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Fonds de dotation et association loi 1901, quelle différence ? Par Elsa Lourdeau, Avocat.
Parution : vendredi 4 juin 2021
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Les fonds de dotation sont apparus dans le paysage français des structures à but non lucratif en 2008 (Article 140 de la loi N°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME) et connaissent depuis un franc succès. Il s’en créé presque 300 par an sur le territoire national et près de 1 800 fonds de dotation sont aujourd’hui actifs en France.

Cela reste toutefois un outil peu connu en comparaison de l’association loi 1901, qui est la structure non lucrative par excellence, avec pas moins de 70 000 créations d’associations tous les ans sur le territoire national et plus d’1,5 millions d’associations actives en France à ce jour.

Les fonds de dotation méritent donc à gagner en notoriété. Ils s’avèrent être des structures intéressantes, parfois plus adaptées qu’une association, selon les caractéristiques du projet envisagé.

Découvrez dans cet article dans quelles circonstances les fonds de dotations peuvent être des outils pertinents et comment ils se distinguent d’une association loi 1901 classique.

Le Fonds de dotation : un patrimoine d’affectation au service de l’intérêt général.

Un fonds de dotation est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant des biens et droits de toute nature. Ces biens lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable.

Pour fonctionner, le fonds de dotation dispose de deux options : soit il utilise ses biens et les revenus qu’il lui procure, en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général, soit il les redistribue pour assister une autre personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général.

Schématiquement, il existe donc deux catégories différentes de fonds de dotation :
- Ceux qui gèrent directement leurs biens pour réaliser une œuvre d’intérêt général, ce sont les fonds de dotation « opérationnels » ;
- Et ceux qui rétribuent leurs biens, à des personnes morales à but non lucratif pour les assister dans l’accomplissement de leurs propres œuvres d’intérêt général : ce sont les fonds de dotation dit « redistributeurs ».

Comme l’outil est pensé avec souplesse par le législateur, les fonds de dotation peuvent aussi choisir d’être à la fois opérationnels et redistributeurs, on parle alors de fonds de dotation « mixte ».

Sur le plan de la gouvernance, un fonds de dotation est une structure très maniable.

Ses fondateurs ont carte blanche pour décider des règles d’administration. La seule contrainte est qu’il faut réunir a minima trois membres pour le conseil d’administration du fonds. En dehors de cette contrainte, un fonds de dotation s’organise librement : création de fonctions spécifiques (trésorier, secrétaire, président d’honneur, etc.), modalités de convocation, fréquence des réunions, règles de quorum et de majorité, liens et relations avec les autres organes du fonds de dotation (Président, conseil d’administration, comité stratégique, comité d’investissement consultatif, etc.), tout est définit librement par ses fondateurs dans les statuts du fonds.

+ Bon à savoir : le cadre légal du fonds de dotation a tellement été réduit à sa plus simple expression que quelques mois après sa création la Direction des affaires juridiques du ministères de l’économie et des finances (la DAJ) a décidé de créer une instance informelle de réflexion sur les fonds de dotation, dénommée le « Comité stratégique des fonds de dotation » qui a œuvré pendant 18 mois et produit 11 recommandations pour les créateurs de fonds de dotation [1]. Pour ne pas enfermer les porteurs de projets, il a été décidé de ne pas mettre à disposition du public des « statuts type » d’un fonds de dotation, en revanche, un clausier très complet a été réalisé par les services du Minefi [2].

L’Association loi 1901, un regroupement de personnes dans un but autre que de partager des bénéfices.

L’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 définit l’association comme un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices.

Une association est donc avant tout un groupement de personnes qui cherche à mettre leurs compétences, leur savoir-faire en commun pour agir dans un but non lucratif.

Pour synthétiser on peut retenir qu’un fonds de dotation est une structure qui a vocation à gérer une somme d’argent qui lui a été donnée, pour réaliser ou faire réaliser une mission d‘intérêt général alors qu’une association réunit quant à elle plusieurs personnes qui cherchent à initier un projet, dans un but non lucratif, sans qu’il n’y ait initialement de patrimoine impliqué. Schématiquement, on peut retenir qu’un fonds de dotation est « instrument financier » alors qu’une association est une « institution sociale » [3].

