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[RDC] Des détournements commis par des personnes détentrices de mandat public. Par Perry Grace Selemani Ngwamba et Joel Mutshimwana Kafwata, Juriste.
Parution : mercredi 21 avril 2021
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Les détournements commis par des personnes détentrices de mandat public est un comportement incriminé en droit pénal congolais et sévèrement puni. Les auteurs de cette infraction sont passibles d’une peine allant de un jusqu’à vingt ans de travaux forcés.

A ceci j’ajoute l’interdiction pour cinq ans au moins et dix ans, du droit de vote et du droit d’éligibilité, l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques, la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelles et à la réhabilitation ; l’expulsion définitive du territoire de la République. D’où l’intérêt pour cet article de l’analyser.

Introduction.

Le détournement est une infraction en droit pénal congolais. Il est ce comportement social qui consiste à éloigner une somme ou un bien appartenant à la nation dans une autre direction ou d’orienter vers un autre sujet.

C’est ainsi que l’Article 145 du décret du 30 janvier 1940 portant sur le Code pénal Congolais dispose :

« Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant les intérêts de l’Etat ou d’une société étatique au sein d’une société privée, parastatale ou d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou à tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge, sera puni de un à vingt ans de travaux forcés ».

L’alinéa deuxième de la loi précité rajoute en disposant :

« En condamnant à la peine prévue à l’alinéa précédent, le juge prononcera en outre :
1. Abrogé par l’article 1er de l’ordonnance-loi n° 86-030 du 05 avril 1986.
2. L’interdiction pour cinq ans au moins et dix ans au plus après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité ;
3. L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon ;
4. La privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelles et à la réhabilitation dont le but est de faire bénéficier le coupable des avantages prohibés au présent article ;
5. L’expulsion définitive du territoire de la République après l’exécution de la peine, si le condamné est un étranger
 ».

Nous trouvons dans un Etat aux potentiels énormément riche en sous-sol mais dont la pauvreté ne cesse de ronger le peuple. Ceci devient une résultante de la mauvaise gestion qui caractérise les différentes têtes au pouvoir depuis l’indépendance. Leur gestion était caractérisée par un partage inégal des ressources économiques du pays. Voilà pourquoi la République Démocratique du Congo souffre de sous-investissement dans presque tous les domaines, de la corruption et d’un manque considérable de ressources et d’infrastructure de sorte à permettre un bon suivi et une évaluation de chaque projet ou politique publique de développement.

Cet article se propose d’analyser et de faire une lecture sur l’une des causes majeures qui ronge la société congolaise. Il s’agit bel et bien ici du détournement. Ce détournement commis par les agents de la fonction publique qui du reste ne sont pas inquiétés.

I. Du détournement en droit congolais.

Pour rendre intelligible la compréhension d’une infraction, il est impérieux de passer par l’analyse des éléments constitutifs ; c’est dans cet exercice qu’il faut comprendre que les éléments ci-après doivent être réunis pour que l’infraction de détournement des deniers publics soit établie : « la qualité de l’agent, l’objet de l’infraction, la victime, l’acte incriminé et l’intention criminelle ».

I.1. De la qualité de l’agent.

Définition : le Décret-loi numéro 017/2002 du 03/10/2002 portant code d’éthique de l’agent public définit l’agent public de l’Etat comme toute personne qui exerce une activité publique de l’Etat et ou rémunérée par ce dernier.

Relativement à cette qualité de l’agent, la doctrine enseigne qu’il doit s’agir d’un fonctionnaire ou d’un agent public ou d’une personne chargée d’un service public (Mineur, Commentaire du code Pénal, p. 320).

Aussi, résulte-t-il de l’examen de celui-ci que la doctrine précise que par personnes chargées d’un service public il faut entendre celles qui sont dépositaires ou comptables qui, sans être fonctionnaires ou officiers publics, sont instituées pour un intérêt d’ordre public et qui reçoivent des deniers ou effets en vertu de leur charge (Mineur, op cit).

Aussi, a-t-il été jugé que la qualité de fonctionnaire ou de personne chargée d’un service public est un élément essentiel pour justifier l’application de l’article 145 du code Pénal (CSJ, RP 271, 27/06/1979 in Odon Nsumbu, op cit, p.80).

I.2. L’objet de l’infraction.

Pour que l’infraction de détournement des deniers publics soit établie il faut qu’il s’agisse de certains biens. C’est-à-dire d’une nature donnée, et que lesdits biens aient été confiés à la personne qui les a détournés.

Ainsi, il ressort de l’examen de la disposition légale y afférente qu’il est question de deniers qui ont été remis ou confiés à l’agent public ou assimilé qui les a détournés, et que cette remise ait eu lieu à raison des fonctions officielles ou de l’emploi dont il était investi.

Cependant, la jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire que les sommes détournées soient entre les mains du détourneur, mais il suffit qu’en vertu de sa charge, il exerce un certain pouvoir sur lesdites sommes (CSJ, RPA 89, 20/01/1984 in B.A 1980-1984, Kin 2001, p.436 et suivants).

I.3. La victime.

