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Indemnisation d’un bodylift raté. Par Anne Faucher, Avocat.
Parution : jeudi 11 mars 2021
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Le bodylift est une chirurgie à risque élevé de complications. Le patient victime pourra être indemnisé sous certaines conditions.

La perte de poids importante et rapide, suite à un régime ou une chirurgie bariatrique de type bypass, sleeve gastrectomie ou gastroplastie entraine généralement un relâchement cutané, en particulier au niveau du ventre, du dos, des hanches et des fesses.

La satisfaction d’avoir perdu beaucoup de poids peut laisser la place à une forte contrariété.

En effet la peau abimée, flasque, et abondante au niveau des bras, du ventre, des fessiers peut créer une gêne importante sur le plan fonctionnel et esthétique.

La déception du patient sera d’autant plus grande s’il n’y était pas préparé, les séquelles d’un amaigrissement massif et rapide étant pourtant prévisibles. Une bonne information du patient au stade de la chirurgie bariatrique peut permettre d’éviter cet écueil.

Les séquelles de la perte de poids pourront être traitées par bodylift pour retirer l’excédent de graisse et de peau sur le corps sous anesthésie générale.

Cette opération chirurgicale peut être prise en charge sous certaines conditions par la Sécurité Sociale, notamment si le patient présente un « tablier » : la peau du ventre est tombante et recouvre tout ou partir du pubis.

La chirurgie peut apporter une amélioration notable pour le patient sur le plan esthétique, psychologique et fonctionnel et donc une meilleure qualité de vie.

Néanmoins, le bodylift est une chirurgie complexe et lourde, à risques élevés de complications tels que :
- infection,
- risque thromboembolique,
- anémie aiguë,
- perforation,
- hématome,
- désunion cicatricielle,
- déchirures,
- abcès,
- nécrose,
- hypoesthésie,...

Les bonnes pratiques des professionnels de santé réduisent les risques de complications mais ne les suppriment pas.

Le résultat d’un bodylift peut être mauvais avec des cicatrices très disgracieuses.

Classiquement, les carnations des personnes asiatiques, métissées et noires sont davantage sujettes aux cicatrices chéloïdes et les patients ayant la peau mate doivent être informés avant l’opération de ce risque accru.

Les cicatrices peuvent être mal positionnées et douloureuses, ce qui peut être gênant dans la vie quotidienne, par exemple pour le port de vêtements ou des gestes aussi essentiels que prendre ses jeunes enfants contre soi, dans les bras ou sur les genoux.

Le patient peut se plaindre en outre d’une silhouette difforme comme l’allongement du sillon interfessier ou la déformation en violon.

Finalement, le résultat peut être moins esthétique qu’avant l’opération, bien que la notion d’esthétisme soit emprunte d’une grande subjectivité.

Cela peut être très mal vécu par le patient, ce d’autant qu’il n’aura pas ou peu été informé préalablement à l’intervention litigieuse : regrets de s’être fait opérer, estime de soi et image de soi dégradées, perte de confiance dans le corps médical, sentiment de culpabilité et/ou de colère et d’incompréhension, dépression réactionnelle etc.

L’information complète et bien comprise du patient est donc essentielle, et permet d’éviter nombre de contentieux.

S’agissant de la chirurgie de reprise, elle n’est pas toujours possible ou souhaitable et les risques liées à toute chirurgie secondaire sont accrus.

Le patient opéré d’un bodylift pourra être indemnisé s’il est victime :
- d’une infection nosocomiale,
- d’un aléa thérapeutique si l’acte a une finalité thérapeutique ou reconstructrice,
- d’une faute du chirurgien.

Dans ce dernier cas, il peut s’agir par exemple :
- d’un défaut d’information sur un risque qui s’est réalisé,
- d’un problème d’indication,
- d’une erreur technique,
- d’un geste chirurgical maladroit,
- de procédés de suture mal maitrisés,
- de défaillance dans la prise en charge post-opératoire.

Le patient victime d’un accident médical attend des réponses à ses interrogations et la reconnaissance de son statut de victime.

Etre reçu par la Commission des usagers de l’établissement où s’est déroulé l’intervention chirurgicale y participe. C’est d’ailleurs une étape importante à ne pas négliger, qui permet d’établir ou de rétablir un dialogue avec les professionnels de santé.

L’expertise médicale et le processus indemnitaire y contribuent également.

L’expertise est la clef de voute de l’indemnisation et devra être préparée avec soin.

La défense idéale est un binôme avocat-médecin compétent en responsabilité médicale, en dommage corporel et intervenant exclusivement pour les victimes.

L’indemnisation de la victime interviendra après expertise médico-légale dans un cadre amiable ou judiciaire :
- Devant une Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (CCI),
- Devant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif, compétence qui dépend principalement du lieu de l’opération chirurgicale (clinique ou hôpital),
- A noter que les patients se trompent souvent en saisissant seuls le Conseil de l’Ordre des médecins. Il s’agit d’une erreur d’aiguillage.

Le délai de prescription pour solliciter une indemnisation de ses préjudices est de 10 ans à compter de la consolidation médico-légale.

A noter que comme pour tout accident, le processus indemnitaire d’un accident médical s’inscrit dans la durée car il faut le temps de la consolidation, le temps d’évaluer les préjudices puis de les chiffrer.

La victime doit donc s’armer de patience et choisir avec attention l’avocat qui l’assistera dans ses démarches.

Anne FAUCHER Avocat DU Contentieux médical DU Réparation juridique du dommage corporel DIU Evaluation des traumatisés crâniens DIU Traumatisme crânien de l’enfant, de l’adolescent - syndrome du bébé secoué http://anne.faucher.avocat.free.fr/