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Le bail réel solidaire : bref aperçu. Par David Roguet, Avocat.
Parution : mardi 20 avril 2021
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Nouvelle formule d’accession à la propriété, le bail réel solidaire permet à des ménages modestes de devenir propriétaire d’un logement à un prix avantageux, souvent inférieur à celui du marché, en dissociant le foncier du bâti.

C’est en 2014 que la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, créait les premiers organismes de foncier solidaire, personnes morales ayant pour vocation d’acheter des terrains pour générer une offre de logements, en accession à la propriété ou en location.

La figure juridique s’enrichissait de la conclusion d’un bail de longue durée au profit de personnes physiques ou morales, assorti ou non de l’obligation de construire ou de réhabiliter des constructions existantes en vue de les céder ou de les louer à des familles répondant à des conditions de ressources maximales, de loyer ou de prix de cession.

Puis l’ordonnance du 20 juillet 2016 va accorder un nom et un régime à ce contrat de louage, donnant ainsi consistance au « bail réel solidaire ».

Celui-ci est ainsi défini par l’article L255-1 du Code de la construction et de l’habitation qui rappelle qu’il est un contrat conclu entre un organisme de foncier solidaire et un preneur ; les organismes de foncier solidaire étant des organismes sans but lucratif qui ont pour objet d’acquérir et de gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs [1].

Depuis la loi du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Loi ELAN), outre les organismes sans but lucratif, l’activité d’organisme de foncier solidaire peut être exercée, à titre principal ou accessoire, par les organismes d’HLM et les SEM agréées pour le logement social.

Voilà donc un système original, inspiré des modèles anglo-saxon du Community land trust et du Leasehold estate qui, à gros traits, organise l’acquisition de biens immobiliers en vue d’en faire profiter des particuliers.

Le droit français connaissait déjà des mécaniques de baux conférant au preneur des droits réels au travers, par exemple, des baux à construction ou des baux emphytéotiques. A chaque fois, l’esprit qui anime est de dissocier le foncier du bâti pour permettre ainsi aux bénéficiaires d’accéder à des habitations à des prix raisonnables, tandis que le bailleur conserve la pleine propriété du bien.

Le bail réel solidaire répond lui aussi à cet objectif de favoriser l’accès à la propriété des personnes économiquement modestes.

Il est consenti, soit à un preneur qui occupe le logement à titre de résidence principale et qui répond à des conditions de prix et de ressources n’excédant pas les plafonds fixés par décret ; soit à un opérateur qui s’engage à les mettre en location à des ménages modestes sous conditions de ressources et de loyer ; soit à un opérateur qui s’engage à vendre les droits réels immobiliers attachés à ces logements à des bénéficiaires répondant à des conditions de ressources, ou à proposer la souscription de parts ou actions permettant la jouissance du bien par ces bénéficiaires.

Sa durée est comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans.

Le preneur peut jouir librement des droits réels immobiliers et des installations ou constructions qu’il a édifiées, rénovées ou réhabilitées, dès lors qu’il n’est pas porté atteinte à la destination de l’immeuble ou à l’état dans lequel il a été convenu que ces constructions seraient remises en fin de bail.

Le preneur peut consentir une cession ou une donation des droits réels afférents au bien objet du bail réel solidaire, mais, dans cette hypothèse, l’organisme de foncier solidaire dispose d’un droit de préemption.

Si le preneur décède, les droits réels sont transmis à son ayant droit et le bail est prorogé de plein droit au profit de ce dernier pour qu’il bénéficie d’un bail d’une durée identique à celle initialement prévue et à condition qu’il réponde aux conditions d’éligibilité.

Au titre de ses obligations, le preneur doit, s’il y a lieu, effectuer des travaux de construction ou de réhabilitation ; maintenir en bon état d’entretien et de réparations les constructions existantes lors de la conclusion du bail et celles qu’il réalise pendant la durée de celui-ci ; payer toutes les charges, taxes et impôts relatifs tant à l’immeuble donné à bail qu’aux constructions réalisées.

Il ne peut, sauf clauses contraires, réaliser d’autres ouvrages ou travaux que ceux prévus initialement, à l’exception de tous travaux nécessaires à la conservation du bien en état d’usage.

Le preneur doit verser à l’organisme de foncier solidaire une redevance dont le montant tient compte notamment des conditions d’acquisition du patrimoine par l’organisme de foncier solidaire, des conditions financières et techniques de l’opération de construction ou de réhabilitation des logements et des conditions d’occupation des logements.

Le bail réel solidaire prend fin à l’arrivée du terme fixé par le bail ou en cas de résiliation anticipée pour inexécution des conditions du contrat (par exemple un défaut de paiement de la redevance).

Observations est faite que le bail réel solidaire ne peut stipuler aucune faculté de résiliation unilatérale de la part du bailleur.

Les constructions et améliorations réalisées par le preneur demeurent sa propriété en cours de bail et deviennent la propriété de l’organisme de foncier solidaire à son expiration.

En fin de bail, les droits réels immobiliers du preneur deviennent la propriété de l’organisme de foncier solidaire, après indemnisation de leur valeur.

A défaut de cette mention, les bénéficiaires du droit au bail d’habitation ont le droit de se maintenir dans les lieux pendant une durée de trente-six mois à compter de la date d’expiration du bail réel solidaire moyennant une indemnité d’occupation égale au dernier loyer d’habitation expiré et payable dans les mêmes conditions.

David ROGUET Avocat au Barreau de Grenoble Ancien Bâtonnier https://bastille-avocats.fr/

[1Article L329-1 du Code de l’urbanisme.