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En finir avec les mauvaises attestations dans les procès. Par Arthur Tourtet, Avocat.
Parution : mardi 25 mai 2021
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Une attestation est un moyen simple d’obtenir des éclaircissements sur une affaire, lesquels seront utiles au juge saisi de votre litige.

Le témoin a juste à coucher sur le papier ce qu’il aurait dit devant le juge. Le gain de temps pour le témoin et la justice est considérable. L’encombrement des juridictions fait qu’il est impossible d’entendre directement tous les témoins dans chaque dossier.

Si les attestations sont pratiques et nécessaires, de nombreux abus font qu’elles finissent par nuire à l’émergence de la vérité judiciaire.

Une mise au point est nécessaire.

Ne faites pas attester n’importe qui.

Tout le monde ne peut pas témoigner, y compris par écrit.

L’attestation doit provenir d’une tierce personne au litige.

Nul ne peut établir de preuve à soi-même [1]. Une attestation d’une partie elle-même n’est pas un témoignage. Au mieux, l’attestation aura la même valeur qu’un communiqué de propagande soviétique.

Pour illustration, n’est pas valable l’attestation, rédigée au profit d’une société, par son représentant légal [2].

Certaines personnes sont frappées d’une incapacité de témoigner en justice, incapacité qui s’applique aux attestations. C’est le cas des mineurs [3]. Cette incapacité s’applique également à certaines personnes pénalement condamnées.

Mais encore, les enfants d’un couple, même majeurs, ne peuvent jamais fournir une attestation concernant les griefs invoqués par les époux dans le cadre d’une procédure de divorce [4].

Une attestation ne peut pas non plus violer un secret professionnel légalement protégé. Il est interdit à un juge de fonder sa décision sur une telle preuve [5].

Respectez le formalisme de l’article 202 du Code de procédure civile.

Toute attestation qui ne respecte pas l’article 202 du Code de procédure civile mérite de partir à la poubelle.

L’article 202 du Code de procédure civile dispose que :

« L’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.
Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.
Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.
L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature
 ».

Un formulaire Cerfa n° 11527*03 est même disponible gratuitement afin de faciliter le respect du formalisme des attestations.

Le respect de ce formalisme permet déjà d’éviter certaines fraudes ou de repérer des anomalies.

Par exemple, il m’est déjà arrivé de repérer des attestations adverses dont l’écriture était sensiblement la même alors que les témoins étaient différents.

Une attestation doit être honnête concernant les liens qui unissent le témoin avec la partie qui va produire l’attestation. Un ami peut parfaitement témoigner en votre faveur. En revanche, il ne peut pas se faire passer pour un inconnu afin de donner à son attestation une objectivité qu’elle n’a pas.

Le non-respect de ce formalisme n’est pas sanctionné par la nullité de l’attestation [6].

En revanche, le juge peut écarter des débats une attestation non conforme à l’article 202 du Code de procédure civile. Il doit seulement expliquer en quoi l’irrégularité constatée constitue l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public faisant grief à la partie qui l’invoque [7].

Même si une attestation irrégulière n’a pas été écartée des débats, le juge apprécie souverainement sa valeur probante [8].

Cela veut dire que rien n’oblige un juge à être convaincu par une attestation. Il reste libre de trouver douteuse une attestation qui ne respecte pas le formalisme obligatoire.

Veillez-donc bien à ce que vos attestations respectent à la lettre l’article 202 du Code de procédure civile. C’est un gage de sérieux qui est toujours appréciable dans le cadre d’un contentieux.

Que doit contenir une attestation ? La vérité et rien que la vérité !

Une bonne attestation est exclusivement factuelle.

L’attestation doit faire état de faits suffisamment circonstanciés afin que ces derniers puissent être vérifiés [9].

Pour faire simple, le témoin doit écrire ce qu’il a vu et entendu à tel jour et à telle heure. Rien de plus. Je vous en conjure : interdisez-vous de suggérer au témoin ce qu’il doit mentionner dans l’attestation.

N’oubliez jamais que l’article 203 du Code de procédure civile donne le droit au juge de procéder à l’audition d’un auteur d’une attestation. Une mauvaise surprise est vite arrivée si votre témoin clé a raconté n’importe quoi.

L’attestation ne doit pas relater des faits qui n’ont rien à voir avec le litige. Le juge n’a pas beaucoup de temps à consacrer à la lecture de votre dossier. Ne lui faites pas gaspiller ce précieux temps avec des attestations qui sont hors-sujet.

