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Egalité femmes/hommes : que prévoit la proposition de loi Rixain visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle ? Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.
Parution : vendredi 11 juin 2021
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Le 23 mars 2021, une proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle a été déposée par la députée Marie-Pierre Rixain.

Les chiffres montrent que l’égalité femmes/hommes est loin d’être atteinte. En ce sens, vous pouvez lire notre article Egalité femmes/hommes dans l’entreprise en 2021 : où en est-on ?

Si la loi accorde désormais également et indistinctement les mêmes droits aux femmes et aux hommes, dans la pratique, qu’à poste égal :
- Les femmes gagnent 10,5% de moins que les hommes ;
- Les femmes ont 30% de chances en moins d’être financées par les principaux fonds de capital-risque que les hommes ;
- Aucune femme ne préside une société du CAC 40 ;
- Pire, l’écart entre le capital détenu par les femmes et les hommes s’est considérablement accru, passant de 9% en 1998 à 16% en 2015 (cf exposé des motifs de la proposition de loi Rixain).

Face à ce constat, les députés LREM proposent une loi n°4000 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle.

Celle-ci est divisée en neuf articles.

Vous trouverez ci-après la première version de la proposition de loi.

Vous pourrez trouver également les amendements proposés par la Commission des affaires sociales devant laquelle la proposition de loi a été renvoyée.

1) Les dispositions relatives au droit du travail stricto sensu.

1.1) Index d’égalité professionnelle femmes / hommes : publication de l’ensemble des indicateurs constitutifs du score global des entreprises et mesures de correction.

L’article 6 généralise les dispositions relatives à l’index d’égalité professionnelle adoptées par la loi de finances 2021 en prévoyant la publication de l’ensemble des indicateurs constitutifs du score global des entreprises, ainsi que des mesures de correction.

L’article 6 de la proposition de la loi prévoit une modification de l’article L1142-8 du Code du travail comme suit :

« Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, l’employeur publie chaque année l’ensemble des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, selon des modalités et une méthodologie définie par décret.
Lorsque les résultats obtenus par les entreprises se situent en-deçà d’un niveau défini par décret, l’employeur est tenu de fixer des objectifs de progression de chacun de ces indicateurs.
L’employeur publie chaque année ces objectifs et les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret
 ».

1.2) Publication d’une photographie genrée des 10% de postes à plus forte responsabilité pour les entreprises de plus de 1000 salariés.

Les entreprises de plus de 1 000 salariés devront publier, chaque année, une photographie genrée des 10% de postes à plus forte responsabilité en leur sein dans le but d’atteindre une proportion minimale de représentation d’un sexe parmi ces postes de 30% à cinq ans et 40% à huit ans.

La mise en œuvre de cette mesure doit prendre en compte la situation initiale des entreprises au moment de la publication de la loi.

A cet égard, l’article 7 de la proposition de loi prévoit que le chapitre II bis du titre IV du livre Ier de la première partie du Code du travail sera complétée par un article L1142-11 ainsi rédigé :

« Art. L1142-11 - Dans les entreprises d’au moins mille salariés, l’employeur publie chaque année un indicateur relatif aux écarts de représentation entre les femmes et les hommes aux postes à plus forte responsabilité mentionnés à la deuxième phrase du 2° de l’article L22-10-10 du même Code, selon des modalités et une méthodologie définie par décret ».

Cet article serait également complété par une phrase ainsi rédigé :

« Cet indicateur décrit les actions mises en œuvre pour permettre une représentation minimale de 30% de chaque sexe, selon des modalités et une méthodologie définies par décret. Ce décret prend en compte la répartition par sexe des postes visés au premier alinéa à la date de publication de la loi n° du visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle ».

Cette proportion minimale de représentation d’un sexe de 30% (pour les 10% de postes à plus fortes responsabilité) a pour vocation d’entrer en vigueur cinq ans après la publication de la loi, puis un taux de 40% entrerait en vigueur huit ans après sa publication.

Le chapitre II bis du IV du livre Ier de la première partie du Code du travail serait complété par un article L1142-12 ainsi rédigé :

« Art. L1142-12. - Dans les entreprises d’au moins mille salariés, lorsque les résultats obtenus par l’entreprise, au regard de l’indicateur mentionné à l’article L1142 11, se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’entreprise dispose d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité. À l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du niveau défini par décret, l’employeur se voit appliquer une pénalité financière. Dès lors qu’une pénalité lui est appliquée sur le fondement du présent alinéa, l’employeur ne peut se voir appliquer la pénalité financière prévue à l’article L2242 8.
Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1% des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L242 1 du Code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L741 10 du Code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret. En fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire de deux ans peut lui être accordé pour se mettre en conformité.
Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L135 1 du Code de la sécurité sociale
 ».

Cet article devrait entrer en vigueur huit ans après la publication de la présente loi.

1.3) L’obligation de versement du salaire sur un compte dont le salarié est le détenteur ou le co-détenteur.

Le premier alinéa de l’article L3241-1 du Code du travail disposerait que :

Sous réserve des dispositions législatives imposant le paiement des salaires sous une forme déterminée, le salaire est payé en espèces ou par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal dont le salarié est le titulaire ou le co-titulaire [1].

Cet ajout entrerait en vigueur deux ans après la publication de la loi.

1.4) L’obligation de versement des prestations sociales sur un compte dont le bénéficiaire est le détenteur ou le co-détenteur.

