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La force obligatoire d’un certificat médical. Par Olivia Sarton, Juriste.
Parution : vendredi 2 avril 2021
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Tous les certificats médicaux ne se valent pas.
Seuls ceux exigés par un texte législatif ou règlementaire sont obligatoires et emportent obligation pour les tiers de tirer les conséquences des constatations réalisées.
Pour les autres, leur établissement est laissé à la libre-appréciation du médecin sollicité. Ils n’ont pas vis-à-vis des tiers la force contraignante des certificats obligatoires.

Illustration avec les certificats médicaux faisant état de pathologies afin d’obtenir une dispense du port du masque pour les enfants, et avec les certificats médicaux préconisant l’interpellation d’un enfant par un pronom et prénom ne correspondant pas à son sexe de naissance.

Qu’est-ce qu’un certificat médical.

Le certificat médical est défini comme « un acte médico-légal qui est rédigé après examen clinique du patient et qui apporte un constat purement médical » (Direction des affaires juridiques de l’APHP), ou encore comme

« un acte qui constate ou interprète des faits d’ordre médical (diagnostic, examen clinique, résultats d’examen), à propos d’un individu, dans un but justifié et établi à la demande du patient ou d’une autorité publique habilitée ».

Distinction entre un certificat médical et une ordonnance.

L’ordonnance est un document médical établi par un professionnel de santé prescripteur qualifié et permettant aux patients d’obtenir des médicaments, des dispositifs médicaux (béquilles, pansements etc.), des examens médicaux et actes paracliniques (radiologie, biologie), des actes paramédicaux (kinésithérapie, etc.).

Elle est donc destinée au patient lui-même et aux professionnels de santé partenaires.

Elle est remise au patient pour lui servir de « ligne de conduite écrite quant aux mesures curatives à prendre » et elle a force obligatoire auprès des professionnels de santé auxquels elle est présentée sauf motifs tirés de l’intérêt du patient ou du caractère illicite de la demande. Ainsi pour l’un de ces motifs, le pharmacien qui refuse de délivrer les médicaments doit informer le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance. S’il refuse pour d’autres motifs, il doit fournir au patient tous renseignements utiles pour lui permettre de faire exécuter ce prélèvement ou cet examen.

Règles applicables à l’établissement des certificats médicaux :

L’article R4127- 28 du Code de la santé publique [1] interdit « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance ».

Le commentaire du Code de déontologie élaboré par l’Ordre national des médecins précise à cet égard que :

« Le médecin ne doit certifier que ce qu’il a lui-même constaté.(…).
Si le certificat rapporte les dires de l’intéressé ou d’un tiers, le médecin doit s’exprimer sur le mode conditionnel et avec la plus grande circonspection ; Le rôle du médecin est en effet d’établir des constatations médicales, non de recueillir des attestations ou des témoignages et moins encore de les reprendre à son compte
 ».

- L’article R4127- 33 du Code de la santé publique [2] prescrit :

« Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés ».

- L’article R4127-51 du Code de la santé publique [3] indique que :

« le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelles dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Au regard de cet article, le commentaire du Code de déontologie précise que :

« le médecin ne donne pas seulement des conseils thérapeutiques, d’hygiène de vie mais aussi de psychologie. (…) le pédiatre sera interrogé sur l’intérêt d’un redoublement scolaire, d’un changement d’établissement (…) ».

- L’article R4127-76 du Code de la santé publique [4] dispose que :

« l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires ».

Le commentaire du Code de déontologie est le suivant :
1 - L’établissement des certificats médicaux est une des fonctions du médecin. Il ne peut s’y soustraire que pour des raisons précises.
Il en a l’obligation pour les certificats exigés par les lois et règlements (accident du travail, application des lois sociales, etc.). Quand ce n’est pas le cas, le médecin apprécie s’il y a lieu ou non de délivrer le certificat qui lui est demandé et rejettera les demandes indues (voir note 2) ou abusives.
2 - Le médecin est libre de la rédaction du certificat, mais celui-ci doit être parfaitement objectif. Il relate les constatations faites par le médecin. Il ne doit pas affirmer ce qui n’est que probable, il ne doit pas comporter d’omissions dénaturant les faits.
3 - (…) le médecin doit se garder d’attribuer la responsabilité des troubles de santé, physiques ou psychiques, constatés, au conflit conjugal, familial (article 51) ou professionnel dont le patient lui a fait part.
Il n’a pas plus à authentifier, en les notant dans le certificat sous forme de « dires du patient », les accusations de celui-ci contre un tiers, le conjoint ou l’employeur.

Il n’a pas non plus à remettre à l’un des parents ou à un tiers un certificat tendant à la modification du droit de visite ou de garde de l’enfant ni attribuer les troubles présentés par un enfant au comportement de l’autre parent ou d’un tiers (article 44).

Force obligatoire d’un certificat médical.

Il convient de distinguer entre les certificats médicaux obligatoires et les autres.

