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La garde des enfants mineurs en cas de divorce ou de séparation. Par Hélène Potier, Avocat.
Parution : jeudi 3 juin 2021
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Lorsqu’un couple se sépare ou divorce, les parents doivent impérativement se mettre d’accord sur la garde (ou la résidence) des enfants. Il s’agit pourtant d’une décision difficile à prendre et il est rare que les parents parviennent à un accord. Il reviendra donc au Juge aux Affaires Familiales de trancher sur la question de la garde des enfants selon un seul critère : l’intérêt des enfants.

Qui décide à qui est confiée la garde des enfants ?

Que ce soit dans le cadre d’un divorce ou bien dans le cadre d’une séparation, l’article 373-2-9 du Code civil prévoit que la résidence des enfants peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’entre eux.

La fixation de cette résidence résulte :
- soit d’un accord entre les parents,
- soit d’une décision du juge aux affaires familiales en cas de désaccord.

Quels sont les critères qui permettent de déterminer la résidence des enfants ?

En cas de désaccord, ce sera donc au Juge aux Affaires Familiales de trancher.

Conformément à l’article 373-2-6 du Code civil, le Juge aux Affaires Familiales doit veiller à la sauvegarde des intérêts des enfants mineur.

Le seul critère pris en compte est donc celui de l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’article 373-2-11 du Code civil précise par ailleurs que

« Lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération :
1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ;
2° Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ;
3° L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre ;
4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant ;
5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 ;
6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre
 ».

- Pratique et accords antérieurement passés entre époux.

Il s’agit ici de préserver une certaine continuité dans la vie de l’enfant.

Ainsi, si les parents avaient par exemple fait le choix de scolariser leurs enfants dans une école précise comme un établissement privé, le Juge pourra éventuellement estimer qu’il est dans l’intérêt des enfants de maintenir leur à proximité de cette école.

Par ailleurs, si au cours de la séparation et avant que la procédure en divorce ne soit initiée les parents ont convenu d’un certain mode de garde des enfants, le Juge pourra également décider de maintenir le mode mis en place par les parents.

- Sentiments exprimés par l’enfant mineur.

L’article 388-1 du Code civil dispose que

« dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.
L’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. Le juge s’assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat
 ».

Il s’agit donc d’un droit pour l’enfant lorsqu’il en fait la demande, s’il est capable de discernement.

La loi ne donne pas de définition précise au terme « capable de discernement ». Dans la pratique, les juges auront tendance à considérer qu’un enfant trop jeune n’est pas capable de discernement.

Il est à noter que le Juge n’est jamais tenu par la parole de l’enfant, qui sera donc prise en compte, mais qui ne déterminera pas forcément la décision du Juge.

En effet, les sentiments exprimés par l’enfant ne correspondent pas toujours à son intérêt.

- Aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et à respecter les droits de l’autre.

Le Juge examinera quel parent sera le plus apte à respecter les droits de l’autre parent auprès des enfants, afin de permettre le maintien des liens parentaux.

Il est ainsi déjà arrivé que le Juge décide de transférer la garde des enfants s’il apparaît que le parent qui a la résidence habituelle tente d’éloigner les enfants de l’autre parent.

- Résultat des éventuelles expertises.

Le Juge peut prendre en considération les éventuelles expertises effectuées.

Le Juge peut également décider d’ordonner une enquête sociale ou un examen médico-psychologique des enfants et de ses parents afin de lui permettre de mieux appréhender la situation familiale et les conditions dans lesquelles vivent les enfants.

Le Juge ne sera cependant aucunement lié par les conclusions des éventuelles expertises ou enquêtes rendues.

- Existence d’une fratrie.

L’article 371-5 du Code civil prévoit que

« l’enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs, sauf si cela n’est pas possible ou si son intérêt commande une autre solution. S’il y a lieu, le juge statue sur les relations personnelles avec les frères et sœurs ».

Le Juge veillera ainsi à préserver le plus possible les liens entre les frères et sœurs.

- Pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

Cette disposition a été introduite par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes.

Quels choix s’offrent au Juge aux Affaires Familiales ?

Le Juge aux Affaires Familiales devra donc décider chez quel parents les enfants résideront.

Deux possibilités s’offrent au Juge :

- Résidence habituelle chez l’un des parents.

