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Actualité en droit social liée à la Covid. Par Nathalie Kelyor, Avocat.
Parution : mardi 13 avril 2021
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Panorama des dispositions en vigueur en avril 2021.

Le point de départ du régime dérogatoire mis en place en raison de la crise sanitaire actuelle est constitué par la loi 2020-290 du 23 mars 2020 qui décrète l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de la publication de la loi qui, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de ladite loi, toute mesure pouvant entrer en vigueur si besoin à compter du 12 mars 2020 destinée à limiter les effets de la crise liée au Covid-19.

L’état d’urgence était donc initialement décrété pour une période expirant le 24 mai 2020.

Il a été ensuite prorogé et a pris fin le 10 juillet 2020.

L’état d’urgence sanitaire a de nouveau été déclaré par un décret du 14 octobre 2020, à partir du 17 octobre pour faire face à la seconde vague épidémique. Il a été de nouveau prolongé une première fois jusqu’au 16 février 2021, puis en dernier lieu, jusqu’au 1er juin 2021.

Sur la base de l’habilitation précitée, un grand nombre d’ordonnances, dont certaines intéressant le droit social, ont été prises par le gouvernement à compter de fin mars 2020.

Les dispositions de la plupart de ces ordonnances ont pris fin avec la fin de l’état d’urgence en date du 10 juillet 2020.

Mais certaines ont perduré (I) et d’autres sont issues d’ordonnances ou de textes pris après le l’état d’urgence (II).

Certaines réformes telles que la réforme de l’assurance chômage ont vu leur entrée en vigueur retardé par la crise sanitaire (III).

Enfin, il est loisible de s’interroger sur les changements induits dans notre droit par la crise sanitaire actuelle (IV).

I- Les dispositions qui ont perduré malgré la fin de l’état d’urgence en juillet 2020.

1- Le dispositif d’activité partielle de droit commun.

Ce dispositif, qui est en réalité une adaptation du régime existant avant la crise sanitaire, est issu du décret 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle. Ce dispositif a été modifié par une ordonnance 2020-1639 du 21 décembre 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle et par les décrets d’application parus au Journal officiel des 26 décembre et 31 décembre 2020.

Le taux de l’indemnité versée au salarié devait baisser pour passer dans les secteurs non protégés à 60% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 8,11 euros.

Parallèlement, le taux de l’allocation versée aux employeurs devait passer de 60% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC à 36% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 7,30 euros.

Les textes ci-dessus ont reporté ces baisses au 1er mai 2021.

Concernant les secteurs protégés (hôtellerie, restauration, sport culture,…), le taux de l’indemnité versée au salarié reste fixé à 70% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 8,11 euros jusqu’au 30 avril 2021.

Entre le 1er et le 31 mai 2021, ce taux sera abaissé à 60% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 8,11 euros, puis à compter du 1er juin 2021 à 36% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 8,11 euros.

Le taux de prise en charge appliqué à ces secteurs est de 100%, ce qui signifie qu’il n’existe aucun reste à charge pour les employeurs de ces secteurs.

Concernant les secteurs protégés les plus en difficultés (conditions de perte de chiffre d’affaires), ou dans les entreprises fermées totalement ou partiellement par décision administrative, le taux de l’indemnité versée aux salariés, tout comme le taux de l’allocation versée aux employeurs, restent fixés à70% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 8,11 euros jusqu’au 30 juin 2021.

2- Les salariés contraints de garder leurs enfants.

Les salariés contraints de garder leur enfant en raison de la fermeture pour raison sanitaire de la section, de la classe ou de l’établissement d’accueil de leur enfant ou en raison de l’identification de leurs enfants comme cas contact, s’ils ne peuvent pas télétravailler, continueront à percevoir une indemnité dont le taux reste fixé jusqu’au 30 avril 2021 à 70% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 8,11 euros. Après cette date, le taux devrait être ramené à 60%.

Ce dispositif qui avait pris fin au 31 décembre 2020 est de nouveau d’actualité suite aux dernières mesures sanitaires décidées par le gouvernement, savoir la fermeture des crèches, écoles, collèges et lycées et le réaménagement des vacances scolaires sur la période du 12 au 25 avril 2021 pour toutes les zones.

Il a été prolongé jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2021 (loi 2020-473 du 25 avril 2020, art. 20 modifié par ord. 2020-1639 du 21 décembre 2020, art. 2).