Fonds de dotation ou association ? Les bonnes questions à se poser.

L’élément différenciant fondamental entre une association et un fonds de dotation tient à l’objet du projet envisagé : s’agit-il d’une mission d’intérêt général ?

Un fonds de dotation a toujours pour objectif de servir une mission d’intérêt général, il a été créé par le législateur à cette fin spécifique alors que l’association peut avoir cet objectif de satisfaire à une mission d’intérêt général, mais ce n’est absolument pas un prérequis.

Les circonstances dans lesquelles ont été créés les fonds de dotation par le législateur français permettent de comprendre l’esprit de cette institution. En effet, la création des fonds de dotation a été inspirée des endowment funds, qui sont des contrats de droit américain (et non des structures ayant une personnalité morale propre) qui ont permis dans les années 80 le financement de grandes universités (Harvard, Princeton, Yale, etc.) ou de musées (le Getty, le Met, etc.) par des capitaux privés, en garantissant que l’argent donné et ses intérêts seraient utilisés à une fin exclusivement dédiée à l’objectif poursuivi par le donateur.

L’idée ayant donné naissance aux fonds de dotation est exactement celle des endowment funds : le fléchage des dons privés à des fins bénéfiques à l’Etat.

Le fonds de dotation a donc été créé par l’Etat pour devenir un véhicule de collecte du mécénat privé affecté à un objet d’intérêt général. Il s’agit d’un outil privilégié pour financer l’intérêt général et certains y voient d’ailleurs l’aveu d’un désengagement de l’Etat. On peut plutôt y voir l’évolution de la perception que l’Etat se fait du secteur du mécénat : un secteur indispensable pour financer le bien commun. La création des fonds de dotation en 2008 a d’ailleurs été suscitée par les fortes contraintes budgétaires subies par les établissements publics culturels français et la nécessité d’accepter l’apport de capitaux étrangers des Emirats Arabes Unis pour financer l’ouverture du Louvre d’Abu Dhabi.

Il résulte de tout ce qui précède que la question de la création d’un fonds de dotation mérite d’être posée à tous les porteurs de projets qui envisagent d’exercer une activité qui s’inscrit dans le cadre d’une mission d’intérêt général. A l’inverse, en l’absence de mission d’intérêt général, le choix d’un fonds de dotation ne se justifie pas.

Mais que faut-il entendre précisément par « mission d’intérêt général » au sens de la loi ?

Une mission d’intérêt général est caractérisée lorsque plusieurs conditions cumulatives sont réunies : en premier lieu, l’activité de la structure doit présenter l’un des caractères suivants, énumérés à l’article 200 b) à d) et f) du Code Général des Impôts : un caractère philanthropique, social, scientifique, éducatif, humanitaire, sportif, culturel, concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, concourant à la défense de l’environnement naturel, concourant à la diffusion de la culture, de la langue française, etc [4].

En second lieu, il faut satisfaire une triple condition qui tient aux modalités d’exercice de l’activité de cette structure : il faut que l’activité soit non-lucrative, que la structure qui l’exerce soit gérée de manière désintéressée et ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes, c’est-à-dire qu’elle poursuive les intérêts particuliers d’une ou plusieurs personnes clairement individualisées, membres ou non du fonds de dotation.

L’appréciation de la condition de l’intérêt général dépend de la satisfaction de toutes ces conditions et s’analyse in concreto pour chaque cas d’espèce.

En pratique, l’enjeu de la qualification de l’activité de mission d’intérêt général d’un organisme est un enjeu fiscal, à un double titre :
- D’une part, les revenus de telles structures ne sont pas soumis aux impôts commerciaux (IS, TVA et CET) et,
- D’autre part, les versements que ces organismes reçoivent ouvrent droit au régime fiscal du mécénat (réduction d’impôt octroyée aux donateurs) et sont exonérés de droits d’enregistrements.

Cependant, ce régime fiscal de faveur n’est pas spécifique aux fonds de dotation, il est commun à la généralité des organismes sans but lucratif et s’applique donc aussi aux associations. C’est là que le bât blesse.

