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[Maroc] Les répercussions du Coronavirus sur la relation de travail et la sécurité sociale. Par Abidin Elbahllouli, Juriste.
Parution : mercredi 5 mai 2021
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La pandémie de COVID-19 a engendré des effets spectaculaires dans le domaine de l’emploi, sur les moyens de subsistance et le bien-être des travailleurs, ainsi que sur les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises. Ces problèmes touchent de manière disproportionnée les personnes qui se trouvaient déjà dans une situation précaire, vulnérable et qui sont le moins en mesure de supporter cette crise. Les conséquences de cette situation varient considérablement d’un domaine et d’un pays à l’autre, principalement en fonction des efforts fournis des politiques publiques d’aide préexistantes.

La pandémie qui sévit actuellement sur le monde et bien entendu sur notre pays également n’a pas cessé de perturber l’ensemble des acteurs : États, organisations, entreprises et citoyens sont désemparés et désorientés tellement l’évènement était brusque et inattendu pour s’y préparer et aux conséquences si lourdes, que les mesures de riposte s’avèrent complexes et difficiles. Tandis que dans certains secteurs, des entreprises ont réussi à maintenir leurs activités, ouvrant la voie à des innovations passionnantes dans le monde du travail, des millions de travailleurs ont perdu leurs moyens de subsistance et beaucoup d’autres restent menacés à cet égard, en particulier les femmes, qui sont surreprésentées dans les secteurs les plus exposés à la crise. Dans le même temps, la crise actuelle montre à quel point les économies et les marchés du travail dépendent les uns des autres. Cette interdépendance devrait être redéfinie à l’avenir de manière à rendre le monde plus inclusif et plus durable pour tous.

Le droit social, comme d’autres branches du droit, se trouve chamboulé par la crise sanitaire actuelle. Ces bouleversements résultent de la situation même de confinement imposée depuis le 23 Mars dernier par le décret n°2.20.293 du 24.03.2020 et de la mise en place d’une réglementation spécifique d’urgence. Parmi les solutions adoptées par les États on trouve le confinement sanitaire pour lutter contre la contamination et prolongation. Et, en se basant sur cette stratégie la période du confinement, tout en remarquant que cette mesure sanitaire a impacté considérablement l’emploi et a, en conséquence, accru le chômage. La nécessité de protéger l’économie nationale et les salariés en raison de la spécificité de leur statut protecteur et de certaines mesures anticipées par les pouvoirs publics. Un ensemble de dispositifs a été mis en place notamment ceux relatifs aux obligations d’ordre contractuel en matière de travail et de la sécurité sociale. A cet effet, La déclaration de l’état d’urgence sanitaire au Maroc a engendré un certain nombre de questions concernant la poursuite des relations de travail pendant la durée de l’état d’urgence dans le secteur formel ou l’informel, de même la sécurité sociale s’impose aux entreprises. Alors, dans quelle mesure la crise actuelle montre à quel point les économies et les marchés du travail dépendent les uns des autres ? Pour répondre à cette problématique dans une analyse pertinente, il semble nécessaire de s’arrêter dans un premier lieu sur les répercussions du Coronavirus- Covid 19 sur la relation de travail (I), afin d’invoquer dans un second lieu les répercussions du Coronavirus- Covid 19 sur la sécurité sociale (II).

I. Les répercussions majeures du Coronavirus- Covid 19 sur la relation de travail.

Plusieurs dispositions prévues dans le Code du travail sont susceptibles de contribuer à la gestion des situations de crises exceptionnelles et passagères et ce, dans le but de la pérennité de l’activité économique et de la sauvegarde des emplois. Parmi ces innovations on trouve la formation à distance et le télétravail. La crise de la COVID-19 a également accéléré certaines tendances, en particulier la numérisation et le passage au travail à distance, laissant parfois présager un avenir prometteur de plus grande flexibilité et de durabilité.

Pour les organismes de formation, le principe est de privilégier le maintien de l’activité lorsque les formations peuvent se poursuivre par un enseignement à distance et donc le maintien du financement de la prestation par leur financeur. Il est à remarquer que l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail OFPPT a un grand rôle à jouer au niveau de l’application de la formation à distance. Un bilan du dispositif de formation à distance lancé, dans le cadre des mesures de prévention contre le « coronavirus/covid-19 », a révélé des statistiques importantes : 8 836 classes virtuelles ont été créées et 83 356 séances de formation à distance, totalisant un taux d’horaires important (228 946 heures ont été réalisées à la date du 07 avril), selon un bilan d’étape de l’OFPPT.
La loi n° 60-17 sur la formation continue prévoit l’accompagnement par l’OFPPT des entreprises. Ainsi cet office demeure fournisseur de diverses formes de soutien et d’assistance technique, pour permettre aux entreprises de faire bénéficier leurs salariés des programmes et actions de formation, en l’occurrence, la formation à distance.

