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La faute inexcusable du particulier employeur. Par Quentin Misseou, Avocat.
Parution : mercredi 14 avril 2021
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Par un arrêt du 8 avril 2021 (n° 20-11.935), la Cour de cassation s’est prononcée pour, la première fois, sur la faute inexcusable du particulier employeur. Et les conséquences de cet arrêt peuvent être considérables.

Dans cette décision, une salariée avait été engagée par un particulier employeur pour assurer l’entretien de la résidence secondaire de ce dernier.

A la suite d’une chute du balcon dont la balustrade avait cédé, la salariée est devenue paraplégique.

L’accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie et la salariée a saisi la juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

La salariée a obtenu gain de cause devant la Cour d’appel et l’employeur s’est pourvu en cassation.

Aux termes de son argumentation, l’employeur soutenait notamment qu’en sa qualité de particulier employeur, il n’était pas soumis aux dispositions du Code du travail relatives aux principes généraux de prévention prévus au titre II du livre 1 de la 4ème partie dudit code.

L’employeur faisait également valoir que constitue une faute inexcusable, la faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience que devait avoir son auteur du danger qui pouvait en résulter et de l’absence de toute autre cause justificative.

La position de l’employeur n’a pas été suivie par la Cour de cassation, qui a rejeté le pourvoi en ces termes :

«  Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle le particulier employeur est tenu envers l’employé de maison a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis l’employé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 8 octobre 2020 (n° 18-25.021 et 18-26.677).

La Cour de cassation applique ainsi au particulier employeur, le même critère d’appréciation de la faute inexcusable que pour l’employeur professionnel.

L’analyse du cas d’espèce permet d’apporter un éclairage sur cette décision qui peut paraître sévère pour le particulier employeur.

Immédiatement après l’accident, les constatations effectuées par les services de police ont révélé que le balcon était une avancée en bois en mauvais état, que des morceaux de bois en piteux état jonchaient le sol et qu’il se pouvait que la victime se soit appuyée sur la rambarde qui avait cédé.

Les juges du fond ont également relevé que l’employeur qui résidait à Paris mais qui se rendait dans la résidence secondaire dont il est propriétaire avec sa famille ne pouvait pas ignorer l’état de cette rambarde, qui n’avait pu se détériorer en quelques mois mais dont la vétusté était certaine.

Il en résultait dès lors que l’employeur était conscient du danger ou qu’il aurait dû à tout le moins être conscient du danger auquel son employée était exposée dans le cadre de ses attributions ménagères.

La deuxième condition nécessaire à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, tenant à l’absence de mesure pour préserver la salariée, a également été considérée comme remplie par la Cour de cassation.

Il a été constaté à ce titre que le dangereux balcon était en libre accès et qu’aucune information ni consigne n’avait été donnée à la salariée en ce sens.

Or, il appartenait à l’employeur

« de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver son employée en condamnant l’accès au balcon ou à tout le moins en lui interdisant l’accès à ce balcon ou en la mettant en garde sur la dangerosité des lieux ».

Compte tenu du nombre élevé des accidents du travail des employés de maison relevé par l’assurance maladie, cet arrêt risque d’emporter de conséquences considérables, et notamment financière, pour les particuliers employeurs.

Pour rappel, les victimes de la faute inexcusable de l’employeur peuvent notamment obtenir l’indemnisation des préjudices liés aux souffrances physiques et morales, des préjudices esthétique et d’agrément ainsi que ceux résultant de la perte de chance de promotion professionnelle ou encore du préjudice sexuel.

Quentin Misseou Avocat au barreau de Paris Master 2 droit social - Université de Cergy Pontoise https://qmavocat.com/ [->contact@qmavocat.com]
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