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Plus-values sur cession de crypto-monnaies : quelles modalités fiscales ? Par Alex Ajroud Chetioui, Avocat.
Parution : vendredi 23 avril 2021
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Il n’a échappé à personne que les échanges de crypto-actifs ont explosé au cours de l’année 2020. Du Bitcoin à l’Ethereum, en passant par la multiplication des crypto-monnaies, ou encore tout récemment à l’avènement des Non Fungible Tokens (NFT), la spéculation est ouverte sur de nombreux actifs.

En cette période déclarative, l’heure est venue pour les contribuables actifs sur le marché des crypto-monnaies de déclarer les plus-values réalisées au cours de l’année 2020.

Ces achats et reventes de crypto-monnaies entraînent bien souvent, pour les spéculateurs, des plus-values qui peuvent atteindre des montants conséquents. De fait, l’imposition en résultant peut également être élevée, et doit être prise en compte par les investisseurs au cours de leurs opérations.

Les articles 150 VH Bis et 200C du Code Général des Impôts (CGI) et la doctrine administrative BOI-RPPM-PVBMC-30 et suivants sont venus préciser les modalités déclaratives pour les cessions réalisées à titre occasionnels par des particuliers domiciliés fiscalement en France.

A. Distinction entre activité occasionnelle et professionnelle.

Il n’y a à ce jour pas de texte ou de jurisprudence claire sur la distinction entre activité occasionnelle et activité professionnelle.

La caractérisation de l’activité sera effectuée au cas par cas. Plusieurs éléments pourront être retenus pour qualifier une activité de professionnelle : le volume des échanges, le montant des sommes en jeu, ou encore le temps écoulé entre l’achat et la revente par exemple.

Il semble de plus qu’il sera plus aisé de caractériser l’activité comme occasionnelle si le contribuable dispose d’une activité professionnelle autre à temps plein, ou encore si les volumes restent acceptables comme caractérisant une activité de « loisir ». En cas de doute sur le sujet, il peut être judicieux de consulter un avocat fiscaliste.

B. Modalités d’imposition des plus-values de cession de crypto-monnaies à titre occasionnel.

L’article 150 VH Bis du CGI précise le fait générateur de l’impôt : la cession à titre onéreux de crypto actifs, à l’exclusion des opérations d’échanges sans soulte de crypto actifs.

En d’autres termes, l’imposition est due lorsque l’on cède une crypto-monnaie :
- contre une somme en monnaie ayant court légal, tel que l’euro ou le dollar. La perception de cette somme en monnaie « tangible », que cela soit sur votre compte sur la plateforme de broker ou sur votre compte bancaire, qui entraînera l’imposition ;
- En échange d’un bien autre qu’un crypto actif ;
- En échange d’un crypto actif avec versement de soulte ;
- En échange d’un service.

A l’inverse, lorsqu’au cours d’une opération, un crypto actif est échangé contre un autre sans versement de soulte, cela ne donnera pas lieu à imposition immédiate. La plus-value latente est placée en sursis d’imposition. Son imposition n’interviendra que lorsque la cession donnera lieu à la perception de l’un des éléments mentionnés ci-dessus.

Enfin, les cessions de crypto-monnaies pour un montant inférieur à 305 euros par année d’imposition, hors opérations bénéficiant du sursis, sont exonérés d’imposition. Ce montant de 305 euros s’apprécie en tenant compte de toutes les cessions réalisées au cours de l’année, peu importe la contrepartie, par l’ensemble des membres du foyer fiscal.

Bien entendu, les personnes réalisant sur une année fiscale des cessions pour un montant de plus de 305 euros seront imposées sur l’ensemble des cessions, y compris celles inférieures à 305 euros.

C. Taux d’imposition.

Les plus-values réalisées par le spéculateur à titre occasionnel sur la cession de crypto-monnaies sont imposées, en application des articles 150 VH Bis et 200 C du CGI, au prélèvement forfaitaire unique. Elles sont donc imposées à l’impôt sur le revenu à hauteur de 12,8%, et aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à hauteur de 17,2%.

Le taux global d’imposition pour ces plus-values est donc de 30%. Cela tranche avec la solution qui avait été retenue antérieurement à l’instauration de ces articles pour les plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2019. Ces plus-values étaient alors imposées comme des biens meubles incorporels, avec application des abattements pour durée de détention.

D. Déclaration des plus-values.

Les obligations déclaratives afférentes aux plus-values de cession de crypto actifs ont été précisées par le décret du 27 juin 2019 n°2019-656. L’impôt est dû par la personne physique qui réalise les opérations concernées, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une personne interposée (telle un broker).

Il est donc nécessaire de porter sur la déclaration annuelle de revenus le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année.

En cas de cessions réalisées directement par le contribuable, l’article 41 duovicies J de l’annexe III du CGI précise les différents éléments devant apparaître dans une annexe à la déclaration annuelle de revenus (formulaire n°2086) : prix de cession, prix total d’acquisition du portefeuille, le montant éventuel des soultes, la valeur globale du portefeuille d’actifs numériques au moment de la cession, et le montant de la plus ou moins-value réalisée).

En somme, l’ensemble des plus et moins-values réalisées au cours d’une année d’imposition doivent être déclarées dans cette annexe.

En cas de cessions réalisées par l’intermédiaire d’une personne interposée, il ne devra être mentionné sur ladite annexe que la quote-part de la plus ou moins-value correspondant aux droits telle que déclarée par la personne interposée sur le formulaire n° 2087.

En revanche, les échanges de crypto actifs avec soulte, dont la plus-value est placée en sursis d’imposition, ne sont pas soumis à déclaration.

E. Déclarations de comptes d’actifs numériques détenus à l’étranger.

Enfin, il est impératif de ne pas oublier de déclarer, en parallèle de la déclaration annuelle de revenus, les comptes d’actifs numériques détenus auprès d’entreprises ou institutions établies l’étranger. Cette situation peut se retrouver très fréquemment, du fait de la grande diversité des brokers étrangers existant sur le marché (Coinbase, Bitfinex, Kraken, Bittrex, ou encore Bitstamp).

Plus précisément, ce sont les références de ces comptes d’actifs qui doivent faire l’objet d’une déclaration. Une déclaration n°3919 sera donc à effectuer par les investisseurs.

L’absence de déclaration est sanctionnée d’une amende de 750 euros par compte non déclaré, ou 125 euros par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 euros par déclaration, étant précisé que ces sommes sont majorées lorsque la valeur du portefeuille dépasse les 50 000 euros en cours d’année.

En somme, la fiscalité des plus-values de cession de crypto-monnaies s’adapte à cet actif nouveau et difficile à appréhender juridiquement. Des difficultés peuvent donc surgir pour les contribuables investisseurs en cette période déclarative. Il convient donc d’être particulièrement vigilant, les sommes en jeu pouvant atteindre des montants très importants.

Alex Ajroud Chetioui AAC Avocat Avocat Fiscaliste - Barreau de Bastia
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