Il est évident de préciser qu’au fur et à mesure de l’évolution de cette crise sanitaire du Covid-19, plusieurs entreprises sont obligées de fermer temporairement compte tenu de certaines décisions des autorités visant à limiter la propagation du coronavirus.
Les décideurs politiques ont réagi de manière forte face à la Covid-19, prenant les mesures nécessaires pour ralentir la propagation du virus et pour sauver et protéger des vies. Ainsi, le télétravail a été mis en place depuis quelques semaines au sein des entreprises qui peuvent le faire. Un rapport officiel a caractérisé le télétravail par trois éléments, à savoir ; la distance, l’absence de surveillance physique du donneur d’ordre et l’utilisation d’outil informatique ou de télécommunication pour effectuer la prestation Le ministre de l’économie, des finances et la réforme de l’administration a instauré cette forme de travail par une circulaire. Sur le terrain, l’administration publique est, en période de confinement, au ralenti. Elle tourne avec 30 à 50 % de ses effectifs. La priorité est donnée au travail à distance, et, à la continuité du service public.

Le Ministère du Travail a ainsi précisé dans le Guide Explicatif que les Employeurs sont autorisés à « faire travailler les salariés depuis leurs domiciles, à condition de respecter les mesures d’hygiène et de sécurité prévues par le décret n ° 262.12.2 du 10 juillet 2012 et de disposer d’une assurance contre les accidents de travail qui couvre le salarié, conformément aux dispositions de la loi n ° 12.18. Cet accord ainsi conclu entre les deux parties, ne peut en aucun cas, affecter les avantages acquis précédemment avant le recours à ce mode de travail ».

II. Les répercussions majeures du coronavirus sur la sécurité et la protection sociale.

La protection sociale, ou la sécurité sociale est un droit humain. Elle se définit par un ensemble de politiques et de programmes visant à réduire et à prévenir la pauvreté et la vulnérabilité tout au long du cycle de vie.
La protection sociale inclut les prestations à l’enfance et aux familles, les prestations de maternité, de chômage, d’accident de travail, et de maladies professionnelles de maladies, d’invalidité, prestations eux survivants. Les systèmes de sécurité et de la protection sociale couvrent tous ces domaines grâce à une combinaison de régimes contributifs assurance sociale, et non contributifs financés par l’impôt.
Le champ de la sécurité sociale s’est étendu, en cette période de « coronavirus /covid-19 », à toutes les entreprises industrielles, commerciales et artisanales y compris les administrations publiques. Les chefs d’entreprise ont l’obligation de prendre les mesures de précaution nécessaires pour éviter notamment la propagation du « coronavirus ». Dans ce volet, ils doivent fournir des masques de protection à leurs salariés, et veiller à la mise en œuvre des différentes recommandations relatives à la sécurité en milieu professionnel émises par communiqué du ministère de la Santé dans le cadre de la lutte contre le « coronavirus ». S’assurer de la propreté des lieux et des outils de travail ainsi que de l’aération des espaces de travail, mais aussi de garantir la disponibilité des équipements et produits de stérilisation et de sensibiliser les employés aux mesures de protection contre la « Covid-19 ».

En matière sociale, la propagation de la pandémie et la durée du confinement ont entrainé une suspension provisoire du contrat de travail et en vertu de la loi n° 25.20 relatives aux mesures exceptionnelles en faveur des employeurs affiliés à la CNSS et de leurs employés déclarés, impactés par les répercussions de la propagation du « coronavirus /Covid-19 », des indemnités sont accordées aux personnes salariées durant l’arrêt temporaire du travail.
En ce qui concerne l’indemnité des salariés en arrêt temporaire de travail, des conditions en ce qui concerne l’employeur sont prévues :
- Être en arrêt total d’activité suite à une décision administrative prise à cause de la pandémie COVID-19,
- Avoir subi une baisse nette du chiffre d’affaires d’au moins de 50% au titre des mois d’avril, mai et juin 2020 par rapport aux mois correspondant de l’exercice 2019, procédé dans un délai imparti à la déclaration des salariés, sur le site « covid19.cnss.ma ».

ls bénéficient, en principe, d’une indemnité forfaitaire mensuelle de 2 000 dirhams, des allocations familiales et des prestations de l’assurance maladie obligatoire AMO.

Le confinement obligatoire a impacté le secteur informel. Les travailleurs de l’économie informelle sont particulièrement vulnérables aux mesures de confinement, en ce sens le Comité de Veille Économique a procédé à l’accompagnement en faveur de ce secteur tout en les traitant en deux catégories selon qu’il s’agit des « Ramédistes ou des non ramédistes ». Il s’agit des ménages pouvant bénéficier d’une aide de subsistance servie par le fonds Coronavirus déterminée comme suit :
- 800 dirhams pour les ménages de deux personnes ou moins ;
- 1000 dirhams pour les ménages formés de trois à quatre personnes ;
- 1200 dirhams pour les ménages de plus de quatre personnes.

