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La liberté religieuse du salarié et l’image de l’entreprise. Par Cécile Villié, Avocat et Valentine Boulon, Elève-Avocat.
Parution : mardi 20 avril 2021
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Le port du voile religieux en entreprise est une question complexe qui nécessite de concilier la liberté religieuse du salarié et l’intérêt de l’entreprise.

Cette question a de nouveau été tranchée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 avril 2021 [1].

En principe, le Code du travail impose à l’employeur de respecter les libertés individuelles des salariés au sein de l’entreprise, autrement dit les salariés doivent pouvoir exercer librement leur liberté religieuse à leur poste de travail [2].

Cependant, l’employeur peut apporter des restrictions à cette liberté, sous réserve que les atteintes à la liberté soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché [3].

Ainsi, un employeur peut insérer dans son règlement intérieur une clause dite de neutralité. Cette clause permet d’interdire le port visible de signe politique, philosophique et religieux. En revanche, la clause ne peut pas viser exclusivement le port du voile religieux, sous peine d’être considéré comme une discrimination [4].

Cette clause ne peut concerner que des salariés en contact avec la clientèle de l’entreprise.

Si le salarié refuse de retirer son signe religieux ostensible, l’employeur peut le licencier à la condition qu’aucun reclassement à un poste sans contact avec les clients ne soit disponible [5].

En l’absence de clause de neutralité, il est possible pour un employeur d’interdire le port ostensible de signe religieux lorsqu’il se fonde sur des exigences professionnelles nécessaires et déterminantes. Cette notion relativement floue n’est pas évidente à appréhender. A titre d’exemple, des raisons objectives de sécurité permettent de remplir ces exigences [6].

Il est cependant plus simple de définir ce qui ne constitue pas des exigences professionnelles nécessaires et déterminantes :
- le fait de demander à son salarié de raser sa barbe pour des motifs non objectif de sécurité [7] ;
- le fait de demander à sa salariée de retirer son voile religieux pour se conformer à la volonté d’une partie de la clientèle de l’entreprise [8].

Dans cet arrêt du 14 avril 2021, une salariée portant un voile religieux couvrant ses cheveux, ses oreilles et son cou, avait été licencié par son employeur, la Société Camaïeu, pour avoir refusé d’ôter son voile.

A cette occasion, la Cour de cassation affirme que l’image de l’entreprise au regard de sa politique commerciale ne permet pas de répondre aux exigences professionnelles nécessaires et déterminantes.

Ainsi, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse qui avait considéré comme nul le licenciement de la salariée comme fondé sur une discrimination.

Cécile Villié et Valentine Boulon avocat - droit du travail www.villie-avocat.com [->contact@villie-avocat.com]

[1N°19-24.079.

[2Article L1121-1 du Code du travail.

[3Article L1121-1 du Code du travail ; arrêt dit « Baby-loup », Cass. soc., 19 mars 2013, n°11-28.845.

[4Article L1321-2-1 du Code du travail.

[5Cass. soc., 22 novembre 2017, n°13-19.855.

[6Cass. soc., 8 juillet 2020, n°18-23.743.

[7Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-23.743.

[8CJUE, 14 mars 2017, aff. 188/15 ; Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855.