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Panneaux photovoltaïques : l’indépendance énergétique peut-elle être promise ? Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : mercredi 28 avril 2021
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Les sociétés éco-délinquantes ne tarissent pas d’idées : depuis 2020, elles promettent aux consommateurs d’être énergétiquement indépendants. Un jugement du 06 avril 2021 du Tribunal judiciaire de Maubeuge permet d’illustrer la question.

I. Résumé des faits.

En mai 2016, une société proposant des solutions d’énergies renouvelables [1] démarche un particulier à son domicile, afin de lui proposer d’installer des panneaux photovoltaïques sur sa toiture.

La société promet que ces panneaux lui permettront de couvrir ses besoins personnels en électricité et que l’énergie inutilisée pourra être revendue à EDF.

Cette acquisition s’élevant à la somme de 25 900€, la société a convaincu son client de souscrire un crédit à la consommation auprès de Cetelem.

En juin 20216, la société a exécuté les travaux.

Le 13 décembre 2018, la société a déposé le bilan... laissant son client avec une installation inefficace, faute d’économies d’énergie...

En effet, les panneaux ne fonctionnent pas, ce qui signifie que l’acquéreur a enrichi le vendeur et la banque, étant qu’il doit rembourser le crédit.

Aussi, l’acquéreur a saisi le tribunal judiciaire de Maubeuge en résolution de la vente et du crédit qui, par jugement du 06 avril 2021, lui a donné gain de cause.

II. Motivation du jugement du Tribunal Judiciaire.

A. Rappel des règles en vigueur lors des faits.

Jusqu’au 1er octobre 2016, le droit des contrats n’avait pas encore été réformé. De fait, dans la présente affaire, les anciens articles du Code civil s’appliquaient.

Ainsi, lors de la signature du contrat de vente, l’ancien article 1134 du Code civil disposait que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

De même, l’ancien article 1187 du Code civil énonçait que :

« Lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien. »

B. Résolution du contrat de vente.

Le bon de commande stipulait que les panneaux photovoltaïques étaient raccordés en "autoconsommation + vente du surplus".

Mieux encore, le bon de commande ajoutait que "vous consommez immédiatement l’électricité produite dont vous avez besoin pour l’utiliser chez vous et vendre le surplus".

Le contrat de vente est donc clair : l’acquéreur doit jouir de l’énergie solaire, cette dernière étant directement injectée dans le réseau domestique de son domicile. Il était également sous-entendu que l’énergie solaire était suffisante pour couvrir les besoins personnels de l’acquéreur, puisque le vendeur s’est engagé à ce que l’énergie surabondante soit revendue à EDF.

Or, il a été démontré durant la procédure que les panneaux ne fonctionnaient pas, l’acquéreur n’autoconsommant pas l’énergie solaire, et n’en revendant pas davantage !

De fait, le tribunal a considéré que l’inexécution contractuelle était suffisamment grave pour que soit prononcée la résolution du contrat de vente.

C. Motifs d’exonération de rembourser le crédit.

Le tribunal a refusé de condamner l’acquéreur-emprunteur de rembourser le crédit, en premier lieu parce que le vendeur est en déconfiture et donc intouchable.

En deuxième lieu, la banque a débloqué le crédit alors qu’au jour de la signature du procès-verbal de réception, le vendeur n’avait pas achevé ses devoirs, ce que le prêteur ne pouvait ignorer.

De fait, l’acquéreur a été privé de son droit de décision envers le contrat de vente. En effet, si le prêteur l’avait informé que, à la date de la signature du procès-verbal de réception, le vendeur n’avait pas achevé ses devoirs, le vendeur aurait pu soit laisser le contrat s’exécuter en connaissance de cause, soit au contraire se rétracter.

Le prêteur ayant privé l’acquéreur de ses droits, il ne peut donc lui réclamer le remboursement du crédit.

De fait, Cetelem s’est vu condamner à rembourser l’acquéreur et a lui rembourser ses frais de justice.

III. Que retenir de cette affaire ?

Outre que l’idée d’indépendance énergétique est chimérique si l’installation photovoltaïque est le fruit d’une société éco-délinquante, lorsque cette indépendance est promise et non atteinte, la résolution de la vente est prononcée.

C’est parfaitement normal, car le vendeur est tenu à un devoir de résultat et doit donc délivrer une installation conforme à sa destination.

Par ailleurs, pour demander la condamnation des emprunteurs à rembourser un crédit, la banque se range généralement derrière des procès-verbaux de réception, pré-imprimés par ses soins et ne rendant pas toujours compte de réalisations complètes par les vendeurs de leurs devoirs.

Or, la banque n’ignore pas (en général) la nature des opérations qu’elle finance dans le cadre d’un contrat accessoire à une vente. De fait, la banque connaissant la consistance des prestations à la charge du vendeur, elle ne peut pas débloquer le crédits lorsqu’elle ne peut ignorer que les installations ne sont pas achevées au regard des dispositions du bon de commande.

Dans ce cas, la banque commet une faute. Cette faute ne la prive pas pour autant d’office de ne pas pouvoir réclamer le remboursement du crédit à l’emprunteur.

En effet, il est nécessaire dans ce cas que cette faute cause un préjudice à l’emprunteur. Tel est le cas, lorsque le vendeur est en faillite et donc intouchable, si bien qu’il est justifié que la banque soit privée de sa créance de restitution des fonds prêtés et condamnée à rembourser son client emprunteur des sommes prélevées en exécution du contrat de crédit.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]

[1Société Immo Confort.