Concernant l’activité partielle lors des vacances scolaires, le ministère du travail a, dans un communiqué de presse du 1er avril 2021, indiqué que les employeurs étaient invités à faciliter la prise de congés de leurs salariés ayant des enfants durant les nouvelles périodes de vacances scolaires, lorsqu’ils avaient déjà prévu leurs congés à des dates ultérieures.

Le délai de prévenance habituel d’un mois n’aurait pas à être respecté.

Ce n’est qu’en dernier recours, c’est à dire lorsque le salarié ne peut pas décaler ses congés, ne dispose pas de mode de garde et se trouve dans l’incapacité de « télétravailler », qu’il pourra être placé en activité partielle de droit commun.

L’indemnité versée aux salariés sera égale à 70% du salaire brut antérieur du salarié dans la limite d’une rémunération de 4,5 SMIC avec un plancher de 8,11 euros.

La question de savoir si le principe du « zéro reste à charge » pour l’employeur, doit encore être débattu et devrait faire l’objet d’un projet de décret.

3- Les congés payés.

Les dispositions de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 en matière de congés qui à l’origine devaient prendre fin au 31 décembre 2020 ont été prolongées de six mois, soit jusqu’au 30 juin 2021.

La condition préalable à ces dispositions est qu’il existe un accord collectif ou un accord de branche. L’employeur ne peut pas décider seul.

L’accord d’entreprise ou de branche peut autoriser l’employeur à :
- imposer la prise de congés payés (y compris avant l’ouverture de la période estivale allant du 1er mai au 31 octobre),
- ou modifier les dates d’un congé déjà posées.

Le nombre de jours imposables ou modifiables au maximum est fixé à six jours ouvrables.

L’employeur doit respecter un délai de prévenance fixé par l’accord d’entreprise ou de branche.

Ce délai ne peut pas être inférieur à un jour franc.

Le même accord peut permettre à l’employeur d’imposer le fractionnement des congés ou suspendre temporairement le droit à un congé simultané des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans une même entreprise.

4- RTT/ jours de repos supplémentaires/ Jours de repos liés aux forfaits jours/CET.

L’employeur peut décider seul et sans accord d’entreprise ou de branche :
- d’imposer ou de modifier les journées de repos RTT qui devaient être fixés au choix des salariés ;
- d’imposer ou modifier les journées ou les demi-journées de repos acquises par le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année ;
- d’imposer que les droits affectés sur le compte épargne temps des salariés soient utilisés par la prise de jours de repos dont il détermine la date.

Le délai de prévenance à respecter est également d’un jour franc minimum.

Dans tous les cas ci-dessus, le nombre total de jours imposés ou modifiés en application des paragraphes relatifs aux jours RTT, au CET et aux jours de repos des salariés sous convention de forfait ne peut excéder 10 jours.

La période de prise des jours de repos imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 30 juin 2021 en lieu et place du 31 décembre 2020, tel que prévu initialement.

5- Prime exceptionnelle de Pouvoir d’Achat (PEPA).

L’ordonnance 2020-385 du 1er avril 2020 a adapté à la crise sanitaire un dispositif d’ores et déjà existant.

Elle permettait de verser une prime d’un montant supérieur à 1 000 euros (2 000 euros à condition de mettre en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime), exonérée dans certaines limites de cotisations et de contributions sociales.

La date limite de versement initialement fixée au 31 août 2020 a été repoussée au 31 décembre 2020.

Le premier Ministre a annoncé, suite à la Conférence du dialogue social du 15 mars 2021, que le dispositif devrait être réactivé pour 2021 avec comme nouveauté, la possibilité de verser cette prime si la branche professionnelle ou, à défaut, l’entreprise engage une revalorisation des conditions de travail des travailleurs de la 2e ligne.

Un texte explicitant ce dispositif est attendu.

6- Aide à l’alternance.

L’aide exceptionnelle destinée à favoriser les contrats d’apprentissage, savoir une aide pouvant aller jusqu’à 5 000 euros pour la première année d’exécution du contrat conclu avec un jeune de moins de 18 ans (8 000 euros pour un apprenti majeur), qui devait prendre fin le 31 mars 2021 est prolongée pendant toute l’année 2021.

II- Les dispositions actuellement en vigueur.

1- L’APLD (Activité Partielle de Longue Durée).

Ce dispositif issu de la loi 2020-734 du 17 juin 2020 et du décret 2020-926 du 28 juillet 2020 publié le 30 juillet 2020, toujours en vigueur actuellement, est destiné aux les entreprises confrontées à des difficultés économiques mais dont la pérennité n’est pas compromise.

