Village de la Justice www.village-justice.com

L’avocat et la procédure participative. Par Jean Stanislas Minko, Juriste.
Parution : lundi 29 mars 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/avocat-procedure-participative,38631.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les procédés du droit collaboratif recouvrent le droit collaboratif et la procédure participative assistée par un avocat. Ces procédés qui tirent leur origine du droit américain, où ils ont été mis en place pour la première fois, sont désormais présents en droit français.

Cependant, à la différence de la médiation et de la conciliation, les procédés du droit collaboratif, sont obligatoirement et exclusivement conduits par des avocats formés au droit collaboratif. Il sera essentiellement question de la procédure participative. Les autres en sont exclus.

Paragraphe 1 : La procédure participative.

Introduite par la loi du 22 décembre 2010 [1], la convention de procédure participative se définit comme « une convention par laquelle les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ». Ainsi, il convient de voir d’une part la régularité de la procédure (A) et d’autre part l’issue de la procédure (B).

A. La régularité de la procédure.

La convention de procédure participative constitue l’exemple le plus significatif et même le plus illustratif de la contractualisation, dans la mesure où sa mise en œuvre procède d’une convention. Toutefois, comme le fait remarquer la Professeure Natalie Fricero, « Il ne s’agit pas d’un simple contrat, mais d’un contrat empreint d’une solennité » [2]. Un contrat dont l’objectif est non seulement de pacifier le différend opposant les parties, mais susceptible d’aboutir à une justice restauratrice [3]. C’est d’ailleurs pourquoi, elle qualifie la convention de procédure participative de « contractualisation thérapeutique » [4].

L’article 1543 du Code de procédure civile énonce en effet que « Elle se déroule selon une procédure conventionnelle de recherche d’un accord et se poursuit, le cas échéant, par une procédure aux fins de jugement ». Ce texte revêt un double aspect : l’aspect procédural et de validité de la procédure. En effet, la procédure participative est organisée par une convention. On se demande si cet écrit vaut ad validatem ou ad probationem ? De fait, les parties peuvent-elles recourir à une procédure participative sans établir la convention l’organisant ? La réponse se trouve dans l’article 2063 alinéa 1 du Code civil, qui dispose : « La convention de procédure participative est, à peine de nullité, contenue dans un écrit… ».

Il n’y a donc aucun doute : l’écrit constitue une condition de validité mais aussi de preuve.

La preuve du recours à une convention de procédure participative aura son sens en cas de jugement ultérieur de l’affaire. Les parties devront en cas d’échec saisir le juge et préciser avoir eu recours à une convention de procédure participative. Cette exigence est d’ailleurs compatible avec l’esprit même de l’article 1557 alinéa 2 du Code de procédure civile. Ainsi, faute d’établir une convention organisant la procédure, cela équivaut à la nullité. Cette nullité sanctionne la méconnaissance d’une exigence de forme prescrite par la loi.

Cet écrit précise avant tout le terme de la procédure. On se demande si ce terme peut être prorogé ou modifié en cours de procédure. Par exemple, si les parties n’avaient pas prévu ou envisagé que certaines questions complexes se poseraient en cours de procédure et si le terme fixé ne permet plus d’aborder ces questions, dont les enjeux sont pourtant importants. Dans ce cas de figure, les parties peuvent-elles oui ou non modifier le terme initial ? En l’absence d’un texte précis, nous pencherons vers l’affirmative pour la simple raison que la liberté contractuelle prime à ce stade.

Cependant, une telle hypothèse s’avérerait difficile mais dans le cas contraire, parallélisme des formes oblige. C’est du moins ce que prescrit l’article 1546 du Code de procédure civile.

L’exigence du terme, soulève en outre, la question de la saisine du juge. En effet, tant que le terme n’est pas expiré et la procédure est en cours, toute demande en justice est irrecevable. Cependant, cette interdiction ne fait pas obstacle à toute demande relative aux mesures conservatoires ou d’urgence [5]. Une autre question peut aussi se poser : par exemple en cas de saisine du juge pour l’homologation d’un accord partiel et de jugement du différend persistant, les parties peuvent-elles modifier leurs prétentions ? Il semble que l’article 1561 alinéa 3 du Code de procédure civile, leur refuse cette faculté.

En effet la raison tient au fait que la phase contractuelle de la procédure constitue une sorte d’instruction de l’affaire purgée de tous les incidents et exceptions [6]. Les prétentions et arguments étant fixés, il n’est plus possible aux parties de changer ou de modifier l’objet de la requête. En fait, tout se passe de la même manière qu’une procédure ordinaire de mise en état de l’affaire. Sauf que l’affaire est directement appelée à une audience de jugement [7]. La mise en état ne sera possible que dans les cas prévus par l’article 1561 alinéa 2 Code de procédure civile.

Ensuite, l’écrit précise l’objet du différend. Cette exigence est importante car l’écrit permet en cas de saisine ultérieure du juge de se faire une idée du différend. En effet, l’homologation de l’accord ne sera possible si l’objet du différend est contraire à l’ordre public ou s’il ne s’agit des droits dont les parties ont la libre disposition.

C’est le lieu de préciser que seuls les droits dont les parties ont la libre disposition, peuvent faire l’objet d’une convention de procédure participative. Ainsi, en sont exclus la déchéance de la nationalité, en matière pénale ou l’autorité parentale etc.

