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Le délai pour remplacer un salarié licencié à cause de son absence. Par Cécile Villié, Avocat.
Parution : mardi 27 avril 2021
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6 mois pour remplacer une directrice absente depuis sept mois est un délai raisonnable !

La Cour de cassation confirme qu’un délai de 6 mois entre le licenciement d’une salariée absente de manière prolongée pour maladie et son remplacement est raisonnable.

Le principe est l’interdiction de licencier un salarié en raison de son état de santé [1].

Néanmoins, il est possible de licencier un salarié absent pour maladie lorsque cette absence entraine une perturbation objective de l’entreprise nécessitant un remplacement définitif [2]. Dans ce cas, le motif du licenciement n’est pas la maladie, mais le trouble objectif causé à l’entreprise.

Pour être valable, le licenciement doit respecter trois conditions cumulatives :
- le délai éventuellement fixé par la convention collective application ;
- le fonctionnement de l’entreprise doit être objectivement perturbé ;
- procéder au remplacement définitif du salarié absent dans un délai raisonnable.

C’est sur cette dernière condition que porte l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 24 mars 2021 [3].

En l’espèce, une salariée occupant le poste de directrice d’une association, absente pour maladie était licenciée sept mois après le début de sa maladie. La Cour d’appel de Paris avait considéré que ce licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.

La salariée formait alors un pourvoi en cassation afin de faire valoir que l’embauche définitive de son remplaçant avait eu lieu six mois après son licenciement. Elle considérait alors que ce délai n’était pas raisonnable, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel en jugeant que :

« C’est par une appréciation souveraine que la cour d’appel, tenant compte des démarches immédiatement engagées par l’employeur en vue d’un recrutement et de l’importance du poste de directeur, a estimé que le remplacement de l’intéressée était intervenu dans un délai raisonnable ».

Cette décision réaffirme une nouvelle fois l’obligation de procéder au remplacement définitif du salarié absent dans un délai raisonnable. Cette décision permet également d’éclairer l’appréciation de ce délai raisonnable.

- Le délai raisonnable est apprécié par les juges du fond.

La Cour de cassation affirme que l’appréciation du délai raisonnable est réalisée souverainement par les juges du fond. Ainsi, la Cour de cassation n’exerce qu’un contrôle restreint en cette matière. Preuve en est qu’elle ne reprend pas les faits d’espèce dans sa décision.

Aucune interrogation ne subsiste sur cette question : la Cour de cassation ne jugera pas les faits.

- Le délai raisonnable est apprécié en fonction du poste à pourvoir et des démarches effectuées en vue d’un recrutement.

Certes, l’appréciation du délai raisonnable est réalisée souverainement par les juges du fond, néanmoins ces derniers doivent prendre en compte plusieurs indices. Ils doivent prendre en compte :
- les spécificités de l’entreprise ;
- les démarches effectuées par l’entreprise en vue de procéder à l’embauche définitive du remplaçant ;
- l’importance du poste vacant.

En l’occurrence, la salariée licenciée était directrice de l’association. Il s’agissait donc d’un poste d’une grande importance.

De plus, les juges du fond relèvent qu’après le licenciement, l’association avait immédiatement engagé des démarches de recrutement.
Ils concluaient alors que le délai était raisonnable.

Cependant, le remplacement d’un salarié secrétaire administratif six mois après son licenciement n’est pas un délai raisonnable [4].

En conclusion, il semblerait qu’un délai si long ne peut être jugé raisonnable que lorsque le salarié licencié occupait un poste à haute importance nécessitant un processus de recrutement assez rigoureux.

Cécile Villié avocat - droit du travail www.villie-avocat.com [->contact@villie-avocat.com]

[1Article L1132-1 du Code du travail.

[2Cass. soc., 22 octobre 1991, n°90-41.387 ; Cass. soc., 29 juin 2011, n°10-11.052.

[319-13.188.

[4Cass. soc., 9 mai 1989, n°88-40.036.