La loi exige que la victime du détournement soit l’Etat ou ses démembrements. En plus, la doctrine enseigne que dans certains cas, il peut s’agir d’une personne morale semi publique. (Bony Cizungu, Les Infractions de A à Z, éd. Laurent Nyangazi, P.309).

I.4. L’acte incriminé.

Relativement à l’acte incriminé, la doctrine enseigne qu’il s’agit du détournement qui est l’élément matériel qui caractérise cette infraction.

Aussi, entend-on par détournement l’usage ou la disposition d’objets ou de deniers qui sont dans les mains ou au pouvoir de l’auteur, à une fin qui ne leur était pas destinée. Il y a détournement dès que l’objet a été distrait de sa destination et est sorti de la droite voie (Bony Cizungu, op cit, p.310-311).

I.5. Définition du détournement.

Par définition le détournement suppose un fonctionnaire qui a eu l’argent ou les biens à sa disposition, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions dont les choses lui ont été confiées, soit par l’Etat ou une autre collectivité publique, soit par les particuliers (administrés, contribuables, etc…), soit par les utilisateurs d’un service qui peuvent opérer des transferts de fonds dont l’usage ou la disposition ont été distrait de leur destination et est sorti de la droite voie (Bony Cizungu, 2011 : 306).

Il en résulte que la structure du détournement est marquée par la distinction entre les conditions préalables suivantes :

I.5.1. Elément légal.

En droit le détournement des derniers publics est prévu à l’article 145 du code Pénal Livre II qui dispose :

« Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant les intérêts de l’Etat ou d’une société étatique au sein d’une société privée, parastatale ou d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge, sera puni de un à vingt ans de travaux forces ».

I.5.2. Elément matériel du détournement.

Le détournement est l’appropriation de la chose par l’auteur. Il existe dès lors que le propriétaire de la chose confiée ne peut plus exercer ses droits sur la chose et que le fonctionnaire se trouverait dans l’impossibilité de rendre la chose d’autrui. C’est le détournement de l’objet reçu.

Par ailleurs, pour que l’infraction de détournement des deniers publics soit établie il faut qu’il s’agisse de certains biens, c’est-à-dire d’une nature donnée, et que lesdits biens aient été confiés à la personne qui les a détournés.

Ainsi, il ressort de l’examen de la disposition légale y afférente qu’il doit être question de deniers qui ont été remis ou confiés à l’agent public ou assimilé qui les a détournés, et que cette remise ait eu lieu à raison des fonctions officielles ou de l’emploi dont il était investi.

Cependant, la jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire que les sommes détournées soient entre les mains du détourneur, mais il suffit qu’en vertu de sa charge, il exerce un certain pouvoir sur lesdites sommes (CSJ, RPA 89, 20/01/1984 in B.A 1980-1984, Kin 2001, p.436).

Il s’en suit que la nature des biens détournés comme la détention préalable desdits biens par le fonctionnaire doit être sans équivoque.

Aussi, a-t-il été jugé que l’infraction de détournement réclame comme condition la détention précaire de biens mobiliers en vertu d’un titre conférant celle-ci et exige ensuite par l’acte infractionnel la translation frauduleuse par détournement ou dissipation de cette possession précaire en possession définitive au profit de l’auteur ou d’un tiers. (CSJ, RPA 22, 01/02/1973, in Odon Nsumbu, op cit).

I.5.3. Elément moral ou intention.

La preuve de l’intention frauduleuse de l’infraction de détournement est établie soit sur base de présomptions graves, précises et concordantes, soit sur base de présomptions déduites des contradictions dans les explications du fonctionnaire tant à l’instruction préparatoire qu’aux audiences, soit aussi sur base de présomptions résultant de la non justification concluante de sommes détenues à titre précaire (CSJ, RPA 26, 04/05/1974 in Odon Nsumbu, op cit, p.76).

Ainsi, l’intention frauduleuse découle également de la volonté du fonctionnaire de gérer un bien ou une somme appartenant à l’Etat avec l’intention frauduleuse de s’enrichir injustement, ou encore de nuire à autrui, en s’appropriant ou en dissipant quelque chose qui ne lui appartient pas, ne lui ayant été remis qu’à titre précaire est moralement prouvé comme une extériorisation de l’intention coupable.

C’est ainsi que, la connaissance qu’aura la personne poursuivie en utilisant pour soi une somme perçue appartenant à l’Etat a d’autre fins pour qu’après qu’il aille justifier autrement en se procurant ou procurant à autrui un bénéfice illicite constitue un détournement frauduleux dès que le prévenu dispose de cette somme d’argent.

A ce propos, la doctrine dit que cette infraction exige l’intention frauduleuse ou méchante qui est réalisée lorsque l’auteur agit pour procurer un bénéfice illicite, soit à lui-même, soit à autrui (Mineur, op cit, p.322).

II. Comment prouver le détournement ?

La poursuite contre ce genre des personnes est plus souvent le plus difficile d’équation à résoudre. Parce que celles-ci sont les plus souvent ceux qui savent calculer le temps, il suffit juste d’une maladresse dans l’Administration pour lever les dernières inhibitions. Finalement ces individus indifférents à tout deviennent du coup capable de tout.