Cependant, la convention peut porter sur l’exercice de l’autorité parentale. Elle ne sera pas non plus possible en matière de droit du travail [8].

Ainsi, tous les droits patrimoniaux peuvent faire l’objet d’une procédure participative. Enfin, l’écrit précise les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend et les modalités de leur échange. Cette disposition est en phase avec le principe du contradictoire, qui doit être respecté. Dans la pratique, la communication des écritures et pièces entre les parties a lieu par l’intermédiaire de leurs avocats selon les modalités fixées dans la convention ; ceux-ci les portent à la connaissance des intéressés par tous moyens. Un bordereau doit être établi lorsqu’une pièce est communiquée [9]. En dehors de ces mentions, l’écrit précise les noms, prénoms, adresses des parties ainsi que leurs avocats [10].

S’agissant du moment de la conclusion d’une convention de procédure, il est vrai que l’article 2062 du Code civil, précise qu’elle doit être conclue avant toute saisine du juge.

Cependant, même lorsqu’une assignation a déjà été délivrée, tant qu’elle n’a pas été enrôlée, la conclusion d’une procédure participative est toujours possible.

Par ailleurs, lorsque l’avocat d’un client se trouve à la limite du délai de forclusion, il doit assigner au fond [11] et poursuivre la conclusion de la convention, qui suspend le délai de caducité de quatre mois [12]. En cas d’échec, il est loisible d’enrôler l’assignation du délai restant pour bénéficier de l’effet interruptif du délai de forclusion de l’assignation initiale.

Avant de clôturer cette partie, il convient de préciser que l’aide juridictionnelle est prévue dans le cadre de la procédure participative [13]. A notre avis, l’octroi peut se justifier de deux manières : d’une part par le souci des pouvoirs publics d’encourager à y recourir et d’autre part par le prix à payer pour avoir rendu obligatoire l’assistance de l’avocat [14]. Sans cela, le justiciable sera peu enclin à y recourir.

Du reste, la convention de procédure est rédigée par les avocats. Qu’en est-il de l’issue de la procédure (B) ?

B. L’issue de la procédure.

A l’issue de la procédure, la loi a prévu deux types de procédures subdivisées en plusieurs hypothèses.

Première hypothèse, en cas d’accord mettant fin à l’entièreté du différend, le juge compétent est saisi sur requête des parties pour homologuer l’accord. De fait, le juge n’a pas le pouvoir d’en modifier les termes. Il se limite à vérifier la compatibilité de celui-ci avec l’ordre public. En cas de refus, un appel est possible. Cependant, cet appel ne constitue pas un « recours » [15], puisque l’accord conserve sa nature contractuelle. Dans ce cas, seule la nullité peut être demandée sur le fondement de l’article 1108 du Code civil. L’accord homologué aura force exécutoire et peut servir dans le cadre des voies d’exécution. En revanche, la situation sera différente en cas de jugement du différend persistant. Dans ce cas, l’affaire sera directement appelée à l’audience pour être jugée. Elle ne peut pas non plus être renvoyée devant le juge de la mise en état.

Deuxième hypothèse, en cas d’accord partiel et de jugement du différend résiduel, les parties pourront soit demander son homologation, dans les conditions prévues par l’article 1557 Code de procédure civile, soit par une requête conjointe et demander au juge de statuer sur le différend résiduel. A peine d’irrecevabilité, la requête contiendra : les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, dont elles peuvent demander au juge l’homologation dans la même requête ; les prétentions respectives des parties relatives aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

Sous la même sanction, cette requête est accompagnée de la convention de procédure participative, des pièces prévues à l’article 2063 du Code civil. Le cas échéant, du rapport du technicien, ainsi que des pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle [16]. Enfin, en cas de jugement de l’entier différend, l’article 1562 du Code de procédure civile laisse une marge de manœuvre aux parties, pour saisir le juge. Elles pourront adopter soit la procédure ordinaire soit disposer d’un processus simplifié par une requête conjointe ou unilatérale de l’avocat de la partie la plus diligente. La requête doit être présentée au greffe dans un délai de trois mois à peine d’irrecevabilité. Elle contient un exposé sommaire des moyens de fait et de droit ainsi que la liste des pièces communiquées au cours de la procédure [17].

Jean Stanislas Minko Juriste

[1Loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010.

[2Intervention à la formation à la procédure participative, organisée par le CNB du 6 au 7 nov. 2015.

[3Ibid., Natalie Fricero.

[4Ibid., Natalie Fricero.

[5Article 2065 al.2 Code civil.

[6Catherine Peulve, la dimension processuelle de la procédure participative, petites affiches, Lextenso, 16 avril 2012, n°76-p.6.

[7Art. 1559 CPC.

[8Art. 2064 al. Code civil.

[9Art. 1545 al. 2 CPC.

[10Art. 1545 al.1 CPC.

[11De même dans le cadre de l’article 145 CPC.

[12Art. 757 CPC.

[13Art 10 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée par la loi du 18 nov. 2016.

[14Art. 4 de la loi du 31 déc. 1971.

[15Ibid., Procédure civile, ed. Lextenso, 2014, Natalie Fricero.

[16Art. 1560 CPC.

[17Art. 1563 CPC.