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Quid de la contrefaçon sur les systèmes de liens commerciaux des moteurs de recherches, par Olivier Vibert, Avocat
Parution : mercredi 4 juin 2008
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Décision relative au système ADWORDS de Google : La Cour de cassation renvoi devant la Cour de justice des communautés européennes.

La Cour de cassation, Chambre commerciale 20 mai 2008 (n° de pourvoi : 06-15136) devait statuer sur un litige de contrefaçon par le biais du système d’annonces commerciales de Google dénommé Adwords. La Cour de cassation a cependant posé une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés européennes.

Le litige était le suivant :

Une société CNRRH exerçant son activité dans le domaine des annonces matrimoniales est titulaire d’une licence de la marque « EUROCHALLENGES » déposée par Monsieur A. La dénomination commerciale de la Société CNRRH est EUROCHALLENGES et son site internet est eurochallenges.com.

La Société CNRRH constate que des liens commerciaux par le biais du système adwords sont proposés vers des sociétés concurrentes après une recherche utilisant comme mot-clef la marque « EUROCHALLENCES ».

La Société CNRRH met en demeure la Société Google de mettre fin aux liens contrefaisants mais la supposée contrefaçon se poursuivant un constat est réalisé et une action en contrefaçon est engagée contre Google et contre la société vers qui les liens renvoient, la Société TIGER.

La Cour d’appel de Versailles juge à l’égard de la Société TIGER qu’elle a commis un acte de contrefaçon en utilisant le mot-clef EUROCHALLENGES pour renvoyer vers son site.

Pour la Cour d’appel de Versailles, le mot-clef est certes un outil technique permettant le référencement des signes Internet, mais il constitue néanmoins un usage contrefaisant de la marque car l’utilisation ce cette marque conduit nécessairement à promouvoir des services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

En d’autres termes, la contrefaçon serait constituée dans l’hypothèse d’une utilisation de marques dans les mots-clefs quand elle permettrait de proposer des liens vers des services ou produits identiques à ceux couverts par le champ de protection de la marque.

La Société TIGER forme un pourvoi invoquant des difficultés sérieuses d’interprétation de la réglementation communautaire pour savoir si la contrefaçon est constituée par l’utilisation d’une marque concurrente comme mot-clef.

La Cour d’appel de VERSAILLES avait également considéré que la Société GOOGLE s’était rendue coupable de contrefaçon. La Cour d’appel considérait notamment que la Société GOOGLE devait s’assurer que l’usage des mots-clefs à titre commercial ne devait pas constituer une contrefaçon de marques.

La Cour d’appel de VERSAILLES considérait que GOOGLE devait être en mesure d’interdire l’utilisation de mots-clés manifestement illicites et qu’il lui incombait de mettre en oeuvre à cette fin les moyens lui permettant de vérifier que les mots-clés réservés par les annonceurs ne constituent pas la reproduction ou l’imitation de marques françaises en vigueur.

GOOGLE forme également un pourvoi considérant qu’elle ne peut pas commettre une contrefaçon alors qu’elle ne fait ni une reproduction ni une imitation de la marque. Sans usage de la marque elle ne peut donc commettre d’acte de contrefaçon de marque.

La Société GOOGLE a également soutenu pouvoir bénéficier du régime des intermédiaires Internet prévu par la directive du 8 juin 2000 (200/31/CE). Les intermédiaires visés sont les intermédiaires techniques tels que hébergeur ou fournisseur d’accès internet.

La Cour de cassation relevant l’existence de difficultés devant être tranché au plan communautaire a fait droit aux demandes de questions préjudicielles.

La Cour de cassation a donc saisi la Cour de justice des Communautés européennes aux fins de répondre aux trois questions suivantes :

1°/ La réservation par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur internet, d’un mot-clef déclenchant en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services, d’un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l’autorisation du titulaire de cette marque, caractérise-t-elle en elle-même une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier par l’article 5 de la première Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ?

2°/ L’article 5, paragraphe 1, sous a et b de la première Directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques doit-il être interprété en ce sens que le prestataire de service de référencement payant qui met à la disposition des annonceurs des mots-clefs reproduisant ou imitant des marques déposées, et organise par le contrat de référencement la création et l’affichage privilégié, à partir de ces mots clefs, de liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits identiques ou similaires à ceux couverts par l’enregistrement de marques, fait un usage de ces marques que son titulaire est habilité à interdire ?

3°/ Dans l’hypothèse où un tel usage ne constituerait pas un usage susceptible d’être interdit par le titulaire de la marque, en application de la directive et du règlement, le prestataire de service de référencement payant peut-il être considéré comme fournissant un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, au sens de l’article 14 de la Directive 2000/31 du 8 juin 2000, de sorte que sa responsabilité ne pourrait être recherchée avant qu’il ait été informé par le titulaire de marque de l’usage illicite du signe par l’annonceur ?

Affaire à suivre donc puisque la Cour de Justice devra trancher ces questions pour permettre ensuite à la Cour de cassation de prendre sa décision et de trancher les moyens qui lui sont soumis dans le cadre de ce pourvoi.

Par Olivier Vibert, Avocat, Paris

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