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Pourquoi déposer une marque de l’Union européenne ? Par Julien Lacker, Avocat.
Parution : lundi 3 mai 2021
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Selon les statistiques de l’EUIPO élaborées pour les 25 ans du système des marques de l’Union européenne, depuis les débuts le 1er avril 1996 de la marque de l’Union européenne jusqu’en 2020, les déposants français ont déposé 8 212 marques de l’Union européenne contre 24 976 marques pour les déposants allemands. Les dépôts de marque réalisés par des sociétés et des personnes françaises sont trois fois moins nombreux que ceux réalisés par des Allemands.

La France est en retrait par rapport à d’autres pays tels que l’Italie qui compte 14 005 dépôts de marques de l’Union européenne par ses nationaux ou même par rapport au Royaume-Uni qui compte sur la même période 11 330 dépôts de marques de l’Union européenne par ses nationaux. Le retard de la France est préoccupant et le présent article a pour vocation d’expliquer pourquoi il y a un intérêt à déposer une marque de l’Union européenne.

Une fois la décision de déposer prise on pourra se reporter avec profit à l’article Déposer sa marque à l’INPI ou à l’EUIPO : sept erreurs à ne pas commettre.

Le dépôt d’une marque de l’Union européenne présente de nombreux avantages.

Il s’agit d’un outil qui n’a pas vocation forcément à remplacer le dépôt d’une marque française pour une société française, mais il y a une complémentarité à disposer de droits de propriété intellectuelle variés.

1/ Rapidité, efficacité et prévisibilité du système de marque de l’Union européenne.

Le système de marque de l’Union européenne existe depuis 25 ans et représente une réussite en termes d’efficacité et de rapidité.

Malgré une période d’opposition de trois mois, ce qui est un mois de plus que les deux mois prévus pour les marques françaises, il est possible grâce à l’utilisation de l’option Fastrack d’obtenir un enregistrement de marque de l’Union européenne en moins de 4 mois s’il n’y a ni notification d’irrégularité ni opposition de la part des tiers.

Dans un tel cas, l’obtention d’un enregistrement de marque de l’Union européenne sera plus rapide que pour une marque française.

2/ La marque de l’Union européenne jouit d’un cadre prévisible du fait de nombreuses décisions et de lignes directrices détaillées.

La variété et le nombre de dépôts de marque de l’Union européenne donnent lieu à un grand nombre de décisions tant sur le caractère distinctif que sur la similarité des signes, ce qui permet une grande prévisibilité. Les décisions concernant le refus des marques sont disponibles et facilement accessibles, ce qui n’est pas le cas pour l’INPI.

Concernant les marques de l’Union européenne, la totalité des décisions de refus est disponible en ligne. Contrairement au site de l’INPI, le motif de refus est indiqué sur le site de l’EUIPO. Le futur déposant peut, à travers ces cas passés, avoir une meilleure visibilité de ce qui peut être accepté ou non par l’Office des Marques de l’Union européenne.

De plus, l’Office est lié par ses lignes directrices qui sont très détaillées et qui sont publiées sur son site internet.

3/ Des outils dédiés à la création de marques solides.

Pour réaliser une bonne marque, il faut sélectionner un signe et des produits et services pertinents.

Concernant les signes, l’EUIPO a créé la base de données TMView.

Concernant les produits et services, deux outils complémentaires existent : d’une part, l’outil TMClass qui permet d’effectuer une recherche dans la liste des termes acceptés par l’EUIPO et l’outil « Goods and Services Builder » qui permet de construire à la carte une liste de produits et services dans une liste de termes déjà acceptés. Le « Goods and Services Builder » offre la garantie que les produits et services sélectionnés à travers cet outil seront acceptés par l’EUIPO.

Ces outils [1] offrent la garantie que le dépôt de marque effectué en les utilisant ne donnera pas lieu à une notification d’irrégularité pour une liste de produits et services ne convenant pas car trop vague ou dans une classe incorrecte. C’est source de gain de temps et d’argent.

De plus, les produits et services donnent lieu à une traduction automatisée et évitent les erreurs de traduction pour les produits et services qui ne font pas partie de cette liste déjà traduite. La fiabilité de ces traductions est supérieure et source de sécurité.

4/ Des procédures efficaces et peu chères.

La procédure d’opposition à l’EUIPO est efficace et peu chère. L’existence d’une période de coolling-off et son extension possible offrent aux parties la possibilité de régler de manière amiable un éventuel conflit entre deux marques.

L’EUIPO a mis en place une possibilité d’extension de la coolling-off qui est simple et rapide en permettant de manière automatique l’extension de la période initiale de la coolling-off de 2 mois à 2 ans. Il est toujours possible, une fois la période de coolling-off étendue, d’en sortir si les négociations n’aboutissent pas.

Cette flexibilité procédurale est bien supérieure à celle qui est offerte devant l’INPI où la suspension se borne à l’octroi de deux suspensions de 4 mois dont la durée de chacune des suspensions ou la durée totale ne peut être étendue ou modifiée.

Après l’expiration de la période de coolling-off, il est toujours possible de trouver un accord amiable et de discuter de celui-ci grâce à une suspension de la procédure. La flexibilité de la procédure devant l’EUIPO est donc grande et supérieure à celle existant dans une procédure d’opposition française.

De plus, le prix d’une opposition de marque de l’Union européenne, quel que soit le nombre de fondements, est de 320 euros, ce qui est très faible par rapport au prix d’une opposition devant l’INPI qui est au minimum de 400 euros auquel il faut rajouter 150 euros par fondement supplémentaire.

