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La protection contre les corruptions au sein l’industrie pharmaceutique : la loi anti-cadeaux. Par Julien Damay, Avocat.
Parution : mercredi 5 mai 2021
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En France, des lois dites « anti-cadeaux » encadrent les dons, avantages, convention, ou encore les rémunérations entre l’industrie pharmaceutique et les professionnels de santé.

A l’origine, en 1993, la loi dite « Bérégovoy », première loi « anti-cadeaux », avait une visée économique mais n’était pas restreinte au domaine de la santé. Cette loi a été renforcée par la loi Bertrand de 2011. Cette loi a mis en place la publication des avantages accordés. Une ordonnance de janvier 2017 et plusieurs décrets et arrêtés de 2020 ont encore étoffé le dispositif.

Le principe est posé à l’article L1453-3 du Code de la santé publique qui dispose que :

« Est interdit le fait, pour les personnes mentionnées à l’article L1453-4, de recevoir des avantages en espèces ou en nature, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, proposés ou procurés par les personnes mentionnées à l’article L1453-5 ».

La loi pose donc un principe général d’interdiction de tout avantage à destination des professionnels de santé.

Il convient donc d’identifier les personnes visées par l’interdiction (I), ainsi que les avantages concernées (II), avant de se consacrer aux dérogations de la loi anti cadeaux (III).

La loi anti-cadeaux vise à la fois les « donateurs » des cadeaux ou avantages, et les « donataires », personnes physiques ou personnes morales.

Concernant tout d’abord les personnes interdites de recevoir des avantages, elles sont visées par l’article L1453-4 du Code de la santé publique.

Le texte vise tous ceux dont la profession est réglementée par le code de la santé publique ainsi que les professionnels de santé au sens large. Ainsi sont concernés les ostéopathes, les chiropracteurs et les psychothérapeutes et les personnes en formation initiale ou continue se destinant à l’exercice d’une de ces professions.

Le texte vise également les associations de professionnels de santé ou d’étudiant.

Il concerne enfin les fonctionnaires et agents des administrations de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ou de toute autre autorité administrative qui élaborent ou participent à l’élaboration d’une politique publique en matière de santé ou de sécurité sociale ou sont titulaires de pouvoirs de police administrative à caractère sanitaire.

Concernant ensuite les personnes ou entreprises interdites de proposer ou procurer des avantages, elles sont mentionnées à l’article L1453-5 du code de la santé publique.

Il s’agit de toute personne assurant des prestations de santé, ou produisant ou commercialisant des produits faisant l’objet d’une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale, ou des produits à finalité sanitaire prévue par l’article L5311-1 du code de la santé publique. Sont ainsi exclus les tatouages, les lentilles oculaires non correctrice et les produits cosmétiques.

Le texte englobe donc les personnes produisant ou commercialisant des médicaments, des huiles essentielles et plantes médicinales, des contraceptifs, des dispositifs médicaux, des logiciels utilisés par les laboratoires de biologie médicale ou les logiciels d’aide à la prescription/dispensation, etc.

Un décret en date du 15 juin 2020 est venu déterminer qui étaient les « personnes qui assurent des prestations de santé ». Ce sont celles qui :
- « Exercent une activité relevant d’un régime d’autorisation, d’agrément, d’habilitation ou de déclaration prévu à la sixième partie » du CSP ;
- « Exercent une activité relevant d’un régime d’autorisation ou d’agrément par l’ARS et prévu au livre III du code l’action sociale et des familles » ;
- « Assurent une prestation de service prise en charge soit par les régimes obligatoires de sécurité sociale au titre de l’assurance maladie, de l’assurance invalidité ou de l’assurance maternité, […] ».

II. Les avantages concernés.

Deux listes sont établies aux articles L1453-6 et L1453-7 du code de la santé publique.

La première liste vise ce qui n’est pas considéré comme étant un avantage. On y trouve La rémunération, l’indemnisation et le défraiement d’activités prévues par un contrat de travail ou un contrat d’exercice, les produits de l’exploitation ou de la cession des droits de propriété intellectuelle relatifs à un produit de santé, les avantages commerciaux consentis aux officines (promotions par exemple).

Mais surtout, on y trouve la notion d’avantages en espèce ou en nature de valeur négligeable. Deux arrêtés du 7 août 2020 ont fixé le seuil de l’« avantage négligeable » visés par le décret.

Ainsi, un avantage à valeur négligeable est un avantage inférieur à 30 euros dans la limite de deux par année civile, par professionnel de santé et par entreprise. Il peut s’agir de repas, ou de livres, incluant les abonnements dans la limite de 150 euros par année civile. Il peut également s’agir d’échantillon de produits de santé à finalité sanitaire ou exemplaire de démonstration : 20 euros dans la limite de trois par année civile.

La seconde vise les dérogations possibles.

III. Les dérogations à la loi anti-cadeaux.

Les avantages en nature ou en espèce peuvent parfois bénéficier d’une dérogation. Il peut s’agir :
- Des dons et libéralités, en espèces ou en nature, destinés à financer exclusivement des activités de recherche, de valorisation de la recherche ou d’évaluation scientifique ;
- De l’hospitalité offerte de manière directe ou indirecte, lors de manifestation à caractère exclusivement professionnel ou scientifique, ou lors de manifestations de promotion des produits ou prestations, organisées par les entreprises de santé, à destination des professionnels de santé au sens large, dès lors que cette hospitalité est raisonnable, strictement limitée à l’objectif principal de la manifestation et qu’elle n’est pas étendue à des personnes autres que les professionnels de santé ;
- Le financement ou la participation au financement d’actions de formation professionnelle ou de développement professionnel continu ;
- La rémunération par exemple de prestation de service, de conseil ou encore de promotion commerciale.

Ces dérogations ne sont pas applicables aux fonctionnaires.

Cette dérogation est soumise à une procédure particulière, il y a trois distinctions à faire :
- Les avantages considérés comme étant de valeurs négligeables ne sont soumis à aucune démarche,
- Les avantages non négligeables, en dessous d’un seuil fixé un des arrêtés du 7 août 2020 sont soumis à une simple déclaration,
- Les avantages non négligeables, au-dessus du seuil fixé par l’arrêté sont soumis à un régime d’autorisation.

Le décret de juin 2020 auquel il convient de se référer fixe de très nombreux seuils.

A titre d’exemple, concernant les dons et libéralités pour le compte des professions médicales finançant exclusivement la recherche ou l’évaluation scientifique, le seuil d’autorisation est fixé à 5 000 euros. Pour les sommes inférieures, une simple déclaration suffit. Néanmoins, lorsque ces dons et libéralités concernent les étudiants, le seuil est fixé à 1 000 euros.

Les conventions soumises à déclaration doivent être transmises huit jours avant la date d’octroi des avantages. Le dépôt du dossier se fait auprès du Conseil de l’Ordre pour les professionnels de santé avec ordre ou auprès de l’ARS pour les professionnels de santé sans ordre.

Quant aux conventions soumises à autorisation, le dossier doit être déposé au plus tard deux mois avant la date d’octroi des avantages ou trois semaines en cas d’urgence. L’ordre ou l’ARS disposent de deux mois pour étudier le dossier : l’absence de réponse dans ce délai équivaut à une autorisation de l’opération. En cas de refus, l’entreprise peut faire appel et modifier la convention et l’ordre ou l’ARS dispose de deux semaines pour répondre (une en cas d’urgence). En l’absence de réponse, l’opération est acceptée.

Me Julien Damay Spécialiste en droit du travail 42 rue de la Préfecture 21000 DIJON https://www.damay-avocats.fr/