Si le régime fiscal des fonds de dotation et des associations est similaire, comment peut-il s’agir d’un critère distinctif ?

Voici l’explication : le fonds de dotation a par définition l’objectif intrinsèque d’entrer dans ce régime fiscal avantageux puisque la raison de sa création est de collecter des fonds pour réaliser une mission d’intérêt général et de soumettre ces fonds à un régime fiscal avantageux pour ses donateurs.

Si un fonds de dotation est créé et qu’il s’avère ultérieurement qu’il ne cherche pas à satisfaire une mission d’intérêt général, il entrera en infraction avec sa raison d’être. Il sera bien sûr privé de son régime fiscal avantageux pour tous les dons qu’il aura pu collecter, mais au-delà, il pourrait même être conduit à la suspension voire à la dissolution forcée par intervention de son autorité de tutelle, la Préfecture.

A l’inverse, lorsqu’une association est créée, il se peut que l’on souhaite accomplir grâce à elle une mission d’intérêt général mais ce n’est pas systématique. Pléthores d’associations sont créées pour satisfaire des intérêts privés, totalement étrangers à l’accomplissement d’une œuvre d’intérêt général (ex : un club sportif, une association exploitant une salle de spectacle, etc.).

Et quand bien même une association souhaite accomplir une mission d’intérêt général, elle peut également envisager de l’accomplir sans satisfaire à tous les critères du régime du mécénat, puisqu’elle dispose d’autres moyens pour y parvenir que de procéder à une collecte de fonds privés. Une association peut en effet compter sur l’obtention de subventions publiques, ce qui est totalement exclu dans le cadre d’un fonds de dotation, qui a vocation à recueillir exclusivement des fonds issus du secteur privé.

Un fonds de dotation est donc bien plus dépendant du régime fiscal du mécénat que l’association puisque les dons constituent l’intégralité de ses ressources.

Ce constat nous conduit au point central de notre réflexion : lorsque l’activité des porteurs de projets répond aux critères de la mission d’intérêt général, quel avantage à choisir un fonds de dotation plutôt qu’une association ?

Le fonds de dotation : le choix d’un véhicule souple, transparent qui procure un effet de levier purement privé.

En optant pour un fonds de dotation, il s’agit de se doter d’un véhicule juridique solide, d’une structure d’envergure qui revendique son intégrité par le choix même de son statut.

Un fonds de dotation est une structure qui flèche de l’argent issu du secteur privé sur de la mission d’intérêt général. A l’inverse, seule une infime portion des associations loi 1901 peuvent prétendre satisfaire aux critères de la mission d’intérêt général. En d’autres termes, créer un fonds de dotation c’est un levier de réputation.

+ Focus vocabulaire : on peut regretter que le législateur ait baptisé cette institution « fonds de dotation ». C’est une appellation qui n’exprime pas suffisamment l’idée qu’il s’agit d’une structure dédiée au bien commun, désintéressée, et surtout c’est une appellation fait écho à tort au secteur financier du private equity (les « fonds de placement », les « fonds d’investissements », etc.) ou selon les sensibilités, à celui du mécénat institutionnel (les « fondations ») qui ne partagent que très peu de points commun avec les fonds de dotation tant il s’agit d’un véhicule juridique souple et accessible au plus grand nombre.

Ensuite, un autre avantage à créer un fonds de dotation par rapport à une association tient à la liberté d’action d’un fonds de dotation par rapport aux pouvoirs publics. En effet, en principe, un fonds de dotation n’a pas le droit de recevoir de subventions publiques. C’est une structure qui échappe en quelque sorte à la tutelle de l’Etat et répond donc uniquement des capitaux privés. Les subventions ayant bien souvent pour revers la soumission à un cahier des charges très strict, cette particularité du fonds de dotation est à prendre en considération.

Cependant attention, les fonds de dotation peuvent exceptionnellement être utilisés par les entités publiques : une collectivité publique ou un établissement public peuvent créer eux-mêmes un fonds de dotation mais devront solliciter une dérogation ministérielle pour pouvoir lui apporter des fonds publics.

