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Succession bloquée : comment la débloquer ? Par Louis Laï-Kane-Chéong, Avocat.
Parution : mercredi 31 mars 2021
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« Ma succession est bloquée ! ». Voilà une phrase récurrente que nombre d’entre vous ont prononcée, face à une situation où la succession semble s’enliser et traîner.
Par cette interjection, le souhait exprimé est clair : régler au plus vite la succession, toucher son héritage et clôturer ces dossiers souvent éprouvants une bonne fois pour toutes.

Il existe diverses façons de débloquer une succession (II). Encore faut-il identifier les points de blocage et pour ce faire, appréhender schématiquement le déroulement d’une succession (I).

I. Le déroulement schématique d’une succession.

La succession, c’est l’ensemble des étapes qui permettront de répartir les biens laissés par le défunt.

Elle est juridiquement ouverte dès le décès, mais en pratique, c’est le notaire saisi qui acte son ouverture.

Le notaire dressera rapidement, sur présentation notamment de l’acte de décès, du livret de famille, du contrat de mariage et le cas échéant d’un testament, un acte de notoriété qui identifiera les héritiers.

Cet acte permettra déjà aux héritiers listés de procéder au déblocage des fonds bancaires et des capitaux des contrats d’assurance-vie « hors succession ».

Ensuite, le notaire dressera l’état du patrimoine du défunt, chiffré en principe à la date du décès, sur la base des documents fournis par les héritiers, ainsi que des renseignements qu’il aura lui-même recueillis.

Considération prise du patrimoine dressé, les héritiers pourront alors choisir d’accepter ou de renoncer à la succession.

Par conséquent, la détermination des droits de chaque héritier sera faite.

Ceci permettra en outre d’établir la déclaration de succession qui doit être réalisée dans les 6 mois du décès et de payer le cas échéant les droits de succession dus.

Enfin, une fois les droits de chacun déterminés, les héritiers pourront choisir ou non de partager effectivement les biens pour être remplis de leurs droits.

Dès lors que ce partage est effectué, la succession est dite clôturée.

Dans le cas contraire, les héritiers demeurent en indivision et pourront demander ce partage à tout moment.

Les étapes précitées se font amiablement, en bonne coopération entre les héritiers et le notaire chargé du règlement de la succession.

Néanmoins, toutes ces étapes sont autant d’occasions de différends et donc de blocage entre les héritiers :
- Un des héritiers retient abusivement certains documents demandés par le notaire ;
- L’évaluation des biens ne fait pas l’unanimité ;
- Un désaccord est constaté sur des donations antérieures et sur leur montant ;
- La détermination des droits de chaque héritier est contestée ;
- La validité formelle ou de fond d’un testament est questionnée ;
- Un empiètement de la réserve héréditaires des enfants étant détecté, une action en réduction est évoquée ;
- Un avantage matrimonial découlant d’un contrat de mariage lèse des enfants non communs qui envisagent une action en retranchement ;
- Une partie des biens est dissimulée ou détournée par un héritier.

Ces quelques points de blocage ralentissent considérablement le règlement amiable de la succession, voire l’empêchent totalement, en plus d’envenimer les relations familiales.

Ainsi, à défaut de pouvoir s’entendre lorsqu’une ou plusieurs difficultés surviennent, aucun partage amiable n’est possible.

Partant, les héritiers demeurent en indivision, sans réellement connaître leurs droits dans l’indivision, puisque bien souvent, la détermination-même des droits de chacun des héritiers n’a pas pu être réalisée.

L’on se retrouve alors dans une succession dite bloquée.

II. Les outils de déblocage d’une succession.

Il faut rappeler que chaque succession est unique et que chaque solution l’est également.

Il existe du reste, des outils génériques qui permettent de régler, de manière plus ou moins radicale, une succession bloquée.

A) La nécessaire recherche d’une solution amiable.

Avant toute chose, il est nécessaire de rechercher, en toutes circonstances, une solution amiable, pour plusieurs raisons :
- L’accord amiable pacifie les relations familiales ;
- La voie amiable est souvent plus rapide et moins onéreuse que la voie judiciaire ;
- Un accord est certain alors qu’un contentieux peut être source d’aléas ;
- Une procédure judiciaire en matière successorale peut aboutir à des extrêmes tels que le tirage au sort des lots ou la mise aux - enchères des biens ;
- La recherche d’une solution amiable est une condition pour engager une procédure.

La succession est paradoxalement le lieu où s’entremêlent, émotions et affects d’une part, et complexité et technicité d’autre part.

L’assistance d’un avocat en droit des successions permet souvent de filtrer dans les négociations ce qui relève du domaine affectif, tout en expliquant aux héritiers les détails techniques sur lesquels il peut ou non y avoir négociation.