Le témoin n’a pas à faire état de ce qu’il pense des parties ou du litige. Des éléments subjectifs ou moraux ne seront pas d’un grand secours. Un juge tranche un litige en droit et non pas parce qu’une partie est plus appréciée que l’autre.

Le témoin ne doit pas attester de faits qu’il n’a pas personnellement constatés ou bien de faits dont il a eu connaissance par ouï dire. Au mieux, le juge estimera que le témoignage n’est pas crédible, car indirect [10]. Au pire, le juge pensera que votre témoin est un menteur.

Lorsqu’un témoin atteste encore de faits qui sont contredits par d’autres éléments du dossier, le juge pourra évidemment en tirer la conclusion que l’attestation n’est pas sincère.

Choisissez donc bien vos témoignages écrits car, une fois que ces derniers seront produits, ce sera un point de non-retour.

Si un éventuel témoin ne sait rien de votre litige ou qu’il ne se souvient plus exactement des faits qui intéressent le procès, il ne doit surtout pas établir une attestation à votre profit. Dans votre intérêt, il ne peut que se taire.

Quels sont les risques à faire établir et à produire de mauvaises attestations ?

Le premier risque à produire de mauvaises attestations est de perdre en crédibilité.

La crédibilité est essentielle lors d’un procès car les juges restent des êtres humains. On ne peut pas lutter contre cela. Dans toute prise de décision, la personne qui soutient une argumentation est aussi importante que l’argumentation elle-même.

Quelqu’un qui demande le respect de ses droits, tout en ne respectant pas la loi en produisant des attestations mensongères, a autant de crédibilité qu’un tueur en série qui ferait la promotion de la non-violence.

Plus vous inondez le juge d’attestations douteuses, plus vous allez générer un mauvais effet sur votre image.

Le second risque est que votre témoin peut faire l’objet d’une plainte pour attestation mensongère. Ce délit, prévu à l’article 441-7 du Code pénal, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Le troisième risque est que vous pouvez également faire l’objet d’une condamnation pénale.

L’article 441-7 du Code pénal réprime également le fait de faire usage d’une attestation mensongère. La tentative est elle aussi punissable [11].

Pour précision, si l’attestation ne comporte pas la signature authentique de son prétendu auteur, alors il ne s’agit pas d’une attestation à proprement parler. Mais cela reviendra au même pour vous. Vous risquerez juste d’être poursuivi pour usage de faux.

Une condamnation pour subornation de témoin est encore envisageable au titre de l’article 434-15 du Code pénal.

Produire une attestation mensongère peut encore vous valoir des poursuites pour escroquerie au jugement [12].

En plus d’une sanction pénale, vous vous exposez à devoir verser des dommages et intérêts au titre du préjudice subi par votre victime.

Si le litige, dans le cadre duquel vous avez produit des attestations mensongères ou fausses, est encore en cours, votre adversaire ne manquera pas de produire le jugement de condamnation pénale. Le juge que vous avez tenté de duper en tiendra forcément compte, ce qui ne sera pas de bon augure pour vous.

Cerise sur le Gâteau, si vous avez déjà obtenu une décision favorable sur la base d’attestations mensongères ou fausses, votre adversaire dispose d’un recours en révision sur la base de l’article 595 du Code de procédure civile.

Vous devez donc faire preuve d’une extrême vigilance lorsque vous devez produire des attestations.

En m’inspirant d’un livre de Monsieur Julien Lepers, je ne peux que conclure cet article par cet ultime conseil : les mauvaises attestations, ça suffit [13] !

Arthur Tourtet Avocat au Barreau du Val d\'Oise

[1C. civ., art. 1363.

[2Cass. Soc., 11 mai 1999, n° 97-41.245.

[3Cass. soc., 1er oct. 2009, n° 08-13.167.

[4CPC, art. 205.

[5Cass. 2e civ. 24 juin 1992 n° 90-18.021.

[6Cass. civ. 3e, 11 oct. 2018, n° 17-20.890 et CA Paris, 04 mars 2020, n° 17/12643.

[7Cass. civ. 2, 30 nov. 1988, n°87-17.997.

[8Cass. civ. 2e, 15 avr. 1991, n° 89-21.841.

[9Cass. civ. 1re, 3 mars 2010, n° 09-11.606.

[10Cass. 1e civ. 18 oct. 1977 n°75-14.417.

[11C. pén. art., 441-9.

[12Cass. Crim., 4 janv. 2005, n° 04-82.715.

[13Julien Lepers, Les mauvaises manières ? Ça suffit !, Michel Lafon, 2014. (ISBN 978-2749922003).

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