Par ailleurs, un fonds de dotation est un véhicule qui suscite la confiance. Pour commencer il est encadré par l’intervention systématique d’un commissaire aux comptes [5], gage de transparence pour les donateurs.

Un fonds de dotation est aussi soumis à des contrôles. En effet, le fonds de dotation est un outil très souple qui fonctionne et gère ses fonds de façon indépendante des pouvoirs publics, mais sa liberté a pour corollaire logique un dispositif de contrôle a posteriori strict et gradué :
- Un fonds de dotation est obligé de déposer annuellement un rapport d’activité à la Préfecture,
- Le préfet dispose d’un droit de suspension si ce rapport ne lui est pas remis ou s’il ne donne pas entière satisfaction,
- Dans les cas extrêmes, le préfet peut également recourir à l’autorité judiciaire pour solliciter la dissolution d’un fonds de dotation.

Ce dispositif de contrôle est aussi doublé de sanctions pénales en cas de violation des règles liées à la bonne gestion financière du fonds de dotation.

Enfin, un fonds de dotation suscite la confiance car il requiert une dotation initiale de 15 000 euros, gage de sérieux du projet engagé. Cette mise de fonds initiale est un prérequis qui a été ajouté par le législateur en 2015 [6]. Le législateur craignait en effet que le fonds de dotation soit utilisé à mauvais escient par des porteurs de projet peu scrupuleux de satisfaire à une mission d’intérêt général.

Pour conclure, le fonds de dotation apparaît comme un outil juridique facile à créer, et à appréhender, avec un vrai potentiel de captation de dons issus du secteur privé.

La création d’un fonds de dotation est ainsi une option intéressante pour des entreprises qui cherchent à mettre en œuvre une politique de RSE qui se traduit par des engagements financiers concrets par exemple. C’est un véhicule juridique qui conviendra également à des porteurs de nouveaux projets, qui peuvent trouver dans sa souplesse un moyen d’innover et un gage de confiance et de transparence financière.

Enfin, c’est un outil également utile pour les associations préexistantes, qui cherchent à produire un effet de levier spécifique dans le financement d’un projet d’intérêt général. Tel a été le modèle de développement de Terre de Liens, une association créée en 2003 qui favorise l’accès des paysans à la terre et soutient le dynamisme des territoires ruraux et le développement d’une agriculture respectueuse de l’environnement.

Cette structure s’est d’abord constituée en sous la forme d’une association pour constituer le socle de son mouvement, et ensuite elle s’est dotée d’un fonds de dotation pour le financement de ses projets en 2009 et d’une foncière pour l’acquisition du foncier agricole. Cet exemple vient illustrer que les fonds de dotation ne viennent pas concurrencer les associations loi 1901, mais constituent un outil complémentaire, qui vient enrichir et diversifier le mécénat en France.

Vous l’aurez compris, il existe de nombreuses différences entre un fond de dotation et une association. Leur but et leur fonctionnement sont bien différents.

Le choix doit se faire à l’aune de ce qui sert le mieux votre projet, n’hésitez pas à vous faire accompagner !

Elsa Lourdeau, Avocat au Barreau de Lyon, EL Avocat

[3Terminologie empruntée à Catherine Bergeal, directrice de la Direction des Affaires Juridique du Minefi, Jurisassociations n°395, 15 mars 2009, consultable ici : https://www.economie.gouv.fr/files/2019-09/tribune_JA395.pdf

[4Chacune de ces activités sont détaillées dans le bulletin officiel des impôts : BOI IR RICI-250-10-20-101, téléchargeable ici : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/5837-PGP.html/identifiant%3DBOI-IR-RICI-250-10-20-10-20170510

[5La loi requiert qu’un Commissaire aux comptes soit désigné dans les fonds de dotation dès lors que le montant total de ses ressources dépasse 10 000 euros en fin d’exercice. (Article 140 de la loi du 4 août 2008 VI, consultable ici : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000038610543).

[6Décret n° 2015-49 du 22 janvier 2015 relatif aux fonds de dotation, consultable ici :https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/fondsdedotation/pdf/decret-2015-49.pdf

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