Les pays du monde entier ont réagi face à la crise actuelle, souvent par des interventions d’une ampleur sans précédent. Plus de 170 pays ont alloué un total de 9 000 milliards de dollars à des plans de relance budgétaire.
Les exemples innovants ci-après sont à noter :
- L’Italie a élargi les aides financières (80% du salaire brut) prévues pour les travailleurs des entreprises en difficulté à tous les secteurs de l’économie et aux entreprises de moins de 15 salariés, qui ne peuvent normalement pas bénéficier de ce type d’aide. Une indemnité forfaitaire est également accordée aux travailleurs indépendants et aux entrepreneurs externes.
- L’Espagne a octroyé aide financière aux travailleurs indépendants, aux membres de coopératives et aux travailleurs dont l’emploi a été temporairement suspendu, même s’ils n’auraient normalement pas pu bénéficier de l’allocation de chômage.
- L’Allemagne a sauvegardé un nombre important d’emplois en élargissant l’accès à son programme éprouvé et institutionnalisé de travail à court terme (« Kurzarbeit »), qui permet d’assurer le versement des salaires des employés des entreprises en difficulté. L’efficacité des institutions et des mécanismes existants a permis une mise en œuvre rapide et sans heurts des mesures adoptées.
- L’Afrique du Sud a mis en place une équipe tripartite de lutte contre le coronavirus chargée d’examiner les questions relatives aux mesures d’adaptation du lieu de travail, au fonds d’indemnisation des travailleurs pour les congés spéciaux ou de maladie et au fonds d’assurance chômage, à l’appui aux entreprises en difficulté, à la prévention de la stigmatisation et de la discrimination à l’égard des personnes infectées par le coronavirus, aux impacts macroéconomiques et aux réponses politiques à apporter, et à la sécurité alimentaire y compris dans les établissements scolaires.

En définitive, cette crise sanitaire a contribué à la réorganisation du travail, en particulier d’autre formes de travail ont été introduites comme le cas du télétravail vis-à-vis des nouvelles technologies d’informations et de communication. Ces interventions doivent s’appuyer sur les institutions existantes et les renforcer, tout en orientant les travailleurs et les entreprises vers le développement durable pour permettre une reprise meilleure et plus forte.
Les mesures à adopter devraient porter sur les points suivants :
- extension de la couverture et de la portée des régimes de protection sociale ;
- des régimes de protection sociale bien conçus peuvent contribuer à une transition progressive de l’économie, en allégeant les responsabilités liées aux soins et en offrant une protection aux personnes qui travaillent dans le secteur informel ou qui ont un emploi moins sûr.
- Soutenir l’activité des entreprises notamment des microentreprises et des petites et moyennes entreprises, respect des besoins et des droits des travailleurs et des employeurs, élaborer une approche globale et réouverture progressive des services, Accélérer le passage à l’économie formelle.
- Et, la création d’un environnement des affaires durable et l’appui aux microentreprises et aux petites et moyennes entreprises seront deux aspects clé du redressement.

Références bibliographiques :
- Le monde du travail et la COVID-19, note de synthèse a été réalisée avec le soutien d’un certain nombre d’entités des Nations Unies,sous la direction de l’Organisation internationale du Travail.
- www.artemis.ma (consulté le 31/08/2020à 17 :22).
- Abdelkrim GHALI, les répercussions conjoncturelles du covid-19 sur le travail et la sécurité sociale, fsjes souissi, Rabat 2020, p.2.
- Ministère de travail, de l’emploi et de l’insertion.
- Abdelkrim GHALI, les répercussions conjoncturelles du covid-19 sur le travail et la sécurité sociale, op, cit.p.7.
- Loi française n° 97-210 du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal.
- Mohamed CHAOUI, Coronavirus : L’Administration au ralenti, L’Économiste n° 5724 du 23 mars 2020.
- Loi n°25.20 édictant des mesures exceptionnelles au profit des employeurs affiliés à la CNSS et de leurs salariés déclarés, touchés par les répercussions de la propagation du Coronavirus « COVD-19 » ;
- Myriame ELKHIATI, Les conséquences du covid-19 sur le droit de travail, webinaire 13 mai 2020.
- Rapport mondiale sur la protection sociale, élaboré par l’organisation internationale de travail OIT, 2019.page 1.
- https://blogs.imf.org/2020/05/20/tracking-the-9-trillion-global-fiscal-support-to-fight-covid-19/.

ELBAHLOULI Abidin, juriste d'affaires