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La nomination d’un huissier de justice à Wallis-et-Futuna. Par Rémi Oliveras, Clerc d’Huissier.
Parution : vendredi 28 mai 2021
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Reliquats de l’empire colonial Français, l’application des textes législatifs dans les COM nécessite toujours une adaptation. Malheureusement, cette adaptation n’a pas été réalisée pour procéder à la nomination d’officiers publics et ministériels.

Si la profession d’huissier de Justice dispose d’un texte régissant le concours d’entrée en France métropolitaine [1] ; d’un texte pour la Polynésie Française [2] ; d’un texte pour la Nouvelle-Calédonie [3] ; et d’un texte pour Saint-Pierre et Miquelon [4], en revanche, il apparaît visiblement qu’aucun texte de ce genre n’existe à Wallis-et-Futuna.

Seul l’article 1578 du Code de procédure civile prévoit que

« La compétence dévolue aux huissiers de justice pour la délivrance des actes prévus au présent code peut être exercée dans les îles Wallis et Futuna par un représentant de l’autorité administrative ou militaire ».

Le mot « peut » implique qu’en présence d’un huissier de justice, ce dernier reprendrait la compétence exercée actuellement par les gendarmes.

Cette compétence dévolue aux huissiers de justice pour délivrer les actes appartient toujours aux huissiers de justice. Mais, faute de personnel sur place, elle est dévolue aux autorités administratives/militaires. Si un huissier de justice se trouvait sur place, il reprendrait compétence pleine et entière.

De plus, l’article 4 de l’Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice prévoit que « Les dispositions du présent arrêté sont applicables à Wallis-et-Futuna ».

L’article 9 du décret n° 2016-230 prévoit une majoration de 30% des émoluments des actes d’huissier de justice, et l’article A444-10 du Code de commerce, en vigueur depuis le 28 février 2020, laisse cette majoration de 30% applicable.

Or, les forces de gendarmerie ne font pas payer le coût des actes qu’ils délivrent.

C’est donc qu’il existe bien une possibilité de nommer des huissiers de justice, puisque le tarif le prévoit.

La combinaison de l’article 40 du Décret n°57-811 du 22 juillet 1957 et de l’article 4 de la Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 ne permet pas à ce territoire de procéder à la nomination d’un officier public et ministériel. Ce point de vue est confirmé par le §84 de l’Avis n° 18-A-08 relatif à la liberté d’installation des notaires rendu le 31 juillet 2018 par l’Autorité de la concurrence.

Faute de texte pris par l’autorité de Wallis-et-Futuna organisant la profession sur le territoire et afin de pourvoir à une meilleure organisation de la justice dans cette Collectivité d’Outre-Mer, c’est auprès de Monsieur le Ministre de la Justice qu’il est nécessaire de se tourner afin de pourvoir à la nomination d’un huissier de justice sur place.

Le précédent dû à la nomination de Madame Antonia Tamole par décret présidentiel en date du 12 Février 2018 indique la marche à suivre.

Suite à la décision de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 11 avril 2018 mettant fin à 20 années d’incertitude en considérant comme nulle sa nomination antérieure [5], Madame Tamole a été nommée Procureur de la République sur le fondement de l’article 38 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, qui prévoit que

« Les magistrats du parquet placés hors hiérarchie et les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, et d’inspecteur général de la justice sont nommés par décret du Président de la République après avis du Conseil supérieur de la magistrature ».

Par parallélisme des formes, il nous semble opportun de considérer qu’en raison de l’absence de textes prévoyant la nomination d’huissier de justice à Wallis et Futuna, il est nécessaire d’appliquer l’article 22 du décret N°75-770 du 14 août 1975, qui prévoit que « Les nominations d’huissier de justice sont prononcées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, dans les conditions définies ci-après ».

Le décret N°75-770 du 14 août 1975 n’étant pas applicable à Wallis-et-Futuna [6], et aucun texte n’ayant été pris par l’autorité locale, seule la nomination par arrêté du Garde des Sceaux est donc applicable.

Ce dernier a reçu une demande en ce sens le 18 mai 2021.

Afin de permettre le rayonnement des idéaux de Justice Française dans le pacifique, pour que la Justice puisse « s’incarner auprès de tous, au plus près des besoins », il est essentiel de ne pas oublier le lieu où siègent les derniers Rois de la République Française.

Rémi Oliveras Clerc Collaborateur d'Huissier de Justice - Etude Nouvel (97100)

[1Décret N°75-770 du 14 août 1975.

[2Délibération N°92-122 ATT du 20 août 1992.

[3Délibération modifiée N°33 du 24 août 1978.

[4Décret du 2 Novembre 1942.

[5N° de pourvoi : 17-86.237.

[6Avis de l’autorité de la concurrence n° 16-A-25 du 20 décembre 2016 - §406.

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