Il est très souvent difficile pour le Juge de choisir le parent chez lequel les enfants résideront, lorsque les deux parents présentent des capacités éducatives similaires et qu’ils sont tous deux aptes de la même façon à recevoir les enfants au quotidien.

Le Juge devra donc faire un choix en prenant en compte les critères ci-avant développés.

En cas de résidence habituelle des enfants au domicile de l’un des parents, un droit de visite et d’hébergement sera mis en place pour l’autre parent.

Ce droit de visite ne peut être refusé à l’un des parents que pour motifs graves [1]. Le Juge devra alors justifier une telle décision par les termes ou les conclusions d’une expertise ou bien encore d’une décision pénale.

En général, la saisine du juge des enfants sera parallèle puisque ces cas révéleront la mise en danger des enfants.

- Résidence alternée.

La résidence alternée a été consacrée par la loi du 4 mars 2002.

La fixation d’une résidence alternée implique la réunion de différents éléments, bien qu’aucun critère précis ne soit défini dans la loi.

Néanmoins l’analyse de la jurisprudence permet de dégager certains critères.

Ainsi, la résidence alternée ne pourra être mise en place que dans la mesure où elle permet une continuité du mode de vie de l’enfant, ce qui implique notamment une certaine proximité entre les deux domiciles des parents : les enfants doivent pouvoir fréquenter une seule et même école sans que la durée des trajets ne soit excessive.

L’âge des enfants peut aussi être un critère déterminant. Certains psychologues et psychiatres par exemple ne préconisent pas ce mode de résidence lorsque l’enfant a moins de trois ans.

L’entente entre les parents est également un élément important pris en compte par le Juge.

Enfin, il est également possible depuis la loi du 4 mars 2002 de prescrire la résidence alternée à « durée déterminée » conformément à l’article 373-2-9 du Code civil qui dispose :

« A la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ».

Le Juge doit alors renvoyer les parties à une audience ultérieure préalablement fixée afin de lui permettre d’examiner à nouveau la situation familiale et l’opportunité d’une résidence alternée.

- Conséquences fiscales de la résidence alternée.

Sauf accord des parents, les enfants mineurs résidant en alternance chez chacun de leurs parents sont à la charge fiscale des deux parents, conformément à l’article 194, II du Code général des impôts.

Il faut noter que si les enfants sont rattachés au foyer fiscal des deux parents, alors en cas de paiement d’une pension alimentaire par l’un des parents, celui-ci ne peut bénéficier en plus de la déductibilité des pensions qu’il paye [2].

En effet, le parent débiteur n’a pas la possibilité de déduire les pensions si les enfants sont d’ores et déjà pris en compte pour la détermination du quotient familial et le parent créancier n’a pas à les déclarer [3].

- Conséquences de la résidence alternée sur les prestations sociales.

Les allocations familiales peuvent faire l’objet d’un partage entre les parents.

Néanmoins certaines allocations sont exclues de cette possibilité de partage et notamment l’Allocation pour jeune enfant (AJE), la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) et l’allocation enfant handicapé (AEH).

Que faire en cas de déménagement de l’un des parents ?

Le parent qui envisage de déménager doit impérativement informer l’autre parent en temps utile du changement de sa résidence si ce changement a une incidence sur les conditions d’exercices de l’autorité parentale.

Attention, le fait de déménager sans attendre l’autorisation de l’autre parent ou du Juge aux Affaires familiales pourra être considéré comme un manque de respect des droits de l’autre parent et pourra avoir une incidence sur l’attribution de la garde des enfants.

En cas de désaccord sur les nouvelles modalités relatives à la garde des enfants, l’un ou l’autre des parents peut saisir le Juge aux Affaires Familiales qui statuera selon l’intérêt des enfants.

Le Juge pourra également revoir les charges financières des parents et notamment répartir les frais de déplacement et ajuster le montant de la pension alimentaire.

Le fait pour le parent dont les enfants résident chez lui de déménager sans en informer l’autre parent dans le délai d’un mois à compter de ce déménagement est un délit qui peut être puni d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Hélène POTIER Avocat au Barreau de Paris Site internet : https://potier-avocat.com

[1Civ. 1re 14 mars 2006, no 04-19.527.

[2Article 156 Code général des impôts.

[3Article 80 septies du Code général des impôts.