Sans préjudice des situations de subrogation de l’employeur dans les droits de son salarié, les prestations mentionnées aux articles L5422-1 du Code du travail, L323-1, L331-3, L331-8, L331-9, L341-1, L361-1, L622-1, L623-1 et L632-1 du Code de la sécurité sociale sont versées par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal dont le bénéficiaire est le titulaire ou le co-titulaire [2].

Cet article prévoirait ainsi l’obligation de versement des prestations sociales sur un compte au nom de la femme ou de l’homme qui en est bénéficiaire et ce, à compter de deux ans après la publication de la loi.

1.5) L’accès à des dispositifs de formation professionnelle dès la fin des droits des bénéficiaires à la prestation partagée d’éducation de l’enfant.

La prestation partagée d’éducation de l’enfant est versée à taux plein à la personne qui choisit de ne plus exercer d’activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant ou qui suit une formation professionnelle non rémunérée. Elle prévoit également leur accès aux dispositifs de formation professionnelle dès la fin de leurs droits à cette prestation [3].

2) Les autres dispositions.

2.1) Des bases légales préalables à la construction d’un index de l’égalité femmes/hommes dans les établissements du supérieur.

L’article 5 de la proposition de loi n°4000 prévoit des ajouts et des remplacements dans le Code de l’éducation.

Ainsi, l’article L612-1 est complété par un alinéa disposant que

« Pour chacune des formations sanctionnées par un diplôme d’études supérieures, les établissements mentionnés au troisième alinéa du présent article publient chaque année des indicateurs relatifs à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour réduire les inégalités, selon des modalités et une méthodologie définies par décret ».

Au début du titre VII du livre VI de la troisième partie est inséré un chapitre préliminaire dont l’article L670-1 prévoirait qu’à « l’exception de l’accès aux formations de fonctionnaire stagiaire, lorsqu’un jury de sélection ou de concours est constitué pour l’accès aux formations dispensées par ces établissements, sa composition respecte une proportion minimale de 30% des personnes de chaque sexe ».

Enfin, au premier alinéa des articles L681-1, L683-1 net L684-1 du même Code, les mots « loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants » sont remplacés par les mots « loi n° du visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle ».

Ces modifications entreraient en vigueur deux ans après la publication de la loi.

2.2) Augmentation du financement de l’entrepreneuriat des femmes.

Cet article entend augmenter le financement de l’entrepreneuriat des femmes en introduisant des objectifs de mixité dans la politique de soutien à la création et au développement d’entreprises de Bpifrance, s’agissant plus particulièrement de la composition des comités de sélection des projets ainsi que des équipes dirigeantes des projets bénéficiaires.

La proposition de loi prévoit en son article 8 que l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement (Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement - Légifrance (legifrance.gouv.fr) sera ainsi modifiée :
1° Au troisième alinéa de l’article 1A, le mot « féminin » est remplacé par les mots « des femmes ».
2° Après l’article 1A serait inséré un article 1B ainsi rédigé :

« Art. 1B. - Les actions de soutien de la Banque publique d’investissement en faveur de l’entrepreneuriat et du développement des entreprises sont menées en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes, d’une part, parmi les bénéficiaires de ces actions et, d’autre part, au sein des comités de sélection des projets, dont la proportion des membres de chaque sexe ne peut être inférieure à 30%.

Un décret détermine les objectifs de progression de la part des femmes et des hommes bénéficiant des actions de soutien en faveur de l’entrepreneuriat et du développement des entreprises ainsi que les modalités permettant de parvenir à une représentation équilibrée parmi les bénéficiaires ».

2.3) L’extension du bénéfice de places réservées en crèches aux familles monoparentales bénéficiaires de l’allocation de soutien familiale.

La proposition de loi prévoit en son article 4 qu’au « premier alinéa de l’article L214-7 du Code de l’action sociale et des familles, après le mot "personnes", sont insérés les mots : "mentionnées au premier alinéa de l’article L523-2 du Code de la sécurité sociale ainsi que de personnes" ».

Cela aurait pour effet que l’article L214-7 disposerait en son premier alinéa que :

« Le projet d’établissement et le règlement intérieur des établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans, mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L2324-1 du Code de la santé publique, prévoient les modalités selon lesquelles ces établissements garantissent des places pour l’accueil d’enfants non scolarisés âgés de moins de six ans à la charge de personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L523-2 du Code de la sécurité sociale ainsi que de personnes engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle, y compris s’agissant des bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant mentionnée au 3° de l’article L531-1 du Code de la sécurité sociale, et répondant aux conditions de ressources fixées par voie réglementaire, pour leur permettre de prendre un emploi, de créer une activité ou de participer aux actions d’accompagnement professionnel qui leur sont proposées ».

Cet ajout aurait pour effet d’étendre le bénéfice des places réservées en crèches aux familles monoparentales bénéficiaires de l’allocation de soutien familial pour leur permettre de prendre un emploi, de créer une activité ou de participer aux actions d’accompagnement professionnel.

2.4) Description des mécanismes de compensation des dépenses des charges pour l’Etat et les organismes de sécurité sociale.

Enfin, l’article 9 décrit les mécanismes de compensation des dépenses des charges pour l’Etat et les organismes de sécurité sociale en prévoyant que « la charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts ».

Source :

Proposition de loi n° 4000 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle déposée à l’Assemblée nationale le 23 mars 2021.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1Nouvel article L3241-1 du Code du travail) (article 1er de la PPL)

[2Article 2 de la PPL.

[3Premier alinéa de l’article L531-4-1 du Code de la sécurité sociale.