Pour ne prendre qu’un exemple, il arrive parfois que des enfants non communs ne s’entendent pas avec le beau-parent, conjoint survivant. Or, à défaut d’exclusion par un testament authentique, la loi prévoit que le conjoint survivant, qu’il y ait ou non des enfants non communs, bénéficie d’un droit viager au logement lui permettant de vivre jusqu’à son décès, dans la maison qui pouvait appartenir en totalité au défunt.

L’avocat en charge de la négociation se doit d’informer ses clients, ici un des enfants non communs, qu’il n’a en réalité aucun droit de sortir son beau-père ou sa belle-mère de la maison sur laquelle il ou elle a un droit viager au logement, et les déconseiller par conséquent d’envisager une procédure judiciaire fondée sur ce seul motif affectif.

A l’évidence, l’avocat pourra inviter le conjoint survivant à considérer la renonciation à ce droit dans le cadre d’une négociation globale.

B) Ne pas négliger les sommations d’opter.

Pour rappel, un héritier peut choisir entre :
- Une acceptation pure et simple de la succession ;
- Une acceptation à concurrence de l’actif net ;
- Une renonciation.

Ce dernier dispose d’un délai de 10 ans à compter du décès pour choisir. Passé ce délai, il sera réputé renonçant.

Cependant, les cohéritiers, les héritiers de rang subséquent (les enfants d’un héritier par exemple) ou encore les créanciers successoraux, peuvent sommer un héritier d’opter, après les 4 premiers mois suivant le décès.

Cette sommation d’opter, rédigée par avocat et signifiée par huissier, oblige l’héritier à se prononcer dans un délai de 2 mois.

A défaut de réponse, l’héritier est réputé acceptant pur et simple de la succession, c’est-à-dire qu’il sera tenu des dettes successorales s’il y en a.

La sommation d’opter force l’avancement de la succession et suscite dans la majorité des cas, un retour rapide de l’héritier passif, avec à la clé, la possibilité de déterminer les droits de chacun dans l’indivision successorale avec davantage de certitudes.

Néanmoins, une sommation d’opter ne permet pas de forcer la signature amiable d’un acte de partage.

C) La voie judiciaire.

En cas de désaccords persistants, l’ultime recours sera de saisir le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession, en compte, liquidation et partage, étant précisé que l’avocat est obligatoire.

Concrètement, cela signifie que toutes les opérations de la succession, de son ouverture au partage pourront être évoquées.

Les parties pourront s’échanger leurs arguments lors de la mise en état par l’intermédiaire de leur avocat.

A la fin de ces échanges, une audience de plaidoiries est fixée avant de rendre un jugement.

Deux hypothèses sont alors à évoquer :
- Soit, la succession est très simple pour que le tribunal ordonne les modalités du partage et désigne à cet effet un notaire pour régulariser le partage ;
- Soit, et c’est souvent le cas dès lors que les héritiers sont arrivés à la phase contentieuse, la succession s’avère complexe et le tribunal ordonne une liquidation de la succession en désignant un notaire et un juge commis qui surveillera les opérations.

Dans ce dernier cas, le règlement de la succession repasse entre les mains du notaire désigné qui convoquera les parties, et leur demandera de lui adresser toutes pièces utiles, de manière contradictoire.

A chaque difficulté, le juge commis est saisi.

Le notaire dresse ensuite des pré-rapports afin de recueillir les observations des parties.

Il établira enfin un projet d’acte liquidatif. Il convoquera les parties afin de le signer amiablement.

A défaut de signature amiable, le notaire est contraint de dresser un procès-verbal de difficultés qu’il transmet au juge commis, accompagné du projet d’acte liquidatif.

Après avoir tenté de concilier les parties sur le projet dressé par le notaire, le juge commis transmet un rapport à son tribunal qui ouvre alors une autre phase de mise en état pendant laquelle les avocats des parties s’échangeront des conclusions.

Arrive ensuite l’audience de plaidoiries et le jugement qui tranchera définitivement les désaccords entre les parties.

Le descriptif détaillé de la voie judiciaire démontre que dans la majorité des cas, la voie amiable est préférable à la voie judiciaire, tout en préservant l’intérêt de tous les héritiers.

C’est aussi pour cette raison que l’engagement d’une voie judiciaire n’empêche pas les héritiers de se rapprocher pour convenir d’une solution amiable, tant qu’aucune décision définitive n’a été rendue.

N’hésitez pas à prendre contact avec un avocat en droit des successions pour débloquer votre succession ; et en attendant le déblocage, ne négligez, ni la déclaration successorale afin de ne pas subir le cas échéant, des intérêts et pénalités de retard, ni la désignation d’un mandataire successoral en charge de l’administration des biens pour éviter que ceux-ci ne perdent de leur valeur.

Louis Lai-Kane-Cheong Barreau de Paris LKC Avocat www.lkcavocat.fr