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Les tickets restaurants à l’épreuve du télétravail. Par Cécile Villié, Avocat et Valentine Boulon, Elève-Avocate.
Parution : vendredi 2 avril 2021
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La crise sanitaire a renforcé la mise en place du télétravail au sein des entreprises, posant ainsi des nouvelles questions telles que l’attribution des tickets restaurants aux salariés télétravailleurs.

Le principe d’égalité de traitement impose que les salariés placés dans une même situation soient traités de manière identique.

Rappelons qu’une différence de traitement fondée sur des éléments objectifs peut être justifiée. Tel est le cas des différences de rémunération entre :
- les cadres et les non-cadres (Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-11.933) ;
- les salariés de différents établissements appartenant à la même entreprise (Cass. soc., 21 janvier 2009, n° 07-43.452).

Concrètement, cela implique que les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages que les salariés travaillant en présentiel. De ce fait, en principe aucune différence de traitement en matière de titres restaurants n’est possible entre les salariés travaillant de leur domicile et les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Pourtant, le Tribunal Judiciaire de Nanterre dans un jugement rendu le 10 mars 2021 a décidé que les télétravailleurs de l’UES Malakoff Médéric et Humanis pouvaient être exclus du bénéfice des tickets restaurants.

En l’espèce, le syndicat UNSSA avait assigné à jour fixe l’UES Malakoff Médéric et Humanis dans l’objectif de faire appliquer le principe d’égalité de traitement et d’obtenir le bénéfice des titres restaurant pour les salariés placés en télétravail.

Cependant, les juges relèvent d’abord que les titres restaurants constituent un avantage consenti par l’employeur ne résultant d’aucune obligation légale.

Puis, les juges relèvent que l’objectif, poursuivi par l’UES Malakoff Médéric et Humanis, était de permettre aux salariés n’ayant pas accès à un restaurant d’entreprise de palier le surcoût lié à la restauration hors de leur domicile.

Ainsi, la volonté de l’employeur était de palier une différence de traitement entre :
- les salariés ayant accès à un restaurant d’entreprise ou à leur domicile ;
- et les salariés n’ayant pas accès ni à un restaurant d’entreprise, ni à leur domicile engageant des coûts supplémentaires pour déjeuner.

En synthèse, le principe d’égalité de traitement demeure en matière de titre restaurant, mais la volonté de l’employeur dans la mise en place de cet avantage permettrait de justifier la différence de traitement.

Cette décision est cependant inédite. Il est donc nécessaire de rester prudent.

D’une part, un appel a été interjeté.

D’autre part, le Tribunal Judiciaire de Paris dans un jugement rendu le 30 mars 2021 a pris le contre pied de cette décision.

En effet, dans l’affaire présentée devant les juges parisiens, la Société Services Pétroliers Schlumberger avait arrêté le versement des titres restaurants aux télétravailleurs depuis le début de la crise sanitaire.

La Société affirmait que les télétravailleurs n’étaient pas placés dans la même situation que les salariés réalisant leur mission en présentiel. Selon la Société, les titres restaurants permettent aux salariés de se restaurer lorsqu’ils ne bénéficient pas d’un espace personnel leur permettant de préparer leur repas.

Le Tribunal Judiciaire de Paris a, au contraire, estimé que la Société n’apportait aucun élément objectif de nature à justifier la différence de situation puisque :
- le télétravail n’implique pas nécessairement pour le salarié de travailler à domicile et donc de disposer d’un espace personnel pour préparer son repas ;
- l’objectif du titre restaurant est de permettre au salarié de se restaurer pendant une journée de travail et n’est pas soumis à la condition de ne pas disposer d’un espace personnel pour préparer son repas.

Enfin, les juges parisiens affirment que les conditions d’utilisation des titres restaurant sont parfaitement compatibles avec le télétravail.

Le débat relatif à l’attribution des titres restaurants aux salariés en télétravail est donc toujours ouvert.

Cécile Villié et Valentine Boulon Avocat - droit du travail www.villie-avocat.com [->contact@villie-avocat.com]