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La convocation à une première comparution devant le juge d’instruction. Par Avi Bitton, Avocat, et Coline Josselin, Juriste.
Parution : mercredi 14 avril 2021
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Qu’est-ce qu’une mise en examen ? Qu’est-ce que l’interrogatoire de première comparution ?
Quel est le rôle de l’avocat ?

Au cours d’une information judiciaire, le juge d’instruction peut « mettre en cause » une personne à l’encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des faits dont il est saisi (article 80-1 du code de procédure pénale).

Pour cela, le juge d’instruction procède à la mise en examen de cette personne. Ce statut permet au juge d’instruction de soumettre la personne concernée à des mesures de sûreté (placement sous contrôle judiciaire, assignation à résidence sous surveillance électronique, placement en détention provisoire), et il permet aussi au mis en examen de bénéficier de droits spécifiques tout au long de la procédure d’instruction (assistance d’un avocat, consultation du dossier d’instruction, demande d’actes d’investigation, ...).

Cette mise en examen ne peut intervenir qu’à l’issue de la première comparution devant le juge d’instruction, appelée « interrogatoire de première comparution » et après avoir entendu les observations de la personne ou l’avoir mise en demeure de le faire, en étant assistée par son avocat.

L’interrogatoire de première comparution est un moment clé de la procédure d’instruction.

L’avocat y joue un rôle important : il doit tenter de minorer les charges retenues à l’encontre de son client ainsi que la qualification retenue et éviter le prononcé d’une mesure de sûreté.

I. Avant l’interrogatoire.

Convocation.

L’interrogatoire de première comparution peut notamment avoir lieu sur convocation du juge d’instruction lorsque la personne n’a pas déjà été placée sous le statut de témoin assisté.

Cette convocation doit se faire par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte notifié par officier de police judiciaire et signé par la personne qui en reçoit copie. L’interrogatoire doit intervenir dans un délai de 10 jours à 2 mois suivant la réception de ce courrier.

L’avocat de la personne convoquée doit quant à lui être convoqué au plus tard dans les 5 jours précédant la date de l’interrogatoire de première comparution.

La convocation doit comporter plusieurs mentions, à savoir la date et l’heure de convocation, les faits reprochés et leur qualification juridique, le droit se faire assister par un avocat et le fait que la mise en examen ne pourra intervenir qu’après cet interrogatoire.

Par exception, le juge d’instruction peut procéder à un interrogatoire immédiat et à des confrontations en cas d’urgence résultant de l’état d’un témoin en danger de mort ou de l’existence d’indices sur le point de disparaître.

Rôle de l’avocat :

-  Consultation du dossier.

Une fois que l’avocat a été désigné par la personne concernée et que celui-ci a été convoqué à l’interrogatoire de première comparution, il a alors le droit de consulter le dossier afin de le préparer efficacement. Le dossier de la procédure est mis à la disposition de l’avocat 4 jours ouvrables au plus tard avant l’interrogatoire.
En effet, la consultation du dossier par l’avocat est primordiale : c’est à ce moment que l’avocat prend connaissance des charges qui pèsent contre son client. Les informations contenues dans le dossier lui permettront par la suite de le conseiller au mieux selon une stratégie de défense choisie.

-  Conseil stratégique.

Avant l’interrogatoire de première comparution, l’avocat peut s’entretenir de façon confidentielle avec son client. L’avocat qui aura pris connaissance du dossier sera en mesure de conseiller son client sur le choix qui lui est offert par la loi : garder le silence, faire des déclarations spontanées ou répondre aux questions qui lui sont posées.

II. Pendant l’interrogatoire.

Lieu de l’interrogatoire.

Habituellement, l’interrogatoire de première comparution a lieu dans le cabinet du juge d’instruction (au tribunal judiciaire). Il peut également se dérouler dans tout autre lieu dès lors que les formalités de convocation ont été respectées.

Formalités.

Avant de débuter l’interrogatoire, le juge d’instruction constate l’identité de la personne. Il lui indique ensuite chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels une éventuelle mise en examen est envisagée ainsi que leur qualification juridique.

Ces formalités sont essentielles car une personne mise en examen ne peut pas être renvoyée devant une juridiction de jugement pour les faits dont le juge d’instruction ne lui a pas fait connaître la nature et la qualification juridique lors de l’interrogatoire de première comparution [1].

Le juge d’instruction doit informer la personne de son droit :
- de faire des déclarations,
- de répondre aux questions qui lui seront posées,
- ou de se taire.

En matière criminelle (meurtre, viol, ...), les interrogatoires doivent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel. A défaut, ce manquement porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne interrogée et cela entraîne la nullité de l’interrogatoire et donc de l’éventuelle mise en examen qui en découle ainsi que tous les actes subséquents [2].

