUE validait le principe de l’encadrement des locations saisonnières de courtes durées, et le recours au mécanisme de la compensation, sous réserve du respect d’un certain nombre de critères (proportionnalité de la mesure notamment), dont elle laissait au juge de chaque état membre le soin de contrôler le respect.

C’est donc par un arrêt en date du 18 février 2021 (Cass., Civ. 3ème, 18 février 2021, n° 17-26.156 -Cali Appartements) que la Cour de Cassation s’est prononcée sur le règlement de la ville de Paris : elle juge que ce règlement respecte les critères dégagés par la CJUE, et d’une manière générale, valide le principe de la compensation, permettant de réguler les locations dites « Airbnb ». À l’occasion de cet arrêt elle précise également la notion de « courte durée » et « manière répétée ».

a) La Cour de cassation définie les locations meublées de tourisme.

La Cour de Cassation précise les notions de « courte durée » et de « manière répétée » permettant de définir précisément les contours de la location meublée de tourisme, et donc de préciser quel type de location est soumise à changement d’usage. Elle précise en effet :
« hormis les cas d’une location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, d’un bail mobilité d’une durée de un à dix mois et de la location, pour une durée maximale de quatre mois, du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur, le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 constitue un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable ».

Il ressort de l’arrêt que la notion de courte durée correspond aux hypothèses, de location au jour, à la semaine ou au mois, autre que :
- la location à un étudiant pendant au moins neuf mois,
- la conclusion d’un bail mobilité,
- ou de la location d’une résidence principale dans la limite de 120 jours dans l’année.

La répétition est quant à elle déterminée par le fait de louer « à plusieurs reprises au cours d’une même année » son bien sur une plateforme du type airbnb.

b) La cour de cassation valide la possibilité de réguler les locations saisonnières.

Par cet arrêt du 18 février 2021 la Cour de Cassation traduit en droit interne la position de la CJUE en ce qu’elle permettait, en présence d’un motif impérieux d’intérêt général, d’instaurer un régime d’autorisation préalable permettant à chaque municipalité de contrôler le nombre de location saisonnière sur son territoire. La Cour de Cassation indique en effet :
« l’article L. 631-7, alinéa 6, du code de la construction et de l’habitation, qui soumet à autorisation préalable le fait, dans certaines communes, de louer un local meublé destiné à l’habitation d’une manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionné à l’objectif poursuivi en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante ».

Ce motif impérieux d’intérêt général est la lutte contre la pénurie de logements, et donc la protection des locations « classiques », afin de permettre aux habitants d’une ville donnée de continuer à se loger.

c) La Cour de cassation se prononce sur les moyens permettant de réguler les locations meublées de courtes durées (la compensation).

La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les moyens mis en œuvre afin de réguler les locations meublées saisonnières, et notamment l’obligation de compensation, dont elle valide de principe dans les termes ci-après :
« (…)s’agissant de la conformité (…) des critères énoncés par le législateur pour encadrer les conditions d’octroi des autorisations, il convient de relever que l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, qui confie au maire de la commune de situation de l’immeuble la faculté de délivrer l’autorisation préalable de changement d’usage et attribue au conseil municipal le soin de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations, au regard des objectifs de mixité sociale en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, impose ainsi aux autorités locales de fixer les conditions d’obtention des autorisations en considération de l’objectif d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements. Il en résulte que les critères posés par l’article L. 631-7-1, alinéa 1er, pour encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes sont, en eux-mêmes, justifiés par une raison d’intérêt général au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive ».

Conclusions.

Les règlements des différentes municipalités visant à encadrer les locations dites « Airbnb » seront pour chacun d’entre eux soumis au contrôle du juge local, qui devra vérifier la compatibilité desdits règlements avec les critères dégagés par la CJUE et la Cour de Cassation.

La proportionnalité des mesures prises par les municipalités, telle que Bordeaux par exemple, s’examinera au regard des spécificités locales, notamment la tension du marché immobilier, et la possibilité ou non de prendre des mesures moins contraignantes pour mettre en œuvre l’obligation de compensation.

Dans l’attente du dénouement des contentieux en cours, l’obligation de compensation, selon les modalités locales prévues, reste en vigueur : il convient donc de s’y conformer, sous peine de sanctions civiles et pénales.

Pour satisfaire cette obligation de compensation plusieurs possibilités sont offertes, notamment l’acquisition de droit de commercialité, telle que nous l’avons exposée dans une précédente publication.

Martin PEYRONNET - Avocat www.peyronnet-avocat.com [->mp@peyronnet-avocat.com]