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"Faire le pont". Par Franck Le Louedec, Consultant.
Parution : vendredi 14 mai 2021
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Cette expression bien connue évoque le fait de chômer un ou deux jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire ou un jour précédant les congés annuels (art. L.3121-50, 3° c. trav.).

Une convention ou un accord collectif peut prévoir des modalités concernant le chômage des ponts, auquel cas, l’accord d’entreprise ou d’établissement prime sur l’accord de branche [1].
Le plus souvent, la décision revient à l’employeur qui peut choisir d’accorder une journée de repos payé mais aussi choisir de faire récupérer aux salariés les heures ainsi perdues dans les 12 mois précédents ou suivants le pont [2].
Seules les heures perdues en dessous de la durée légale du travail peuvent être récupérées [3].
Ces heures de récupération sont effectuées en plus de l’horaire habituel pour compenser les heures perdues. Elles ne sont pas majorées car le dispositif de récupération permet de considérer ces heures comme déplacées, et non comme des heures supplémentaires [4]. Elles ne peuvent augmenter la durée du travail de l’établissement ou de la partie de l’établissement de plus d’une heure par jour, ni plus de huit heures par semaine [5].
La récupération régulièrement décidée par l’employeur s’impose aux salariés y compris à ceux qui étaient absents pour maladie [6].

Ce dispositif de récupération des heures perdues collectivement est quelque peu contraignant car il prévoit que l’inspecteur du travail soit préalablement informé par l’employeur des interruptions collectives de travail et des modalités de la récupération [7]. L’employeur devant aussi procéder à l’affichage de l’horaire modifié [8].

En outre, selon la jurisprudence rendue à propos du comité d’entreprise et semble t-il transposable au CSE, sous peine de délit d’entrave, la consultation du comité s’impose dans la mesure où la récupération est de nature à affecter la durée du travail et les conditions d’emploi du personnel [9].
Toutefois, s’agissant d’une initiative limitée dans le temps et immédiatement assortie du principe de la récupération des heures perdues, il a été jugé que la consultation du comité ne s’imposait pas [10].

Autant de formalités qui incitent certains employeurs à prier leurs salariés de poser un ou deux jours de congé ; sauf que si un salarié peut demander un (ou deux) jour(s) de congé, pour faire le pont avec l’accord de l’employeur, ce dernier, qui dispose d’une faculté de récupération, ne peut pas l’imputer de sa seule initiative sur les congés payés [11].
En revanche, en l’absence de dispositions plus favorables, une journée de pont incluse dans une période de congé payé, est décomptée comme jour de congé, même si elle est chômée dans l’établissement [12].

Selon les modalités de prise des RTT au sein de l’entreprise, il est envisageable pour l’employeur de prévoir la compensation des heures perdues par le positionnement de jours de RTT avec ou sans l’accord des salariés.

Par ailleurs, si l’employeur prend l’initiative d’accorder aux salariés de finir plus tôt leur journée de travail une veille de fête, (souvent la veille de Noël ou du jour de l’an), il leur en fait alors cadeau car il s’agit là d’une libéralité. Ces heures ne permettent pas à l’employeur d’en imposer la récupération car : « Seules peuvent être récupérées les heures perdues par suite d’une interruption collective du travail résultant [13] :
1° De causes accidentelles, d’intempéries ou en cas de force majeure ;
2° D’inventaire ;
3° Du chômage d’un jour ou de deux jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire ou d’un jour précédant les congés annuels.

Il est notamment interdit de faire récupérer les heures perdues par suite de chômage des jours fériés [14] ou plus généralement les heures perdues pour cause de maladie ou d’absences rémunérées, indemnisées ou autorisées…

Franck Le Louedec Ancien conseiller prud’homal, consultant

[1Art. L.3121-51 Code du travail.

[2Art. L.3121-50, R.3121-34 Code du travail.

[3Cass. soc. 19 février 1959 n° 57-40062.

[4Circ. DRT n° 94–4, 21 avril 1994.

[5Art. R.3121-35 Code du travail.

[6Cass. soc. 5 juillet 1982, n° 80-40029.

[7Art. R.3121-33 Code du travail.

[8Art. D.3171-3 Code du travail.

[9Cass. crim. 21 novembre 1978, n° 77-92617.

[10Cass. soc. 9 juill. 1986 n° 85-41861.

[11Cass. soc. 17 avril 1986, n° 83-45788.

[12Cass. soc. 3 décembre 1980 n° 79-41051.

[13Art. L.3121-50 Code du travail.

[14Art. L.3133-2 Code du travail.