En vertu de ces textes, les entreprises peuvent, sous condition d’engagements notamment en matière de maintien d’emploi et de formation, diminuer l’horaire de travail de leurs salariés tout en percevant une allocation pour les heures non travaillées. En cas de non-respect des engagements et notamment en cas de licenciement économique, l’employeur doit rembourser les allocations perçues pour chaque salarié licencié.

Ce dispositif est mis en place soit par voie d’un accord d’établissement ou d’entreprise ou de groupe validé par l’administration, soit par voie de document unilatéral de l’employeur dans le cadre défini par un accord de branche étendu.

Le bénéfice de l’allocation est accordé dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois consécutifs.

La réduction du temps de travail ne peut être supérieure à 40% de la durée légale du travail et s’apprécie par salarié sur la durée totale d’application du dispositif.

Comme c’est une appréciation globale sur l’ensemble de la période, cela peut conduire à des périodes d’inactivité totale.

La limite peut être portée à 50% de la durée légale dans des cas exceptionnels liés à la situation de l’entreprise, mais sous la double condition que l’accord collectif le prévoit et que la Direccte le décide.

Les salariés concernés perçoivent une indemnité de70% de la rémunération brute dans la limite de 4,5 fois le taux horaire du SMIC (mini 8,03 euros et maxi 31,97 euros).

L’allocation versée aux employeurs est égale à 60% de la rémunération brute dans la limite de 4,5 fois le taux horaire du SMIC.

Toutefois, conformément au décret 2020-926 du 28 juillet 2020, le taux de l’allocation d’activité partielle de droit commun doit être appliqué lorsqu’il est supérieur.

Or, compte tenu du report de la baisse du taux de l’allocation de droit commun, comme il a été dit ci-dessus, il conviendra d’appliquer le taux horaire de l’allocation de droit commun lorsque celui-ci est plus favorable.

Enfin, pour apprécier la durée d’application du dispositif d’APLD, il était convenu que la période du 1er novembre à une date ne pouvant excéder le 31 mars, 2021 serait neutralisée.

Le décret 2021-361 du 31 mars 2021 a prévu que cette période de neutralisation prendra fin au plus tard à l’expiration du mois civil au cours duquel prendra fin l’état d’urgence sanitaire. A la lecture, du QR ministériel sur l’APLD, la date de fin de la période de neutralisation devrait être fixée au 30 juin 2021.

2- Le télétravail.

D’après le QR du Ministère du travail, mis à jour le 25 mars 2021, le télétravail serait obligatoire dès lors que les activités le permettent. Dans ce cas, il devrait être à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance.

Dans le cas contraire, l’organisation du travail devrait permettre de réduire le plus possible les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l’exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail.

Les règles applicables doivent être fixées par l’employeur dans le cadre du dialogue social.

Le télétravail peut être imposé au salarié et ce, sur le fondement de l’article L1222-1 du Code du travail qui prévoit la possibilité de mise en place du télétravail sans l’accord du salarié en cas de risque épidémique.

L’employeur peut par contre refuser le télétravail souhaité par un salarié et ce, en fonction de l’activité exercée ou en fonction des critères d’éligibilité au télétravail fixés par l’accord collectif ou la charte.

Il n’en demeure pas moins un risque de contentieux dans l’hypothèse d’une contamination d’un salarié qui aurait pu, au moins en partie, « télétravailler » et ce, au regard de l’obligation de sécurité de l’employeur.

L’inspection du travail a d’ailleurs reçu des instructions pour multiplier les contrôles au sein des entreprises.

III- Le report de la réforme de l’assurance chômage.

La réforme de l’assurance chômage a été décidée en juillet 2019 (décret 2019-797 du 26 juillet 2019) et comporte deux volets :
- Le premier est entré en vigueur le 1er novembre 2019,
- Le second devait entrer en vigueur le 1er avril 2020 mais cette entrée en vigueur a été plusieurs fois reportée en raison de la crise sanitaire actuelle. Elle était fixée en dernier lieu au 1er janvier 2021 (décret 2020-929 du 29-7-2020) mais le gouvernement a annoncé un nouveau report au 1er avril 2021.

Le Conseil d’Etat a en outre annulé une partie des dispositions de cette réforme dans une décision du 25 novembre 2020 (CE 25-11-2020 n° 434920, CFE-CGE).

