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Diffamation sur internet : l’utilité de l’action en référé. Par Gerard Haas et Amanda Dubarry, Avocats.
Parution : jeudi 3 juin 2021
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La liberté d’expression n’est pas un droit absolu et connaît des restrictions nécessaires à la cohésion sociale, n’en déplaise à certains internautes qui confondent parfois libre critique et règlement de comptes.

La liberté d’expression n’est pas un droit absolu et connaît des restrictions nécessaires à la cohésion sociale, n’en déplaise à certains internautes qui confondent parfois libre critique et règlement de comptes.

Parmi ces restrictions, figure l’infraction de diffamation prévue à l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881.

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».

La publication sur internet de propos excédant les limites de la liberté d’expression à l’encontre d’une personne identifiée ou identifiable fait donc encourir à son auteur une amende de 12 000 euros (article 33 de ladite loi).

Or, le sentiment d’impunité inhérent à internet, la méconnaissance du grand public de la loi sur la liberté de la presse ou encore la tendance générale à donner son avis sur les expériences « clients/patients/utilisateurs », sont autant de facteurs susceptibles d’expliquer la hausse des contentieux en e-reputation.

- Comment réagir en cas d’atteinte à sa e-reputation sur internet ?

Lorsque l’auteur des propos est identifié, la victime a tout intérêt à se tourner vers la voie du référé, procédure d’urgence qui ne juge pas du fond de l’affaire mais qui se borne à constater l’existence d’un trouble manifestement illicite et à ordonner les mesures adéquates pour faire cesser ce trouble.

Dans le cadre de la diffamation, l’action en référé est fondée sur l’article 809 du Code de procédure civile qui dispose que :

« Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

L’actualité du contentieux de la diffamation illustre l’efficacité de cette procédure.

L’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Marseille le 23 septembre 2020 atteste de l’importance pour les victimes de diffamation de réagir rapidement pour faire cesser leur préjudice.

En l’espèce, la requérante, chirurgien-dentiste de profession, déplorait la publication d’un commentaire de la sœur d’une de ses patientes sur sa fiche Google My Business.

Le commentaire litigieux était le suivant :

« Zéro professionnalisme à fuir arnaqueuse et voleuse j’en suis outré ne vous faites pas avoir sur les quelques avis positif que vous avez pu lire sur cette page car vous ferez avoir c’est mon cas vous tomberez sur une équipe au air super gentille super accueillant mais apeurer de la sorcière qui se cache dans la salle de travaille et qui sais comment encaisser l’argent a toute vitesse mais quand on rencontre un litige avec le travail effectué il faut écrire des lettres à Madame pour trouver un arrangement ; A. vous êtes manipuler et injuste et injuste et sa saute aux yeux vous voulez un courrier de ma part le voilà je ne perds plus de temps à vous écrire Madame X ».

Comment voir supprimer rapidement le contenu litigieux mis à disposition du public ?

En l’espèce :
- La requérante était parfaitement identifiée dès lors que le commentaire était inscrit sous sa fiche professionnelle dédiée ;
- La teneur des propos portait manifestement atteinte à son honneur et à sa considération (probité, compétence professionnelle). A cet égard, et même dans le cas d’une assignation en référé, il est indispensable de bien respecter le formalisme de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, à savoir préciser, articuler et qualifier les faits constitutifs de l’infraction de presse dans la citation, à peine de nullité [1] [2].

Le juge a ainsi ordonné la suppression de l’avis publié sur la fiche Google My Business de la requérante. Les sœurs (la patiente et l’auteur des propos qui avait agi sous ses instructions) ont également été solidairement condamnées au versement de 300 euros de dommages-intérêts et de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les professionnels ont donc des moyens pour défendre leur e-reputation. Encore faut-il qu’ils déploient des moyens de veille e-réputationnelle et agissent dans les délais. Rappelons en effet que les infractions en droit de la presse suivent un délai de prescription particulièrement court de 3 mois à compter de la première publication.

Gerard Haas Docteur en droit Avocat associé fondateur du Cabinet HAAS Avocats Amanda Dubarry Collaboratrice au sein du Cabinet HAAS Avocats

[21re, 26 sept. 2019, FS-P+B, nos 18-18.939 et 18-18.944.