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[Espagne] Le registre des rémunérations et son contrôle. Par Luis San José Gras, Avocat.
Parution : mercredi 28 avril 2021
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Autre exigence pesant sur les entreprises et pouvant entraîner des sanctions dans ce cas précis.

Les exigences et obligations que nos législateurs imposent à nos entreprises sont de plus en plus nombreuses. Il semblerait que l’ensemble des mesures publiées durant l’époque de la covid n’ait pas suffi, et ils imposent à nouveau davantage de charge de travail aux entrepreneurs, suite à la publication du décret royal 902/2020, du 13 octobre 2020, relatif à l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes, qui est entré en vigueur le 14 avril 2021. Il fixe, pour toutes les entreprises, une obligation de tenir un registre des salaires (rémunérations), même si cette obligation existait depuis le 8 mars 2019, et impose, uniquement aux entreprises ayant mis en place un programme d’action en matière d’égalité, l’obligation de procéder à un audit des rémunérations, laquelle est entrée en vigueur le 14 avril 2021.

Ce décret a pour objectif, d’une part de mettre en œuvre l’article 28 du texte refondu du statut des travailleurs (ST) - Registre des rémunérations ou des salaires -, et d’autre part, d’imposer aux entreprises ayant mis en œuvre un plan d’action pour l’égalité ou celles ayant l’obligation de le créer, l’obligation d’auditer les rémunérations versées à leur personnel.

Registre des rémunérations ou salaires.

Le décret royal fixe des mesures pour rendre effectif le droit à l’égalité de traitement et à la non-discrimination entre les hommes et les femmes en matière de salaires, en mettant en œuvre des mécanismes permettant d’identifier et de corriger les discriminations dans ce domaine, mais également pour lutter contre de telles discriminations en créant les conditions nécessaires à cet effet.

Cette réglementation concerne les relations de travail régies par le Statut des travailleurs. Il s’appliquera donc à toutes les relations de travail communes et spéciales.

Ainsi, l’article 28.2 du ST (sa modification est entrée en vigueur le 08/03/19) stipule que toutes les entreprises doivent tenir un registre des rémunérations de tout son personnel, y compris des cadres et des hauts responsables. Dans un tel cas, je considère que les salaires des administrateurs ou des membres du Conseil d’administration ne doivent pas être inscrits à ce registre, compte tenu de l’exclusion prévue à l’article 1.3 du ST concernant les administrateurs ou membres des organes d’administration dans les entreprises ayant adopté le régime juridique de société, et dès lors que leur activité dans l’entreprise porte uniquement sur l’exécution des tâches inhérentes à leur charge. L’objectif de ce registre est de garantir la transparence dans l’organisation des salaires, de manière fidèle et actualisée, permettant d’accéder correctement aux informations relatives aux rémunérations versées dans les entreprises, indépendamment de leur taille, en élaborant la documentation relative aux données moyennes et détaillées.

Ainsi, ce registre doit inclure les valeurs moyennes des salaires, des primes de salaire et rémunérations non salariales du personnel, ventilées par sexe et réparties conformément aux dispositions de l’article 28.2 du ST.

Comment faire ? Pour créer ce registre des rémunérations, nous devons indiquer la moyenne arithmétique et la médiane, ventilées par sexe, de ce qui a réellement été perçu, de manière brute et annuelle, pour chacun des concepts et chaque groupe professionnel, catégorie professionnelle, niveau, poste de travail où tout autre système de classification applicable et intégré dans l’entreprise. Ces informations doivent également être ventilées eu égard à la nature de la rémunération, comprenant le salaire de base, chacune des primes et des rémunérations non salariales, en précisant chaque rémunération de manière différenciée.

La norme précise, concernant l’accès à ce registre des rémunérations par les employés, qu’en l’absence de représentation légale des travailleurs, les informations susceptibles d’être fournies ne concerneront pas les données moyennes relatives aux montants effectifs des rémunérations inscrites à ce registre, mais uniquement les différences en pourcentage au niveau des rémunérations moyennes des hommes et des femmes, ventilées en fonction de la nature de la rémunération et du système de classification applicable.

