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PMA, GPA, projet de loi bioéthique : quelle filiation pour mon enfant ? Par Aurélie Thuegaz, Avocat.
Parution : jeudi 1er avril 2021
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Cet article expose les différentes possibilités pour établir une filiation.

I. PMA et projet de loi relatif à la bioéthique : quelles possibilités pour établir sa filiation ?

1. Les effets de la procréation médicalement assistée réalisée en France.

La procréation médicalement assistée (PMA) est permise depuis les lois relatives à la bioéthique du 29 juillet 1994 uniquement pour les couples hétérosexuels, mariés ou non, qui rencontrent des difficultés de conception telle que la fertilité ou en cas de maladie transmissible à l’autre partenaire.

La procréation peut être endogène - avec les gamètes et embryons du couple - ou exogène si un tiers donneur fournit ses gamètes. Si le couple nécessite l’intervention d’un tiers donneur, un notaire doit préalablement recueillir leur consentement sur les conséquences de la filiation [1].

En effet, lorsque la PMA est réalisée en France, la filiation est identique à celle d’un enfant né du père et de la mère. Dans tous les cas, la mère de l’enfant est celle qui accouche [2].

Dans l’hypothèse d’un mariage, le père est présumé être le mari de la mère [3] et dans l’hypothèse où le couple ne serait pas marié, la reconnaissance de paternité établira la filiation sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer le lien biologique avec l’enfant [4].

Il convient de préciser qu’est exclu tout lien juridique avec l’enfant et le tiers donneur [5]. Ce principe de l’anonymat du donneur justifie la fin de non-recevoir si une action en recherche de la filiation était engagée.

2. Les effets de la procréation médicalement assistée réalisée à l’étranger.

i. L’interdiction de principe.

En revanche, la filiation à l’égard de l’enfant issu d’une PMA à l’étranger - qu’elle soit réalisée par un couple hétérosexuel ou homosexuel - ne peut en principe être établie à l’égard du parent d’intention que par la voie de l’adoption et uniquement pour le couple marié. L’adoption ne vaut que si le parent d’intention est marié au parent biologique.

En effet, l’adoption plénière de l’enfant du concubin aboutirait à rompre les liens du sang avec le parent biologique [6] et l’adoption simple aurait pour effet de transférer l’autorité parentale à l’adoptant [7].

ii. L’évolution jurisprudentielle favorable à l’intérêt supérieur de l’enfant.

La jurisprudence se montre pourtant favorable à la reconnaissance de la filiation de l’enfant issu de PMA réalisée à l’étranger par un couple de femmes puisqu’elle considère que l’acte de naissance de cet enfant peut être retranscrit sur les registres de l’état civil français sauf s’il apparaît que cet acte est « irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » [8]. La reconnaissance de la filiation n’ayant pas obligatoirement à prendre la forme de la retranscription dès lors qu’une autre voie garantie cette reconnaissance, telle que l’adoption.

Autrement dit, si l’acte est établi conformément au droit en vigueur dans l’État dans lequel la PMA a été réalisée ou que les faits indiquant que les parents figurant sur l’acte de naissance sont vraisemblablement ceux de l’enfant, alors l’acte peut être retranscrit sur les registres français afin d’établir la filiation.

Toutefois, cette solution n’est que jurisprudentielle et il n’existe pour l’heure aucune loi permettant de consolider le recours à la PMA pour les couples homosexuels. Si un couple se heurte au refus d’un officier d’état civil et outre la voie de l’adoption de l’enfant du conjoint, le seul recours possible est de demander à un avocat de saisir le juge et de faire valoir la jurisprudence déjà établie.

C’est en ce sens que le projet de loi relatif à la bioéthique déposé devant le Parlement en juillet 2019, et toujours en discussion, entérinerait ce recours - en France - pour les couples de femmes ou les femmes seules et permettrait d’établir la filiation des deux mères, qu’elles soient mariées ou non, à l’égard de l’enfant.

3. Les avancées attendues du projet de loi bioéthique pour les couples de femmes ayant recours à la PMA.

À l’aune de l’article 4 du projet de loi, deux conditions seraient nécessaires pour établir la filiation, à savoir le consentement des deux membres du couple au recours à la PMA d’une part et par une reconnaissance anticipée de l’enfant devant notaire d’autre part. C’est seulement l’accomplissement de la deuxième formalité qui permettrait à la deuxième mère d’établir sa filiation à l’égard de l’enfant étant entendu que celle qui qui accouche de l’enfant sera automatiquement considérée comme mère de celui-ci. Il convient de rappeler que la voie de l’adoption de l’enfant du conjoint demeurera ouverte.

Ce projet, toujours en discussion et s’il est adopté, ne concernerait que les femmes. Il faut dès lors comprendre que les couples d’hommes ne peuvent pas, à l’appui du droit français, recourir à une méthode de procréation avec leurs gamètes… sauf à considérer se rendre à l’étranger et recourir à la gestation pour autrui (GPA) en misant, comme pour la PMA actuellement, sur la jurisprudence européenne et française enjoignant la retranscription de l’acte de naissance établi à l’étranger pour le parent d’intention - père ou mère en saisissant le juge à l’aide d’un avocat.

II. Quid de la GPA et de l’établissement de la filiation de son enfant ?

La gestation pour autrui (GPA) est formellement prohibée par le droit français sur le fondement de l’indisponibilité du corps humain, de sa non-patrimonialité et du principe de dignité de la femme [9].

Le lien de filiation légalement établi à l’étranger à la suite d’une convention de mère porteuse devrait en principe être retranscrit sur les registres de l’état civil français non seulement en ce qu’il désigne le père biologique mais aussi le parent d’intention - père ou mère .

Néanmoins, comme pour la PMA, cette position n’est que jurisprudentielle et à part recourir à l’adoption de l’enfant du conjoint, il n’y a pour l’instant pas d’autres alternatives pour établir son lien de filiation.

L’article 4 bis du projet de loi relatif à la bioéthique créerait un article 47-1 du Code civil rappelant l’interdiction de la transcription totale d’un acte de naissance ou d’un jugement étranger établissant ou faisant apparaître la filiation d’un enfant né d’une GPA lorsqu’il mentionne le parent d’intention.

Néanmoins, cet article ne ferait obstacle ni à la transcription partielle avec le parent biologique ni à l’établissement ultérieur du lien de filiation avec le parent d’intention par la voie de l’adoption.

L’ensemble de ces changements juridiques viennent modifier en profondeur les règles de la filiation en droit français en offrant de nouvelles possibilités aux familles.

En cas de litige ou bien pour faire valoir son statut de parent aux yeux de la loi, les conseils d’un avocat permettent toujours d’apporter des réponses précises et ciblées à toutes les interrogations juridiques que le droit en vigueur et celui à venir posent et ne cesseront de poser !

Aurélie Thuegaz Cabinet Thuegaz Avocat [->www.thuegaz-avocats.com]

[1Article 311-20 du Code civil.

[2Article 311-25 du Code civil.

[3Article 312 du Code civil.

[4Article 316 du Code civil.

[5Aticle 16-8 du Code civil.

[6Civ. 1ère, 28 février 2018, n°17-11.069.

[7Article 365 du Code civil.

[8Article 47 du Code civil.

[9Article 16-7 du Code civil.