Le décret 2021-346 du 30 mars 2021 a en dernier lieu fixé lesquelles des dispositions de la réforme devaient entrer en vigueur et à quelle date.

Nouvelles durées minimales de travail pour acquérir des droits au chômage.

Avant la réforme, les salariés devaient justifier de 88 jours travaillés (ou 610 heures), soit 4 mois de travail au cours des 28 derniers mois (36 mois pour les salariés âgés de 53 ans ou plus) pour pouvoir avoir droit à ouverture des droits au chômage.

Avec la réforme, les salariés âgés de moins de 53 ans devront justifier d’une période d’affiliation de 130 jours (ou 910 heures travaillées), soit environ 6 mois de travail au cours des 24 mois précédant le dernier jour travaillé.

Les salariés âgés de 53 ans ou plus devront quant à eux justifier d’une période d’affiliation identique mais au cours des 36 mois précédant le dernier jour travaillé.

Cette mesure est désormais suspendue jusqu’à ce qu’une amélioration durable de la situation de l’emploi n’intervienne.

Celle-ci sera constatée si deux conditions sont remplies :
- Le nombre total de déclarations préalables à l’embauche pour des contrats de plus d’un mois est supérieur à un seuil (fixé à 2 700 000) sur une période de 4 mois consécutifs ;
- Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a baissé d’au moins 130 000 au cours des 6 derniers mois.

Il en va de même pour la durée nécessaire pour recharger les droits au chômage.

Durée d’indemnisation.

La durée d’indemnisation minimale aurait dû, en cohérence avec la condition d’affiliation minimale, être ramenée à 122 jours calendaires (au lieu de 182 jours).

Cette mesure est suspendue dans les mêmes conditions que la mesure tenant à la condition d’affiliation minimale, ci-dessus.

Dégressivité.

La réforme prévoit une dégressivité de l’allocation après six mois pour les salariés de moins de 57 ans dont le montant de l’allocation dépasse 84,67 euros. La baisse maximale est de 3%.

La mesure de dégressivité de l’allocation est entrée en vigueur au 1er novembre 2019.

Sa mise en œuvre a toutefois été suspendue entre le 1er mars et le 31 mai 2020, par décret n°2020-425 du 14 avril 2020, en raison des conséquences liées à la Covid-19.

Puis le décret du 29 juillet 2020 précité a neutralisé jusqu’au 31 décembre 2020 le décompte des 182 jours, au terme desquels l’allocation devient dégressive. Cette neutralisation a été repoussée au 1er juillet 2021.

Le nouveau décret précité prévoit que la dégressivité n’interviendra qu’au bout de 8 mois d’indemnisation, ce délai ne commençant à courir en tout état de cause qu’au 1er juillet 2021.

En pratique, la dégressivité ne pourra commencer qu’en mars 2022 (1er juillet + 8 mois).

Calcul du salaire journalier de référence (SJR).

Le calcul se faisait jusqu’à maintenant en fonction du salaire mensuel moyen calculé sur la base des rémunérations perçues durant les 12 derniers mois précédant le dernier jour travaillé.

Ce salaire moyen était divisé par le nombre de jours travaillés durant la période de 12 mois précédant le dernier jour travaillé, la somme ainsi obtenue étant multipliée par 1,4 pour ramener le salaire journalier de référence sur une base calendaire.

Avec la réforme, le salaire moyen est obtenu en tenant compte des rémunérations perçues durant les 24 derniers mois (36 derniers mois pour les plus de 53 ans) précédant le dernier jour travaillé.

Ce salaire moyen est divisé par le nombre de jours calendaires décomptés entre le premier jour de la première période d’emploi incluse dans les 24 mois correspondant à la période d’affiliation et le terme de cette période de référence.

Ainsi, on ne divise plus par le nombre de jours travaillés mais par le nombre de jours calendaires, ce qui peut aboutir à une baisse significative de l’allocation servie.

Le Conseil d’Etat a, dans sa décision du 25 novembre dernier, considéré que cette disposition conduisait à une rupture d’égalité entre les salariés qui ont eu une activité continue et les salariés qui ont eu des activités sur des périodes discontinues.
Il a donc annulé cette disposition et le gouvernement devait travailler sur de nouvelles modalités de calcul.

Or, le calcul retenu dans le dernier décret est toujours effectué sur la base du nombre de jours calendaires. Ce décret introduit toutefois un plancher pour limiter la baisse du SJR à 43% maximum par rapport au mode de calcul antérieur.

