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Avocats aux Conseils : une profession méconnue.
Parution : vendredi 30 décembre 2022
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En septembre 2022, la nouvelle consultation pour la période 2023-2025 a été lancée par l’Autorité de la concurrence [1] en vue d’élaborer un nouvel avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et de réviser ses recommandations en matière de création d’offices. La loi prévoit en effet cette procédure au moins tous les deux ans.
Alors, qui sont exactement ces avocats aux conseils ? Quelles sont leurs spécificités ? Le Village de la Justice vous explique le pourquoi du comment !

Lorsque l’on pense à la profession d’avocat, généralement notre première pensée se tourne vers le professionnel défendant son client au prétoire sur des affaires pénales, familiales, etc. Or il existe plusieurs « types » d’avocats : l’avocat au Barreau, l’avocat à la Cour et l’avocat aux Conseils.

Les avocats « au Barreau » se distinguent des avocats « à la Cour », qui sont inscrits dans un barreau dans lequel se situe le siège d’une cour d’appel. S’il n’y a pas de cour d’appel dans la ville de rattachement, finalement, l’auxiliaire de justice est appelé « avocat au Barreau ». Par conséquent, cette qualité est attribuée pour des raisons géographiques et non en fonction d’un diplôme ou d’une spécialisation, contrairement aux avocats aux Conseils.

La particularité des avocats aux Conseils par rapport aux avocats à la Cour est qu’ils sont seuls habilités à représenter les justiciables dans les instances devant le Conseil d’Etat et Cour de cassation. Ce sont donc des spécialistes du procès en cassation, qui permet de rejuger les affaires seulement au regard du droit. Regroupés dans un ordre professionnel autonome, ces officiers ministériels se distinguent de l’avocat à la Cour tant dans leurs statuts que dans la manière dont on peut accéder à la profession.

Quel est leur statut ?

Comme le précise le site de l’Ordre des avocats aux Conseils, « parce qu’ils contribuent au service public de la justice tout en exerçant une profession libérale, les avocats aux conseils ont le statut d’officier ministériel. Ils sont nommés par le garde des Sceaux et leur nombre est régulé » [2].
Depuis l’ordonnance n° 2014-239 du 27 février 2014, il leur est possible de devenir avocats aux conseils salariés dans un cabinet existant, toutefois ils ne peuvent exercer leurs fonctions qu’au sein d’un seul office auquel ils consacrent toute leur activité professionnelle [3]. Ils se distinguent des avocats à la Cour qui exercent soit en libéral soit en tant que salariés dans un barreau avec une Cour d’appel.

Autre particularité, les avocats aux Conseils sont les seuls avocats habilités à plaider devant le Conseil d’État et la Cour de cassation. Ce faisant, considérant le rôle même de ces deux juridictions de cassation, ils sont amenés à développer la technique dite de cassation afin d’être pluridisciplinaires dans leurs activités. En effet, l’Ordre précise sur son site que « la technique de cassation a vocation à être appliquée à toutes les matières du droit, aussi bien dans le domaine administratif que dans le domaine judiciaire » [4].

Comment développent-ils cette maîtrise pluridisciplinaire ?

Pour y parvenir, la voie la plus classique est de commencer par une collaboration, éventuellement précédée d’un stage, dans un cabinet d’avocat aux conseils pour s’initier à la technique de cassation. Après quelques temps, les avocats aux Conseils en devenir peuvent suivre les enseignements proposés par l’IFRAC (Institut de Formation et de Recherche des Avocats aux Conseils). [5] Le règlement intérieur de l’établissement précise les cours qui y sont dispensés :

- La première année comprend deux heures hebdomadaires d’enseignement théorique et pratique portant en alternance, d’une part, sur le droit privé, et, d’autre part, sur le contentieux administratif (cas d’ouverture à cassation, l’élaboration de mémoires en demande et en défense ; etc.). Le pourvoi en cassation est étudié plus en détails à la fois en matière civile, et en matière administrative.

- La deuxième année suit le même schéma mais cette fois-ci en s’intéressant à « la mise en œuvre des moyens de cassation, l’instance et ses incidents, l’étude comparée des cas d’ouverture à cassation, les moyens d’y défendre, l’élaboration et l’évolution de la règle jurisprudentielle ainsi que la consultation », mais également « le pourvoi en cassation, les cas d’ouverture à cassation, le contrôle du juge de cassation et l’élaboration de mémoires en demande et en défense. »

- La troisième et dernière année de formation s’oriente vers la l’insertion professionnelle et comprend une collaboration au sein d’un cabinet et la rédaction de projets de mémoires sous la direction d’un maître de stage, avocat aux Conseils. Les étudiants s’intéressent ici à la déontologie, la réglementation professionnelle et la gestion d’un office. Côté procédures, ce sont le Conseil constitutionnel, le Tribunal de première instance et la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l’Homme et les juridictions financières qui sont mis en avant. Sans oublier une préparation à l’oralité devant les différentes juridictions.

L’accès à la profession est également possible lorsque l’on est professionnel depuis un certain nombre d’années et que l’on souhaite se réorienter ou évoluer dans sa carrière, en bénéficiant d’une passerelle.

Comment la profession évolue-t-elle ?

La profession est représentée et administrée par un Ordre professionnel composé de 14 membres et d’un président. A sa création en 1817, et jusqu’en 1978, l’Ordre comptait 60 avocats aux conseils, chacun titulaire d’un office individuel. Par la suite, 49 des cabinets sont devenus des sociétés civiles professionnelles ayant jusqu’à quatre associés et, depuis 2017, huit nouveaux offices ont été créés. Désormais, l’Ordre compte 125 avocats [6].

Le Conseil de l’Ordre traite de toutes questions concernant la profession et peut être appelé à donner son avis sur les créations et les cessions d’offices. A ce propos, en vertu de l’article L462-4-2 du Code de commerce créé par l’article 57 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Cet avis, émis au moins tous les deux ans, formule également des recommandations pour améliorer l’accès aux offices et permettre une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d’activité des offices existants.

Le plus récent avis, publié le 23 mars 2021 [7], proposait au gouvernement la création de deux offices d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation d’ici 2023, qui viendront s’ajouter aux huit offices déjà créés depuis 2017, portant le nombre total d’offices à 70.
L’analyse amenant à cette préconisation s’est appuyée sur les critères suivants : l’évolution prévisible des contentieux devant les hautes juridictions (Conseil d’État et Cour de cassation) ; l’activité et la situation économique des professionnels en place avant la réforme et de ceux nouvellement installés depuis 2016 dans le cadre de la libre installation (activité des professionnels, revenus, profitabilité). Elle a retenue une approche prudente pour trois raisons : les évolutions des demandes de prestations des justiciables sont opposées entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation (+ 5% l’un et - 12% l’autre) ; de plus il y a moins de titulaires du CAPAC ce qui limite les perspectives d’évolution du nombre d’avocats ; enfin l’impact de la crise sanitaire, bien que moindre par-rapport à d’autres professions, peut être souligné pour les avocats aux Conseils surtout ceux exerçant devant la Cour de cassation (- 15%) [8].

Rédaction du Village de la Justice

[2Site internet Ordre des avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, Organisation et missions de l’Ordre.

[3Décret n° 2016-651 du 20 mai 2016 relatif aux avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation salariés, Légifrance.

[4Site internet Ordre des avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, Compétences et missions.

[5Site internet Ordre des avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, Comment devenir avocat aux Conseils.

[6Site internet Ordre des avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, Organisation et missions de l’Ordre

[7Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d’installation et à des recommandations de créations d’offices d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

[8CP 23 mars 2021, Autorité de la concurrence.