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Le délai de grâce en droit de la consommation : quelle spécificité ? Par Tariq Boukhima, Docteur en Droit.
Parution : lundi 24 mai 2021
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En principe, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Ce qui veut dire, que leur modification nécessitera le consentement des deux parties.
Pourtant, le juge peut accorder au débiteur malheureux et de bonne foi un délai de grâce. Ce moment de répit a pour effet de renvoyer à plus tard le paiement de la dette, mais ce droit n’est que temporaire, et exigé par une situation de fait indépendante de la volonté. Jadis, Ripert avait nommé cette faveur comme « le droit de ne pas payer ses dettes », mais elle n’est désormais qu’un visage de l’équité.

Introduction.

De nos jours, le recours au crédit est devenu un moyen indispensable pour financer nos différents projets, du moins important comme l’achat des produits de première nécessité au plus important telle que l’acquisition d’un bien immobilier.

Cette réalité se manifeste clairement en scrutant les statistiques déclarées par Bank Al- Maghrib dans son rapport [1] sur la politique monétaire n° 53/2019. Cela est dû aux plusieurs facteurs ; du côté des consommateurs, leurs habitudes de consommation ont changé, car ils ne se contentaient plus de leurs propres revenus pour satisfaire leurs besoins. Ainsi, le coût de vie devenait très cher, de façon que le consommateur ne pourra jamais répondre à toutes ses exigences, en se basant sur ses propres moyens, notamment devant la prospérité actuelle de l’industrie. Du côté des prêteurs, ils encouragent le recours au crédit, en multipliant et diversifiant les offres, afin d’atteindre toutes les classes sociales, à titre d’exemple le microcrédit. Le crédit pour eux est une activité propice pour gagner de l’argent, et un levier important de l’économie nationale.

Toutefois, ce n’est pas toujours le cas, car octroyer trop de crédit ou contre des garanties douteuses ou insuffisantes peut causer une crise économique étouffante [2], comme la crise économique des années 1930 et la crise bancaire et financière de la fin de l’été 2008 arrivées aux Etats-Unis. L’excès d’endettement peut également avoir des conséquences sociales négatives. Il entraîne généralement des difficultés financières, qui pourraient être source d’exclusion sociale.

Pour cette raison, l’intervention du législateur était nécessaire pour protéger les emprunteurs contre le surendettement, en imposant aux sociétés de financement de considérer toujours un reste à vivre, en calculant les mensualités d’un crédit.

Malgré cette approche préventive, l’emprunteur pourrait tomber en défaillance envers ses créanciers, à cause d’un événement involontaire et imprévisible qui avait bouleversé totalement ses prévisions. Dès lors, il n’a que demander un délai de grâce, un moment de répit pour réorganiser ses papiers.

A ce propos, on peut définir [3] le délai de grâce comme un pouvoir accordé aux juges de reporter ou échelonner le paiement d’une dette exigible, en considérant la situation malheureuse du débiteur, mais sans en réduire le montant.

Cette faculté est une exception du principe général, selon lequel le paiement doit intervenir quand l’obligation est devenue exigible, à l’échéance et d’une façon intégrale.

En dépit du caractère exceptionnel de cette possibilité, le législateur a décidé d’en élargir l’ampleur, en consacrant un article [4] dans la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, qui permet au juge non seulement d’accorder des délais de grâce, mais aussi de réduire le montant de la dette par l’arrêt de production des intérêts sur les sommes dues pendant toute la période de suspension.

Selon cet article, les délais de grâce accordés ne peuvent pas être supérieurs à deux ans. Ainsi, ils sont alloués sur la demande du débiteur qui doit prouver la survenance d’un événement involontaire et imprévisible, qui l’empêche d’exécuter ses obligations à l’échéance et à la façon dont il a été prévu.

Le choix de ce sujet n’est pas aléatoire, étant donné que les circonstances actuelles (Coronavirus 19) et ses conséquences économiques et sociales mettent la plupart des débiteurs incapables de remplir leurs obligations à l’échéance déterminée par le contrat. Pourtant les dispositions de l’article 149 ci-dessus ne semblent pas comprendre, de première vue, les situations sociales générales, c’est-à-dire celles qui touchent tout le monde, et qui ne sont pas inhérentes à la personne du débiteur.

Alors, une réflexion approfondie sur ce point sera nécessaire pour dévoiler et décortiquer les conditions d’application de cet article, qui sont plus particulières que celles requises par la règle générale prévue à l’article 243 du Code des obligations et des contrats.

Ces conditions concernent premièrement la nature de la créance, deuxièmement la personnalité des parties et finalement leurs situations sociales et économiques. Ce qui veut dire que le juge dispose, en statuant sur ce genre d’affaire, d’un pouvoir souverain d’appréciation pour décider si le débiteur a le droit de bénéficier ou non d’un délai de grâce.

Toutefois, la question qui se pose comment on peut qualifier la situation économique du débiteur pour lui octroyer ce délai de grâce ? est ce qu’elle est influencée parallèlement par les besoins urgents du créancier ? et ou s’arrête le large pouvoir d’appréciation du juge en accordant ce délai ?

Pour répondre à ces questions, nous analyserons, dans un premier lieu, les conditions requises pour bénéficier du délai de grâce, quant à la qualité des parties et la nature de la créance. Puis, nous examinerons, dans un deuxième lieu, la portée du pouvoir du juge à l’égard les fondements de la demande d’un délai de grâce.

Pour lire l’article dans son intégralité, merci de cliquer sur le lien ci-après :

Tariq Boukhima Docteur en Droit [->kabbajme315@gmail.com]

[1Rapport sur la politique monétaire n°53/2019, préparé par le conseil de Bank Al-Maghrib, le 17 décembre 2019, p. 31, publié sur le site : www.bkam.ma

[3B. Mornet, Les délais de grâce, In : R.J.D.O, n° spécial 1997, quatre ans d’application de la réforme des procédures civiles d’exécution, p. 75.

[4L’article 149 de la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.