L’EUIPO propose un système avec un double degré de juridiction interne avec une opposition possible devant la Division d’Opposition de l’EUIPO, puis un appel toujours devant l’EUIPO, devant la Chambre des Recours. Ce système intégré permet un double degré de juridiction et une bonne qualité de décisions à un coût relativement faible et dans le cadre d’une procédure relativement rapide. La prédictibilité des procédures devant l’EUIPO est grande du fait du grand nombre de contentieux et comme déjà indiqué, du grand nombre de décisions rendues et des lignes directrices publiées.

5/ Une étendue géographique favorable au commerce dans l’Union européenne.

La marque de l’Union européenne est un titre de propriété intellectuelle ayant un caractère unitaire. Elle couvre l’ensemble des pays de l’Union européenne et ne peut pas connaître d’exception sur ce point. Soit, elle couvre l’ensemble de l’Union européenne, soit, elle n’existe pas.

Ainsi, un titulaire français de marques de l’Union européenne peut obtenir un titre qui couvre non seulement la France, mais également les autres pays de l’Union européenne si l’intensité est suffisante. Cela n’est donc pas un frein. Le titulaire d’une marque de l’Union européenne peut faire face à une action en déchéance pour non-usage lorsque sa marque a été enregistrée depuis plus de 5 ans. Selon la jurisprudence de l’EUIPO, un usage dans un seul des pays de l’Union européenne peut être suffisant pour prouver l’usage réel et sérieux d’une marque de l’Union européenne.

6/ La marque de l’Union européenne : une marque solide ayant un examen initial renforcé.

Le caractère distinctif de la marque de l’Union européenne est évalué dans l’ensemble des langues des pays de l’Union européenne. L’Office des Marques de l’Union européenne est connu pour être très rigoureux dans l’examen du caractère distinctif des marques qui lui sont soumises. Une marque qui aura été acceptée pour publication aura moins de chances de se faire annuler postérieurement.

En effet, la jurisprudence de l’EUIPO concernant le caractère distinctif est publique et plus cohérente. En effet, l’EUIPO a adopté une procédure collégiale ou plusieurs examinateurs se réunissent pour examiner la validité des marques qui lui sont soumises.

7/ Le faible coût d’une marque de l’Union européenne.

Une marque de l’Union européenne coûte seulement 850 euros pour une classe et 50 euros pour la deuxième classe. Le prix par pays est bien inférieur à un dépôt de marque français.

Devant l’EUIPO, il n’est pas nécessaire de traduire les documents revendiquant la priorité d’une marque antérieure si ces documents sont dans une des langues officielles de l’Union. Ainsi, des documents de priorité en anglais n’auront pas à être traduits. L’EUIPO va même plus loin. Pour les bases de données accessibles, il n’est pas nécessaire de produire la copie conforme du dépôt de marque dont la priorité est revendiquée, l’EUIPO pouvant lui-même consulter ces documents en ligne.

8/ La marque de l’Union européenne offre des outils avancés.

Lorsque l’on dépose une marque de l’Union européenne, il est possible de revendiquer l’ancienneté de marques nationales pour éviter à avoir à renouveler ses marques tout en gardant les droits afférents. La revendication d’ancienneté est une procédure spécifique qui permet de restreindre les coûts de gestion d’un portefeuille de marques importantes sans en diminuer la portée juridique.

De même, l’EUIPO, en cas de rejet fondé sur un motif limité à un pays ou à une langue, permet de convertir en marque nationale une marque de l’Union européenne pour les pays n’étant pas affectés par le motif de refus. Ainsi, le déposant ne perdra pas complètement le bénéfice de la date de dépôt de sa marque de l’Union européenne en effectuant une conversion de son dépôt de marque l’Union européenne en marque nationale.

9/ La compétence réservée du Tribunal Judiciaire de Paris en matière de marque de l’Union européenne.

Lorsque l’on est titulaire d’une marque de l’Union européenne, le Tribunal compétent en France est forcément le Tribunal Judiciaire de Paris.

Cette compétence réservée permet dans une certaine mesure une prédictibilité plus grande puisque la juridiction est une juridiction spécialisée, à savoir la 3ème Chambre du Tribunal Judiciaire qui sera compétente. Même si le Tribunal Judiciaire a récemment refusé de publier ses décisions, cette prédictibilité est aujourd’hui moins grande qu’il y a quelques années, l’ensemble des décisions du Tribunal Judiciaire n’étant plus disponible ou accessible aux professionnels du droit et aux bases de données spécialisées.

Un dépôt de marque de l’Union Européenne est donc un bon choix qui ne doit pas faire négliger le dépôt d’une marque française qui a d’autres atouts [2].

Julien LACKER Avocat Associé
 Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
 Spécialiste en droit des NTIC Agréé par l’INPI pour faire des prédiagnostics Chercheur associé au CERDI (Centre d’Études et de Recherche en Droit de l’Immatériel) Chargé de cours de droit des marques et de droit de l’internet à l'Université de Paris Saclay et à l'Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication (Sorbonne Université). Médiateur diplômé GOMIS & LACKER AVOCATS AARPI
 www.gomis-lacker.fr

[1Voir notre article « Les outils pour un bon dépôt de marque de l’Union Européenne à l’EUIPO » http://www.gomis-lacker.fr/depot-marque-europe-euipo

[2Voir notre article « Le dépôt de marque à l’INPI » https://consultation.avocat.fr/blog/julien-lacker/article-25742-le-depot-de-marque-inpi.html.

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