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Indemnisation d’un lifting cervico-facial raté. Par Anne Faucher, Avocat.
Parution : mercredi 7 avril 2021
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L’indemnisation d’un lifting cervico-facial raté en 6 questions-réponses.

1) Qu’est-ce qu’un lifting cervico-facial ?

Le lifting cervico-facial est un acte chirurgical qui consiste principalement à enlever un excès de peau au niveau du visage et du cou afin de réduire les rides.

C’est la « reine » des techniques de rajeunissement facial partout dans le monde.

Cette chirurgie esthétique peut apporter au patient une amélioration notable en terme de qualité de vie.

2) Quels sont les risques liés au lifting cervico-facial ?

Le lifting cervico-facial comporte des risques de complications comme pour toute chirurgie, généraux ou spécifiques, plus ou moins graves, immédiats ou à distance.

Il peut s’agir notamment :
- d’une infection,
- d’une lésion du nerf facial entrainant une paralysie faciale avec chute du sourcil, déformation de la bouche,
- d’une lésion du nerf grand auriculaire avec névrome douloureux,
- d’un hématome,
- d’une nécrose cutanée,
- d’une tension excessive sur les lambeaux cutanés,
- d’une désunion cicatricielle.

Les bonnes pratiques réduisent ces risques mais ne les suppriment pas.

Il est possible aussi que le résultat du lifting soit mauvais et en définitive que le visage soit moins harmonieux qu’avant l’opération, même si l’esthétique est une notion éminemment subjective et culturelle.

Ces situations peuvent être très mal vécues par le patient, surtout s’il a été peu ou pas informé des risques encourus, ou s’il y avait une fragilité psychique pré-existante non décelée ou mal appréhendée par le chirurgien lors du bilan pré-opératoire, étape cruciale pour toute opération de chirurgie esthétique par définition non urgente.

Les réactions du patient peuvent être diverses et aller jusqu’à une dépression réactionnelle.

En cas de difficulté, on ne dira jamais assez combien il est important d’établir ou de rétablir au plus vite le dialogue entre le patient et les professionnels de santé l’ayant pris en charge, le cas échéant par le biais de la commission des usagers de l’établissement où a eu lieu l’opération, et d’expliquer ou de réexpliquer au patient ce qui s’est produit.

3) Dans quels cas le patient pourra-t-il être indemnisé ?

Le patient est susceptible d’être indemnisé s’il a été victime :
- d’une infection nosocomiale ou d’une infection liée aux soins,
- d’une faute médicale engageant la responsabilité médicale du chirurgien ou de l’établissement de santé.

A noter que l’aléa thérapeutique dans les suites d’une chirurgie esthétique ne sera pas indemnisé par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale.

La responsabilité médicale du chirurgien pourra être engagée dans de nombreuses hypothèses :
- un bilan pré-opératoire incomplet et un défaut de prise en compte des antécédents du patient,
- un défaut d’information sur un risque qui s’est réalisé, par exemple sur le risque rare mais grave de paralysie faciale,
- un défaut d’indication, par exemple sur un patient déjà opéré à plusieurs reprises ou présentant des troubles psychiatriques incompatibles avec une prise en charge en chirurgie esthétique,
- une erreur technique sur le choix de la voie d’abord,
- un geste chirurgical maladroit, par exemple dans l’utilisation ou le réglage de l’intensité du bistouri électrique, une dermabrasion trop profonde,
- la correction excessive du surplus cutané sur une peau abimée et fragile avec les risques de déchirures que cela comporte des procédés de suture mal maitrisés,
- une défaillance dans la prise en charge post-opératoire
- etc.

Le plus souvent c’est l’information insuffisante du patient qui est reproché au chirurgien, avec comme corollaire la perte de chance de se soustraire à l’opération litigieuse, étant rappelé que le niveau d’exigence en terme d’information est très important en matière de chirurgie esthétique.

Attention car la responsabilité du chirurgien n’est pas automatique s’il s’agit simplement d’un résultat décevant.

4) Quel est le délai pour solliciter une indemnisation ?

Le délai de prescription pour solliciter une indemnisation de son préjudice corporel est de 10 ans à compter de la consolidation médico-légale.

5) Quelles sont les principales étapes du processus indemnitaire ?

- Tout d’abord, une expertise médico-légale va permettre de se prononcer sur une éventuelle responsabilité et d’évaluer les préjudices subis.

L’expertise est la clef de voute de l’indemnisation et devra être préparée avec soin. La défense idéale est un binôme avocat-médecin compétent en responsabilité médicale, en dommage corporel et intervenant exclusivement pour les victimes.

- Ensuite, la victime pourra être indemnisée sur la base de cette expertise par voie amiable ou judiciaire, étant précisé :
- que la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (CCI) n’est pas compétente en matière de chirurgie esthétique,
- que les patients se trompent souvent en saisissant le Conseil de l’Ordre des médecins. Il s’agit d’une erreur d’aiguillage, qui ne permettra pas l’indemnisation de la victime.

Il est peu recommandé d’aller au contentieux sur la base d’une expertise défavorable sans avoir par ailleurs des éléments médico-légaux et des arguments sérieux, au risque de se voir condamné au paiement des frais adverses et d’une éventuelle indemnité pour procédure abusive.

6) Est-ce que le patient victime pourra-être indemnisé rapidement ?

Par nature, le processus indemnitaire est long et la durée dépendra notamment de la gravité de l’accident.

En effet, il faut le temps de la consolidation, le temps d’évaluer les préjudices puis de les chiffrer et d’obtenir l’indemnisation.

Le cas échéant, la victime pourra obtenir des provisions à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel définitif.

De mon point de vue, un règlement très rapide du sinistre ne signe pas une indemnisation de qualité.

La victime doit donc être patiente et choisir avec attention l’avocat qui l’assistera dans ses démarches.

Anne FAUCHER Avocat DU Contentieux médical DU Réparation juridique du dommage corporel DIU Evaluation des traumatisés crâniens DIU Traumatisme crânien de l’enfant, de l’adolescent - syndrome du bébé secoué http://anne.faucher.avocat.free.fr/