Il a été criminologiquement prouvé que l’homme qui est engagé dans le crime (détournement) a des reproches contre le monde auquel il appartient, souvent, il dit que ce pays me doit beaucoup toute ma vie, pour les services loyaux que je lui ai rendus, il a dû peut-être lutter contre les injustices.

En effet, le délinquant détourneur est un calculateur, car, il profite plus souvent des circonstances. C’est-à-dire, qu’ils calculent le moment favorable pour la commission de l’infraction.

Cette phase se trace le plus souvent dans un cafouillage, ou le délinquant monte une structure et convainc son chef d’en assurer la supervision. Cela va de soi qu’il en est le boss. Et parce qu’il peut se permettre de raconter des histoires au nom de son chef.

Il monte une commission et il en met formellement des coordonnateurs des noms, alors que c’est lui-même qui en tire les ficelles dans l’ombre.

Le délinquant, s’arrange pour que le projet, soit une affaire du chef pour obtenir sans résistance, le paiement. Il s’agit là d’une infraction commise par un homme intelligent. C’est comme ça que le pays a du mal à poursuivre les agents ou fonctionnaires publics qui ont des justificatifs dans tout le processus criminel difficile d’être pris puisqu’on peut même faire croire à son chef qu’il est impliqué ou certains de ses collaborateurs ou ces proches pour l’amener à couvrir au risque de faire éclater la boite aux pandores alors que le délinquant a tout contrôlé seul du début jusqu’à la fin.

Pour ainsi établir la culpabilité à charge d’un détourneur, la justice doit être portée par une intelligence. Cette intelligence doit être collective pour permettre une instruction criminelle fructueuse dans le but de mesurer, réfléchir dans le sens de réparer le préjudice subi par l’Etat.

III. Analyse.

Si nous partons de l’approche sociologique de la délinquance en col blanc d’Alexis Spire qui reprend les idées force d’Edwin Sutherland in White collar crime ou criminel en col blanc, nous voyons bien que « les délits en col blanc sont en effet plus difficile à prouver, ce qui permet à leurs auteurs d’obtenir plus souvent que les "délinquants de rue" le bénéfice de doute (reasonable doubt).

En outre, même lorsqu’ils ont déjà commis des infractions semblables, les délinquants en col blanc ne sont jamais jugés comme des récidivistes et se trouvent ainsi dispensés des sanctions pénales les plus lourdes » (Alexis Spire).

Nous sommes en présence des crimes de la catégorie de la criminalité économique commis par les élites. C’est-à-dire la transgression du droit par ceux qui se situent en haut de l’échelle sociale, en montrant à quel point celles-ci sont structurées par les institutions censées les réguler.

D’où le juge congolais, devant cette matière délicate, dans un système romano germanique, pour ne pas laisser impuni les auteurs de ces actes, d’un niveau intellectuel outillé par diverses autres sciences criminelles qui vont l’aider à établir cette infraction, pour mieux comprendre la criminalité en col blanc.

Du fait que les auteurs de ces crimes sont dangereux dans la société parce qu’ils prennent le temps de montrer leur plan et il est difficile de prouver leur culpabilité.

Comment ? est bien parce qu’ils ont assez de temps de munir leur projet criminel en le rendant de fois officiel et s’organisent pour se défendre convenablement lorsqu’ils sont pris main dans le sac.

Il est sans d’attendre dans un procès pénal ou le prévenu demande au ministère public de prouver son forfait, c’est justement ça la preuve même que c’est un crime intellectuel parce que le prévenu s’arrange pour ne pas apparaitre et à mis en place un dispositif matériel pour nettoyer toutes les preuves.

Il faut donc être intellectuel et être scientifique outillé pour se rendre compte de l’implication du prévenu dans la commission de l’infraction.

Conclusion.

Nous arrivons à la fin de cet article qui a examiné les détournements commis par des personnes revêtues de mandat public. Nous avons vu que, l’acteur majeur dans la commission de ce crime sont des personnes revêtues de mandat public, et que ces dernières usent de la qualité de fonctionnaire ou de personne chargée d’un service public pour s’approprier ou distrait de sa destination et est sorti de la droite voie pour d’autre fins.

C’est ainsi qu’analyse des certains auteurs, nous avons annoncés que La poursuite contre ce genre des personnes est plus souvent le plus difficile d’équation à résoudre. Parce que celles-ci sont les plus souvent ceux qui savent calculer le temps, il suffit juste d’une maladresse dans l’Administration pour lever les dernières inhibitions. Finalement ces individus indifférents à tout mais qui deviennent capables de tout.

Il est aussi important ici de souligner le fait que les détournements est une infraction qui n’est pas commise par n’importe qui. C’est un crime intellectuel parce que le prévenu s’arrange pour ne pas apparaitre et à mis en place un dispositif matériel pour nettoyer toutes les preuves. D’où il faut une certaine intelligence pour mettre la main à tous les infracteurs de ce sens.

Perry Grace Selemani Ngwamba et Joel Mutshimwana Kafwata, Assistants à la Faculté de Droit de l'Université de Lubumbashi en République Démocratique du Congo.