1. Les certificats médicaux obligatoires.

Un certificat médical n’est obligatoire que si un texte législatif ou réglementaire l’exige. Les médecins sont tenus d’établir, conformément aux constatations médicales qu’ils sont en mesure de faire, les certificats (…) dont la production est prescrite par les textes législatifs et règlementaires.

Les principaux certificats prévus par la réglementation sont :
- Naissance et certificats de santé de l’enfant,
- Vaccinations,
- Certificats destinés à obtenir des avantages sociaux (maternité, maladie…),
- Accident de travail,
- Maladie professionnelle,
- Demandes de pensions militaires et d’invalidité,
- Protection juridique,
- Certificats pour soins psychiatriques,
- Coups et blessures, sévices,
- Réquisition sauf récusation,
- Décès.

Lorsqu’un certificat médical est prescrit par un texte, il doit nécessairement être produit dans les situations visées par les textes. Ainsi, la production d’un certificat médical de décès est obligatoire pour obtenir l’autorisation de fermeture du cercueil (mais pas pour déclarer le décès même si elle est recommandée).

S’agissant des enfants, un certificat médical doit par exemple être produit pour :
- La mise en place d’un régime alimentaire spécial (PAI) en cas d’allergie ;
- L’information de l’école lorsque l’enfant est absent en raison d’une maladie contagieuse ;
- Justifier de l’inaptitude à la pratique de l’enseignement physique et sportif (EPS) ;
- Justifier de l’absence de contre-indication à la pratique d’un sport lorsqu’une réponse au questionnaire de santé prévu par les textes conduit à un examen médical.

Lorsqu’ils sont produits à des tiers, ces certificats emportent obligation pour ceux-ci de tirer les conséquences des constatations réalisées : ainsi pour les sportifs de haut niveau, lorsque le médecin chargé de coordonner la surveillance médicale au sein de la fédération sportive, établit un certificat de contre-indication à la participation aux compétitions sportives au vu des résultats de cette surveillance, le président de la fédération doit suspendre la participation de l’intéressé aux compétitions sportives organisées ou autorisées par ladite fédération jusqu’à la levée de la contre-indication par le médecin.

L’absence de respect par les tiers du certificat médical obligatoire est susceptible d’entraîner leur responsabilité administrative, civile et/ou pénale.

Ainsi en décembre 2020, un professeur d’EPS a été mis en examen pour homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou les règlements, après le décès d’un collégien consécutif à une séance de course à pied. Le collégien avait un certificat médical de contre-indication à la pratique d’activités physiques et sportives.

Quelques semaines plus tôt, une enseignante de primaire a été sanctionnée administrativement et condamnée à 12 mois de prison avec sursis à la suite du décès d’un enfant auquel elle avait permis de manger des crêpes confectionnées à l’école.

L’enfant avait un PAI établi sur la base d’un certificat médical faisant état de son allergie au lait.

2. Les certificats médicaux non prévus par les textes.

A côté de ces certificats obligatoires prescrits par les textes législatifs et règlementaires, les médecins peuvent se voir solliciter pour établir des certificats médicaux dans d’autres situations.

L’établissement de ces certificats est laissé à leur appréciation. Le Ministère de la santé y est toutefois assez défavorable, estimant que le recours au certificat médical « ne devrait être réservé qu’aux seuls cas prévus par les textes ».

Ces certificats médicaux non prévus par les textes n’ont pas vis-à-vis des tiers la force contraignante des certificats obligatoires. Ils peuvent même être ignorés par les tiers s’ils entrent en contrariété avec d’autres dispositions législatives et réglementaires.

Ainsi le certificat médical émis par le médecin traitant d’un salarié attestant son inaptitude à reprendre son emploi n’a aucune force juridique. Seul le médecin du travail peut constater l’inaptitude du salarié à l’emploi qu’il occupe.

De même le certificat médical de dispense du port de la ceinture de sécurité émis par le médecin traitant n’a aucune valeur légale. Seul un médecin agréé pour ce faire peut réaliser le contrôle médical de l’aptitude à la conduite et délivrer à l’issue un avis médical d’exemption pour une durée donnée .

3. Des parents peuvent-ils se prévaloir d’un certificat médical pour obtenir une dispense du port du masque pour leurs enfants, notamment ceux âgés de 6 à 10 ans ?

Dans les derniers mois de l’année 2020, la question de la validité d’un certificat médical justifiant la dérogation au port du masque pour les enfants a donné lieu à de vifs débats.

Nombreux sont les parents qui ont tenté de faire valoir auprès des établissements scolaires de leurs enfants, certificats médicaux à l’appui, les troubles causés selon eux par le port du masque chez leurs enfants : migraines, troubles de l’attention et/ou de l’humeur, réactions allergiques ophtalmologiques et/ou dermatologiques, difficultés respiratoires aggravées, etc.).

Mais leurs demandes ont été rejetées et les enfants dont les titulaires de l’autorité parentale ont persisté dans leur refus qu’ils portent le masque se sont vus refuser l’accès à l’établissement scolaire.

Ce faisant, les établissements scolaires et les tribunaux saisis des contentieux découlant des refus d’accès, ont fait une interprétation stricte des textes en vigueur.