Si l’entreprise est dotée de représentants légaux des travailleurs, l’accès au registre des rémunérations ne peut se faire que par leur intermédiaire, lesquels étant en effet autorisés à en connaître le contenu intégral.

Il faut tenir compte du fait que les représentants légaux des salariés doivent être consultés au minimum dix jours avant la création du registre des rémunérations, et dans ce même délai concernant leurs modifications ultérieures.

Mais quelle période devons-nous référencer dans le registre ? Dans ce cas, la référence utilisée sera celle de l’année civile (du 1er janvier au 31 décembre), sous réserve des modifications nécessaires en cas de variations ou d’altérations substantielles d’un des éléments du registre. Dans un tel cas, je considère que le législateur souhaite qu’un tel registre soit mis à jour mensuellement étant donné qu’à chaque variation, même minimum, ce registre sera modifié pour chaque paiement de salaire, à l’exception des entreprises n’apportant pas de variations aux salaires et conservant le même personnel ainsi que le même nombre d’employé(e)s.

Quel doit être la forme de ce registre ?

En vertu de l’article 5.5 du DR 902/2020, l’entreprise pourra utiliser le format proposé sur les pages Web officielles du ministère du Travail et de l’Économie sociale, et du ministère de l’Égalité.

Pour clore ce paragraphe, sachons qu’il existe une obligation supplémentaire pour les entreprises de moins de 50 employé(e)s, si ce registre des rémunérations ayant été créé affiche une différence de 25% ou plus des moyennes des rémunérations versées aux femmes par rapport aux hommes, concernant la masse salariale, ou la moyenne des rémunérations versées : l’entreprise doit alors démontrer que cette différence répond à des motifs autres que le sexe des employé(e)s.

En résumé, le registre doit inclure toutes les rémunérations versées aux employé(e)s, à titre salarial ou non salarial, en différenciant le sexe, la qualification professionnelle et la composition du salaire :
- Primes de salaire,
- Rémunérations non salariales.

Et ceci en détaillant chaque rémunération séparément, et en indiquant les informations relatives aux rémunérations réparties par groupes professionnels, catégories professionnelles ou postes de travail similaires ou d’une valeur égale, dans la mesure où plus les informations sont détaillées, plus il sera facile d’effectuer des comparaisons, d’identifier les causes de l’écart des salaires et de pouvoir rechercher des mesures correctrices.

Après avoir obtenu ces données, nous devons chercher et refléter uniquement les moyennes arithmétiques et les médianes des rémunérations perçues par les employé(e)s. La médiane, quant à elle, est le numéro situé au milieu du nombre de personnes. Par conséquent, si un groupe professionnel comprend dix personnes, le nombre à refléter correspond au numéro cinq.

L’audit des rémunérations.

Les entreprises créant un plan d’action pour l’égalité (qu’elles y soient contraintes ou non) doivent y inclure un audit des rémunérations. Cette obligation concerne donc uniquement les plans d’action pour l’égalité que les entreprises ont déjà mise en place, qu’elles ont l’obligation de créer ou dont elles sont dépourvues, mais qui entendent mettre en place ce plan d’action pour l’égalité.

Force est de rappeler que le caractère obligatoire de la création du plan d’action pour l’égalité concerne les entreprises de 50 employé(e)s ou plus, bien qu’existe une période transitoire qui, rappelons-le, concerne les :
- Entreprises embauchant entre 150 et 250 employé(e)s au 8 mars 2020, lesquelles ont l’obligation de posséder un plan d’action pour l’égalité,
- Entreprises embauchant entre 100 et 150 employé(e)s, à partir du 8 mars 2021,
- Entreprises embauchant entre 50 et 100 employé(e)s, à partir du 8 mars 2022.

Or, le concept d’audit des rémunérations s’adresse aux entreprises qui élaborent un plan d’action pour l’égalité, comprenant un contrôle des rémunérations. Il vise à obtenir les informations nécessaires pour vérifier, de manière transversale et complète, si le système des rémunérations de l’entreprise est conforme à l’application effective du principe d’égalité entre les hommes et les femmes en matière de salaires. En outre, il doit permettre de définir les besoins requis pour éviter, corriger et prévenir des obstacles ou difficultés présents ou futurs, en vue de garantir l’égalité des salaires et d’assurer la transparence ainsi que le suivi de ce système de rémunérations.

