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L’expérimentation de la prescription de la médiation administrative du Tribunal de Strasbourg. Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : lundi 19 avril 2021
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Le processus qui a été mis en place de la médiation administrative est positif.
Toutefois, le processus comporte des limites.
Pourquoi ne pas adopter une autre manière de procéder qui semble efficace ?

Les efforts faits par les magistrats pour amener les justiciables à régler leur différend par la médiation sont très méritoires, mais ils souffrent d’une faiblesse : leur succès ne dépend que de leur dynamisme.

Il suffit parfois qu’ils changent de fonction pour que tout s’arrête, faute d’institutionnalisation d’une procédure adéquate.

1°- Le dispositif de la médiation administrative à l’initiative du juge.

Les médiations administratives interviennent lors d’un litige avec l’administration.

Un médiateur intervient donc pour guider les parties dans la recherche d’un accord qui saura les satisfaire.

Lorsqu’un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel est saisi d’un litige, le Président de la formation de jugement, s’il estime que le litige dont il est saisi est susceptible de trouver une issue amiable, peut à tout moment proposer aux parties une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre elles.

La décision qui ordonne une médiation mentionne l’accord des parties, désigne le médiateur et, le cas échéant, la durée de sa mission ainsi que les modalités de sa rémunération.

Pour désigner le médiateur, le juge peut éventuellement s’adresser à un centre de médiation pour lui proposer un ou plusieurs noms.

A la différence, de ce qui existe pour les experts, il n’existe pas de liste de médiateurs administratifs.

En aucun cas, la médiation ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les mesures d’instructions qui lui paraissent nécessaires.

2°- Le Tribunal administratif de Strasbourg a, quant à lui, adopté une autre manière de procéder qui semble efficace.

Par une ordonnance « 2 en 1 » transmise par message électronique, il charge le médiateur pressenti de prendre contact avec les parties et de recueillir leur accord.

Une fois l’accord recueilli, le médiateur met immédiatement en œuvre la médiation.

A défaut de l’accord d’une seule partie, il en informe le tribunal et la procédure suit son cours.

Les avantages de cette formule sont nombreux :

Elle évite au justiciable de se déplacer au tribunal, ce qui est souvent un obstacle dirimant.

Le justiciable bénéficie d’un échange personnalisé adapté à son affaire, au lieu d’un exposé toujours un peu théorique sur les avantages de la médiation.

L’expérience d’un médiateur formé à ce genre de dialogue est mise profit (toutes les médiations débutent par la vérification de l’accord pour entrer en médiation).

Elle décharge le magistrat et son greffe d’un nombre conséquent de démarches et de pertes de temps, (une seule ordonnance qui peut être éditée automatiquement, un seul envoi par le greffe).

Elle accélère notablement la mise en œuvre de la médiation.

Elle permet d’associer efficacement l’avocat à cette phase de recueil d’accord, en tant que conseil et non en tant que représentant de la partie.

Cette manière de procéder s’harmonise parfaitement avec les nouvelles dispositions qui permettent au juge d’ordonner aux parties de rencontrer un médiateur.

Il s’agit d’un véritable succès en termes du nombres d’accords et de délais d’audiencement, c’est plus encore le nouvel esprit que cette expérimentation insuffle qui doit être souligné.

Cette expérience montre que les résultats sont directement fonction du degré d’implication des juges, du soutien logistique du greffe d’un point de vue organisationnel et de la place qu’ils entendent donner aux médiateurs qui les assistent dans cette tâche.

La technique de l’ordonnance « 2en1 » a été utilisée avec succès au Tribunal Administratif de Strasbourg.

Le juge donne deux missions au médiateur dans la même ordonnance :
- Recueillir l’accord des parties pour aller en médiation ;
et
- En cas d’accord, mener la médiation ;

Ce qui évite de revenir devant le juge pour qu’il prenne une deuxième ordonnance donnant mission au médiateur de mener la médiation.

Le comité « Justice administrative et médiation » près le secrétariat général du Conseil d’État, envisage d’aborder cette question pour étendre éventuellement cette pratique au sein des juridictions administratives.

Il semble acquis que beaucoup de parties, notamment les personnes publiques, viennent progressivement vers la médiation mais le déficit d’information est certainement encore un frein important à l’augmentation des médiations.

C’est pourquoi l’idée de permettre au juge de désigner un médiateur pour exposer les modalités d’une médiation aux parties à un litige et lui permettre ensuite, s’il recueille l’accord de tous, de réaliser la médiation est une piste intéressante et probablement à privilégier.

Il faut bien sûr veiller à désigner des médiateurs qualifiés et/ou diplômés.

Cette amélioration suppose aussi de développer des formations à la médiation destinées aux magistrats prescripteurs portant sur la pédagogie de la médiation.

Nombres de prescripteurs souhaitent connaître et comprendre quelle est la posture du médiateur sans pour autant vouloir l’adopter dans leur pratique quotidienne.

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/