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Pour la généralisation des cours criminelles. Par Francine Summa, Avocate.
Parution : vendredi 16 avril 2021
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La Loi de programmation et de réforme pour la Justice du 23 mars 2019 a créé une Cour criminelle départementale dans 15 départements composée de cinq magistrats qui siège sans jury et juge les crimes punis d’une peine allant jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, commis par un majeur non récidiviste.

Il s’agissait de juger les viols correctionnalisés : viols simples et aggravés, coups mortels, et vols à mains armés.

Cette expérimentation pour une durée de trois ans doit être généralisée pour tout le pays.

Décriée par certains avocats pénalistes pour atteinte aux principes révolutionnaires de la justice rendue par le peuple, l’auteure, avocate civiliste (droit de la famille) entend apporter son expérience de jurée d’assises, il y a plusieurs années, pour approuver la réforme.

I- La Vie du Juré.

1- Le Juré, un citoyen de bonne volonté, plutôt perdu. Il accomplit son devoir de citoyen. Certains ont tenté d’être excusés mais leur demande a été rejetée par le Président - un chef d’entreprise qui dut renoncer à des rendez-vous importants.

Dans le jury constitué pour une session de quatre affaires sur quinze jours, il y avait une mère de famille, une étudiante, le chef d’entreprise, plutôt des hommes, et moi-même que les confrères ne récusèrent pas ni l’avocat général - car j’étais une femme et une avocate de droit familial.

Un jury donc divers représentatif de la société.

2- Les débats, détails des viols, de viols des petits neveux par leur oncle, tout ceci est un poids terriblement dur sur les épaules des jurés. Après chaque audience, le président qui assistait avec deux magistrats et permettait le bon déroulement des échanges entre les jurés, plus les votes, tant sur la culpabilité que la peine, nous conseillait d’évacuer et de se préparer à l’affaire suivante. Ce n’est pas facile d’évacuer.

3- Le sentiment de ne pas bien connaître le dossier qui n’est pas à la disposition des jurés, les deux rapports d’expertise psychiatrique, toujours critiqués pour leur manque d’analyse sérieuse d’un accusé, vu quelques heures en détention.

4- L’ignorance de ce que deviendra l’accusé : appel ? Quelle durée de détention réellement accomplie ? Combien d’années à donner pour qu’il fasse un minimum légitime ?

Toutes informations sans réponse.

5- A la fin de la session, un sentiment d’avoir fait au mieux, les votes ont été passés, que cette expérience est très impressionnante. Elle ouvre un autre regard sur la vie.

II- La Cour criminelle.

1- La Cour criminelle aurait jugé beaucoup mieux et plus vite.

Connaissance du dossier, expérience des magistrats pour le quantum des peines et des mesures complémentaires, conduisent à un traitement professionnel des dossiers sans la charge émotionnelle qui aggrave plus qu’elle n’allège le sort de l’accusé.

2- La Justice doit-elle être populaire ? Surtout pour les cas les plus graves ?

Le peuple n’est pas une garantie de bonne justice, il suffit de considérer les précautions prises pour choisir les jurés - éviter les femmes pour les viols, équilibrer la composition du jury pour des considérations de non discrimination….,etc. Pour les affaires délicates de terrorisme, de responsabilité devant la Cour de la République, il n’y a pas de jury populaire.

Les dernières décisions de la Chambre criminelle de la Cour de cassation montrent que le droit est bien différent.

A chacun son métier.

Francine Summa, Avocate, Médiatrice familiale.