Sa durée sera la même que celle détaillée dans le plan d’action pour l’égalité, à moins qu’une durée inférieure soit prévue pour cette rubrique.

Contenu : l’audit requiert un travail analytique préalable lié aux registres des rémunérations que l’entreprise doit obligatoirement posséder, en vue de leur analyse et de leur mise en œuvre, afin de pouvoir effectuer un diagnostic des différents éléments que nous développerons ci-dessous.

Or, l’article 8 du DR 902/2020 stipule que l’audit des rémunérations implique une kyrielle d’obligations pour l’entreprise :

L’évaluation des postes de travail, selon l’article 4 de ce même DR, en vertu duquel le registre des rémunérations précise déjà la différenciation de la nature des fonctions et des tâches incombant aux employé(e)s, leurs qualifications, c’est-à-dire leurs diplômes, les circonstances professionnelles et leurs formations, et pour finir, les conditions de travail pour l’exercice de leur activité. Ainsi, l’évaluation des postes de travail vise à effectuer une estimation globale de tous les facteurs entourant ou susceptibles d’affecter un poste de travail, et afin que cette évaluation puisse déterminer une ponctuation ou une valeur numérique le concernant. L’évaluation doit porter sur chacune des tâches et fonctions de chaque poste de travail au sein de l’entreprise.

Il faut également considérer l’importance d’autres facteurs à l’origine de la différence de salaire, ainsi que les éventuelles déficiences ou inégalités qui peuvent être constatées dans l’élaboration ou l’utilisation des mesures de conciliation et coresponsabilité dans l’entreprise, ou des difficultés des employé(e)s dans la promotion professionnelle ou économique résultant d’autres facteurs tels que les actions discrétionnaires des entreprises.

Un plan d’action doit donc être élaboré pour corriger les inégalités de salaires, en déterminant les objectifs et les actions concrètes, en élaborant un calendrier et en désignant la ou les personnes chargées de sa mise en place et de son suivi.

Force est de considérer que l’Institut de la femme et pour l’égalité des chances, en collaboration avec les organisations syndicales et entrepreneuriales les plus représentatives, créera un guide technique comportant des indicateurs pour auditer les rémunérations eu égard au sexe.

Egalement pour l’évaluation des postes de travail, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur du DR 902/2020 (expire le 14/04/21), une procédure d’évaluation des postes de travail sera approuvée sur ordre donné suite à la proposition conjointe du ministère du Travail et de l’Economie sociale et du ministère de l’Égalité.

Les sanctions infligées en cas d’infractions constituées en raison d’une absence de registre des rémunérations.

Le décret royal 6/2019, du 1er mars 2019, relatif aux mesures urgentes visant à garantir l’égalité de traitement et des chances entre les hommes et les femmes concernant le travail et l’emploi, qualifie, à l’article 7.13 de la loi sur les infractions et les sanctions d’ordre social (LISOS), d’infraction grave le manquement à l’obligation de tenir un registre des rémunérations. La sanction oscille globalement entre un degré minimum de 626 euros et un degré maximum de 6 250 euros.

L’entreprise tenant un registre des rémunérations peut également être sanctionnée en cas de registres erronés ou incomplets, mais également si elle ne respecte pas le devoir consistant à faciliter l’accès, au registre des rémunérations, aux représentants juridiques des employé(e)s de l’entreprise, si elle s’abstient de fournir ce registre ou l’audit à la commission de négociation du plan d’action pour l’égalité, et également si elle ne respecte pas le préavis obligatoire de minimum dix jours pour que les représentants des travailleurs puissent avoir accès à l’élaboration du registre des rémunérations.

Rappelons que : le caractère obligatoire des plans d’action pour l’égalité, ainsi que du registre des rémunérations et son audit. Dans ce cas, pour l’exercice 2021, les entreprises ayant l’obligation de posséder un plan d’égalité, lequel entrera en vigueur le 8 mars 2021, sont celles embauchant entre 100 et 150 employé(e)s.

Luis San José Gras, avocat associé droit du travail. AGM Avocats - Abogado