Village de la Justice www.village-justice.com

Le refus des droits de visite et d’hébergement des grands-parents. Par Sarah Saldmann, Avocat.
Parution : mercredi 12 mai 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/refus-des-droits-visite-hebergement-des-grands-parents,39146.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les grands-parents peuvent solliciter un droit de visite et d’hébergement envers leurs petits-enfants. En cas de conflits intergénérationnels, les grands-parents peuvent intenter une action devant le juge aux affaires familiales pour faire valoir leurs droits. Néanmoins, si l’exercice de ces droits contredit l’intérêt de l’enfant, il peut être limité ou exclu.

I – Les droits des grands-parents.

Selon l’article 371-4 du Code civil :
«  L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit.

Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ».

Conformément à cet article, les grands-parents peuvent entretenir des relations personnelles avec leurs petits-enfants, ce qui signifie, concrètement, qu’ils ont un droit de correspondance, de visite et/ou d’hébergement avec eux.

Il y a une présomption simple, selon laquelle « il est de l’intérêt des enfants d’entretenir des relations personnelles avec leurs grands-parents » [1]. Cette présomption peut être renversée si l’intérêt de l’enfant le commande.

II – Le recours au juge aux affaires familiales en cas de désaccord.

Dans un premier temps, il est recommandé d’entamer un processus de médiation pour trouver une solution amiable. Cela suppose que les deux parties soient d’accord.

Si aucune issue amiable n’est possible, une action peut être intentée devant le juge aux affaires familiales. Pour cette procédure, le recours à un avocat est obligatoire. Aussi, il est préférable d’assigner les deux parents plutôt qu’un seul. Précisons que la demande est également transmise au Ministère public, qui donne son avis.

Si un parent refuse que ses propres parents aient un droit de visite et/ou d’hébergement avec son enfant, il doit démontrer que l’exercice de ce droit nuirait à l’intérêt du mineur. Pour ce faire, des attestations, des échanges avec les grands-parents peuvent par exemple être apportés. Les grands-parents, quant à eux, doivent démontrer que leurs droits peuvent être respectés sans porter atteinte à l’équilibre et à l’intérêt de leurs petits-enfants.

Il est aussi possible de demander que les visites se déroulent dans un lieu « neutre ». Autrement dit, ailleurs qu’au domicile des parents ou des grands-parents, par exemple, dans une association dédiée.

Des enquêtes sociales, psychologiques et/ou psychiatriques peuvent aussi être ordonnées avant que la décision du juge aux affaires familiales ne soit rendue.

Précisons que l’enfant capable de discernement peut demander à être auditionné par le juge aux affaires familiales [2].

Dès lors, pour trancher, le juge aux affaires familiales prendra en compte, en plus de l’intérêt de l’enfant, notamment :
- les pratiques antérieures existantes entre les grands-parents et les petits-enfants ;
- le degré d’attachement réciproque entre eux ;
- les enquêtes sociales éventuelles ;
- l’audition de l’enfant si elle est sollicitée.

III – Les arguments permettant d’exclure les droits des grands-parents.

Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, le juge aux affaires familiales peut limiter ou exclure les droits des grands-parents à l’égard de leurs petits-enfants. Il en est ainsi, par exemple, lorsque les grands-parents ne disposent pas des conditions matérielles d’accueil, que le contexte psychologique est anxiogène pour l’enfant et que les grands-parents adoptent une attitude de dénigrement envers les parents [3].

Si les conflits existants entre les parents et les grands-parents de l’enfant ne suffisent pas en eux-mêmes à faire obstacle aux relations de celui-ci avec ses grands-parents, il en va autrement lorsque les différends ne peuvent qu’avoir une influence négative sur ces relations, il est alors de l’intérêt de l’enfant de les exclure.
À ce titre, la Cour de cassation a jugé que :
« si la mésentente des grands-parents et des parents ne constitue pas en elle-même un motif grave de refus de droit de visite, ce n’est qu’à la condition que cette mésentente ne rejaillisse pas sur l’enfant et ne présente pas un risque quelconque pour lui » [4].

A aussi été refusé un droit de visite en raison de :
«  l’attitude interventionniste et invasive du grand-parent, qui n’a pas eu conscience de la perturbation majeure qu’il avait provoquée » [5].

Dans le même sens et plus récemment, en 2019, il a été jugé que :
« l’animosité d’une grand-mère à l’égard de sa belle-fille et son attitude procédurière ne peuvent être que préjudiciables à l’enfant et source de perturbations à mesure qu’il grandira » [6].

Au contraire, le droit de visite et d’hébergement a par exemple été accordé à des :
« grands-parents [qui] s’étaient engagés à ne pas dénigrer les parents, de sorte qu’il était dans l’intérêt des petits enfants de nouer progressivement des relations avec leurs grands parent » [7].

Ainsi, chaque cas justifie une analyse singulière et l’intérêt de l’enfant s’apprécie notamment en fonction de son propre contexte familial. Plus globalement, les droits des grands-parents seront limités/exclus si leur exercice compromet l’équilibre de l’enfant.

IV – Les sanctions en cas d’irrespect du jugement rendu

Si un jugement définitif accorde un droit de visite et/ou d’hébergement aux grands-parents et que les parents ne le respectent pas, ces derniers encourent une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour le délit de non-représentation d’enfant [8].

Sarah SALDMANN Avocat au Barreau de Paris Tel : 01.84.25.75.28 [->s.saldmann@saldmann-associes.com] https://sarah-saldmann-avocats.com

[1Cass, Civ 1re, 1er décembre 1982, n°81-14627.

[2Article 388-1 du Code civil.

[3Cour d’appel de Paris, 8 janvier 2015, n° 13-08469.

[4Cass, Civ. 1re, 28 février 2006, n° 05-14484.

[5Cass, Civ.1re, 27 mai 2010, n°09-65838.

[6Cass, Civ. 1re, 26 juin 2019 n° 18-19017.

[7Cass, Civ 1re, 14 janvier 2009, n° 08-11035.

[8Article 227-5 du Code pénal.