Déroulement.

Si la personne intéressée n’a pas fait le choix de se taire durant l’interrogatoire, le juge d’instruction peut recevoir ses déclarations spontanées ou lui poser des questions.

Le déroulement de l’interrogatoire ainsi que les éventuels débats sont relatés dans un procès-verbal. Ce procès-verbal est ensuite relu et signé par la personne concernée, le juge d’instruction et le greffier.

Rôle de l’avocat :

La personne convoquée devant le juge d’instruction pour un interrogatoire de première comparution a le droit d’être assistée par un avocat. En effet, elle ne peut être entendue, interrogée ou confrontée qu’en présence de son avocat ou ce dernier dûment appelé, à moins qu’elle ne renonce expressément à ce droit.

-  Prise de notes.

L’avocat est libre de prendre des notes pendant toute la durée de l’interrogatoire. Cette prise de notes est nécessaire : elle permet de n’omettre aucun détail, surtout lorsque l’interrogatoire dure plusieurs heures. Ces notes peuvent servir de support aux observations que l’avocat peut formuler à la fin de l’interrogatoire. Elles servent également de support lors de la relecture finale des déclarations du client.

-  Formulation d’observations.

A l’issue de l’interrogatoire, l’avocat peut alors présenter des observations. Ces observations sont importantes car elles permettent de faire acter différents points dans le procès-verbal d’interrogatoire (par exemple : faire état d’un manquement, préciser un point concernant l’état de santé psychique ou mental du client, émettre une contestation…). Par la suite, ces observations pourront servir de base à la formulation d’une requête en nullité par l’avocat.

Toutefois, l’avocat doit faire connaître au juge d’instruction son souhait de présenter des observations à la suite de l’interrogatoire et avant la notification de l’éventuelle mise en examen (Crim. 2 juin 2010, n°10-80.452).

III. Après l’interrogatoire.

Notification de la décision du juge d’instruction.

A la fin de l’interrogatoire, le juge d’instruction notifie à la personne interrogée sa décision.

Celui-ci peut décider de ne pas la mettre en examen et l’informer qu’elle bénéficie des droits découlant du statut de « témoin assisté ».

Toutefois, il peut également décider de la mettre en examen et l’informe alors des droits dont elle bénéficiera tout au long de la procédure d’instruction et notamment le droit de formuler des demandes d’actes.

Dès lors qu’elle est mise en examen, la personne interrogée peut faire l’objet de mesures coercitives (placement sous contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique ou placement en détention provisoire).

Le juge d’instruction l’informe ensuite du délai prévisible d’achèvement de l’information judiciaire et de sa possibilité de solliciter la clôture de la procédure à l’expiration de ce délai.

Enfin, la personne concernée doit déclarer au juge d’instruction une adresse en France à laquelle tous les actes de la procédure lui seront notifiés. Elle devra par ailleurs informer le juge d’instruction de tout changement d’adresse déclarée.

Rôle de l’avocat :

-  Demander la copie du dossier.

Après la première comparution, l’avocat peut demander au juge d’instruction la délivrance d’une copie de l’entier dossier de la procédure. L’avocat peut également demander au juge d’instruction l’autorisation de communiquer certaines pièces ou l’entier dossier à son client.

-  Déposer des demandes et des requêtes.

Si le juge d’instruction met en examen la personne, il l’informe de son droit :
- de déposer des demandes d’actes,
- de déposer des demandes d’expertise,
- de déposer des requêtes en annulation.

Ces demandes et requêtes sont soumises à des délais légaux. L’assistance d’un avocat est primordiale car il s’assure du respect de ces délais et, de par son expertise, sait quelles demandes effectuer en priorité pour contribuer à la manifestation de la vérité.

L’avocat peut aussi faire des demandes de mise en liberté lorsque la personne mise en examen a été placée en détention provisoire.

L’avocat accompagne ensuite son client durant toute la durée de l’instruction et jusqu’à l’éventuel procès.

Voies de recours.

Il est possible de contester la mise en examen via une requête en annulation de la mise en examen ou via une demande d’octroi du statut de témoin assisté. La demande doit être formulée dans les 6 mois après la mise en examen.

Le juge d’instruction statue sur cette demande après avoir sollicité les réquisitions du ministère public. Si le juge d’instruction fait droit à la demande, il informe la personne qu’elle bénéficie désormais du statut de témoin assisté.

Si le juge d’instruction estime que la personne doit rester mise en examen, il statue par une ordonnance motivée faisant état des indices graves ou concordants justifiant sa décision.

Avi Bitton, Avocat, et Coline Josselin, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Cass. Crim. 10 avril 2019, n°19-80.493.

[2Crim. 3 mars 2010, n°09-87.924 ; Crim. 21 mars 2017, n°16-84.877.

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