Bonus/malus.

Le texte de la réforme prévoit l’instauration d’une contribution patronale modulée pour les entreprises de 11 salariés et plus appartenant à certains secteurs d’activité définis par un arrêté à paraitre.

Il s’agit ainsi de prévoir un taux de contributions patronales majoré ou minoré en fonction du nombre de fins de contrat de travail imputables à l’employeur.

Il est instauré une période d’observation à compter du 1er juillet 2021 à compter de laquelle il sera tenu compte du nombre de fins de contrats. Les modulations des cotisations ne seront par contre applicables qu’à compter du 1er septembre 2022. Les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire sont exclues.

IV- Les changements induits par la crise sanitaire.

En premier lieu, il est à noter que de nouveaux types de contentieux vont apparaitre.

C’est ainsi que les avocats travaillistes que nous sommes voient déjà des salariés nous saisir de problématiques telles que le stress au travail dans des entreprises où le protocole sanitaire ou les gestes barrières ne sont pas respectés ou le fait d’être contraint de travailler alors qu’ils sont placés en activité partielle,…

Les employeurs de leur côté nous saisissent pour des conseils quant à l’organisation du travail, les possibilités de modulation des horaires, le respect de l’obligation de sécurité dans le cas de salariés malades ou considérés comme cas contact,…

Ces problématiques sont bien entendu nouvelles et laissent présager des contentieux ultérieurs qui n’existaient pas avant 2020.

Plus généralement, la situation de crise sanitaire actuelle pose de manière accrue la question des risques psychosociaux et de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Cette question, déjà posée antérieurement dans des cas d’expositions à l’amiante, sera de manière certaine au cœur des contentieux à venir et était déjà évoquée de manière centrale dans l’arrêt Amazon de la Cour d’Appel de Versailles du 24 avril 2020 (20/01993).

Enfin, il est loisible de s’interroger sur les sources de droit qui se sont imposées depuis le début de la crise sanitaire.

Traditionnellement, le système juridique français est basé sur la primauté de la constitution et du bloc de constitutionnalité, puis du bloc de conventionalité, c’est-à-dire les conventions internationales, puis du bloc de légalité (lois et ordonnances), puis enfin du bloc réglementaire (décrets et arrêtés).

Au début de la crise sanitaire, en mars 2020, le gouvernement a été habilité par la loi 2020-290 du 23 mars 2020 à prendre par voie d’ordonnances toutes les mesures d’urgence nécessitées par la crise.

Toutefois, au fur et à mesure du temps et du maintien de l’état d’urgence ont émergés de nouveaux textes d’un genre nouveau.

Il en est ainsi des QR ministériels (Questions/Réponses) qui sont régulièrement mis à jour et qui se sont imposés courant 2020 dans le foisonnement des ordonnances et des décrets, qui souvent tardaient à paraitre, comme une véritable source de droit.

Les entreprises, pour ne pas risquer de voir leur responsabilité engagée pour violation de leur obligation de sécurité, ont appliqué les mesures préconisées par ces QR.

Il en a été de même pour le protocole sanitaire mis en place pour aider les entreprises à mettre en place les mesures sanitaires considérées comme adéquates.

Or, ces textes n’ont aucune « légitimité » juridique et n’ont en principe aucun pouvoir contraignant.

Ils sont de plus mis à jour régulièrement, ce qui signifie que ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui.

Ainsi, s’il parait plus « sécurisant » de conseiller aux employeurs de prendre en compte les préconisations de ces QR ou du protocole sanitaire pour établir qu’ils ont mis en place les mesures nécessaires à la sécurité dans l’entreprise, cela ne va pas sans un certain risque : ces nouvelles normes n’étant précisément pas créatrices de droit, il n’est en rien certain qu’elles puissent être invoquées lors de contentieux ultérieurs et ce, d’autant plus qu’entre leur application dans l’entreprise et leur invocation devant les tribunaux, elles auront été modifiées des dizaines de fois.

Cette situation est contraire au principe de sécurité juridique qui doit primer dans notre droit. Si elle se justifiait dans l’urgence du début de crise sanitaire en mars 2020, elle n’a plus aucune raison d’être aujourd’hui.

Me Nathalie KELYOR Cabinet KELYOR Barreau de Meaux 41 Quai du Pré Long - 77400 LAGNY SUR MARNE