Le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire prévoit en effet une dérogation générale au port du masque pour les seules personnes handicapées .

Ont donc pu bénéficier de la dérogation les élèves pouvant produire un certificat médical attestant d’un handicap tel que mentionné à l’article L114 du Code de l’action sociale et des familles . Comme cela été précisé, la reconnaissance du handicap ne nécessite pas une décision de la CDAPH, qui n’est pas compétente pour reconnaître la qualité de personne handicapée. Le diagnostic peut être fait par le médecin traitant .

En revanche, les certificats médicaux n’attestant pas d’un handicap ont été considérés comme dépourvus de toute efficacité pour justifier la dérogation au port du masque .

4. Un certificat médical peut-il imposer à un tiers d’utiliser un prénom et un pronom différents de ceux mentionnés à l’état-civil d’une personne ?

Un tel certificat médical n’entre pas dans la liste des certificats prescrits par un texte légal ou réglementaire. Dès lors, il n’a pas en soi de force obligatoire, il ne peut que recommander telle ou telle conduite mais ne peut s’imposer aux tiers, et ce d’autant plus qu’il ignore les textes législatifs.

En effet, la mention du sexe fait partie en France de l’identité de la personne. Le sexe ne peut être que masculin ou féminin. Le changement de sexe à l’état civil peut être demandé par un majeur ou un mineur émancipé, sans avoir besoin d’en passer par une prise en charge médicale.

De même, le prénom est un élément d’identité de la personne et revêt un caractère obligatoire [5]. La loi permet d’utiliser, à titre de prénom usuel, tout prénom figurant dans l’acte de naissance (ce n’est pas nécessairement le premier, ce peut être l’un de ceux qui suivent). Un prénom d’usage - ne figurant pas sur l’acte de naissance - peut être utilisé, mais il n’a pas de fondement légal et il ne peut être imposé aux tiers. Par ailleurs, un changement de prénom peut facilement être obtenu en France, que ce soit pour un majeur ou un mineur.

Dans l’exemple du jeune enfant Sasha médiatisé dans le film « Petite Fille », le médecin psychiatre émet un certificat médical réclamé par la mère comme pièce péremptoire destinée à l’école et rédigé - semble t-il - dans les termes suivants :

« Devant l’intensité de la souffrance engendrée par l’incongruence entre le genre assigné à la naissance (masculin) et le genre auquel Sasha se ressent appartenir (féminin), la transition sociale (le fait de reconnaître Sasha en tant que fille et d’utiliser des pronoms féminins pour s’adresser à elle et parler d’elle) parait justifiée dans le cadre familial et extrafamilial ».

Ainsi, la psychiatre préconise à des tiers de prendre une part active à un processus d’affirmation d’une « transition sociale » qui n’a pas de réalité juridique puisque l’enfant est mineur non émancipé et qu’il ne peut donc pas encore accéder aux procédures de changements de sexe à l’état civil.

Elle entre ainsi en conflit avec la loi. En effet, si la loi prévoit que la procédure de changement de sexe ne peut être introduite que pour un adulte ou un mineur émancipé, c’est qu’elle estime dans un souci de protection du mineur, qu’un changement de sexe avant l’âge adulte (ou avant l’émancipation) n’est pas conforme à l’intérêt de l’enfant.

La difficulté est que les tiers se sentent souvent mal à l’aise face à un certificat médical faisant des recommandations.

Dans le film « Petite fille », la production du certificat médical à l’école a semble t-il été considérée comme contraignant le corps éducatif à reconnaître Sasha en tant que fille. Si tel est bien le cas, l’établissement scolaire a commis une erreur sur la portée de ce certificat. Il n’était en aucun cas contraint de suivre les recommandations du certificat préconisant l’utilisation de pronom ne correspondant pas à l’état-civil de l’enfant.

Une comparaison pertinente peut être faite avec l’un des exemples donnés dans le commentaire de l’article 51 du Code de déontologie : le certificat médical du pédiatre recommandant de ne pas faire redoubler un élève ne s’impose pas au chef d’établissement. Celui-ci peut en tenir compte par exemple lors de la phase de dialogue avec l’élève et ses représentants légaux, mais il n’est nullement tenu par la recommandation du pédiatre et peut décider du redoublement nonobstant cette recommandation.

Dans le cas des certificats médicaux recommandant à des tiers d’affirmer la transition sociale d’un enfant, on peut légitimement se demander si, compte-tenu de l’objectif de protection du mineur poursuivi par les dispositions du Code Civil qui n’autorisent pas le changement de sexe avant l’émancipation ou la majorité, l’institution scolaire ne faillit pas à son obligation de prudence en prenant en compte un certificat médical établi en conflit avec la loi.

Olivia Sarton Directrice scientifique de l’Association Juristes pour l’enfance

[1Article 28 du Code de déontologie des médecins.

[2Article 33 du Code de déontologie.

[3Article 51 du Code de déontologie.

[4Article 76 du Code de déontologie.

[5Art 57 du Code civil.