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Start up d’Etat, Catalogue tech : les outils de la transformation numérique du service public.
Parution : lundi 28 juin 2021
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Rendre les services publics plus efficaces grâce à des solutions numériques, voici un des objectifs de la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM). Pour l’atteindre, deux solutions : créer soi-même la solution ou s’appuyer sur les offres existantes... ou mieux encore, faire les deux : c’est ce qu’a choisi de faire la DINUM au travers des Start up d’État [1] d’une part, du Catalogue Gouv Tech d’autre part.
Pour en parler, le Village de la Justice a rencontré Florian Delezenne, chef de la mission BETA et Sabine Guillaume, cheffe de la mission LABEL et du programme Tech.Gouv de la d’accélération de la transformation numérique de l’État conduit par la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM).

Comment s’inscrit la création de Startup d’État dans l’écosystème plus global des Legaltech ? L’incubateur qu’est Beta.-gouv ne vient-il pas fausser le jeu de libre concurrence entre les start up ? À l’inverse une collaboration est-elle possible ?

Florian Delezenne : "Je crois qu’il faut revenir sur le terme de "startup" que nous utilisons. En réalité, notre idée est de créer des services numériques utiles, qui améliorent les services publics de l’intérieur. Ce que nous empruntons aux Startup c’est l’approche itérative, en cycle. L’approche uniquement, et non pas le modèle économique. Nous n’avons pas pour but de générer du chiffre d’affaires !

Ce que nous empruntons aux Startup c’est l’approche itérative, pas le modèle économique.

Nous sommes partis du constat que plusieurs projets numériques de l’État ont été lancés, qu’ils ont coûté cher mais qu’ils ont été un échec, notamment car ils prenaient trop de temps. Donc par le biais des Startup d’État nous avons également voulu resserrer une équipe autour d’un problème durant un court laps de temps (6 mois), en étant guidée par un but : l’impact sur le réel."

Quel est l’objectif in fine d’une Startup d’État : rester dans le "giron" de l’État ? être éventuellement transférée au privé ? Être en open source ? Est-ce possible, s’agissant de domaines régaliens comme l’État, que celui-ci passe complètement la main ?

F.D : "Tout est en open source, c’est en tout cas la règle. Le fermer est une exception qu’il faut justifier (exemple : pour des raisons de sécurité).

En 2015, il existait un seul incubateur au niveau de l’État, qui recevait toutes les sollicitations.

Florian Delezenne

Aujourd’hui nous en comptons 12 qui bénéficient chacun de domaine d’expertise et dont la méthode unique consiste à partir du besoin des citoyens pour créer un service public de qualité.
Que la démarche vienne d’un agent sur le terrain ou d’une administration qui est convaincue que ce format répondra à sa demande, la méthode de Startup d’État se compose de 4 phases principales :
- la première d’investigation pour mieux comprendre les besoins des usagers et déterminer les hypothèses de solutions susceptibles d’avoir le meilleur impact ;
- la seconde de construction permettant de tester en conditions réelles une ou plusieurs hypothèses de solutions ;
- la troisième d’accélération pour améliorer et déployer le service si son utilité est avérée, avec l’objectif de maximiser son impact ;
- et enfin la dernière de transfert ou de consolidation permettant d’aider l’administration porteuse à pérenniser le service numérique et à maintenir l’approche centrée sur les utilisateurs dans la durée.

L’objectif : créer des services numériques utiles, simples, faciles à utiliser et qui répondent vraiment aux besoins des usagers et d’améliorer le service dont ils bénéficient.

Objectif : créer des services numériques qui répondent vraiment aux besoins des usagers.

Il peut d’ailleurs arriver que le format de Startup d’État ne soit pas le plus approprié, c’est pour cette raison qu’existent les phases d’investigation et de construction. Beta.gouv est à la disposition des administrations pour répondre à leur besoin de manière pertinente lorsqu’il n’existe pas de solutions sur étagère. Tous les six mois, un comité d’investissement détermine, en fonction des résultats du service et de son impact, s’il convient de continuer ou d’arrêter la Startup d’État. D’ailleurs, nous nous attachons à rappeler ce droit voire même ce devoir à l’erreur pour nous assurer de proposer une offre de qualité favorisant les propositions, tests, réorientations des projets dans l’optique de toujours répondre à notre objectif de base. [2]

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le programme FAST ?

F.D : "Le Fonds d’accélération des Startups d’État et de Territoire (FAST) est un appel à candidature qui a pour objectif de favoriser l’accélération des produits numériques en soutenant financièrement des projets apportant des solutions concrètes à des "irritants administratifs" ou à des problèmes de politique publique de grande ampleur (par exemple, lutter contre le gaspillage des déchets organiques, améliorer l’accès à la formation, faciliter les conditions scolaires pour les enfants handicapés, ouvrir les données de transports…). Quatre fois par an, jusqu’à 1 million d’euros en provenance de la direction interministérielle du numérique (DINUM) peut être partagé par plusieurs lauréats.

L’appel à candidatures de la 8ème édition du FAST en 2021 est ouverte et l’équipe de Beta.gouv a annoncé courant mai 2021 les lauréats suivants : 
• Eva, favorisant l’insertion en détectant les compétences transversales et valorisant les potentiels à travers un outil de mise en situation numérique ;
• Histologe, facilitant le signalement et accélérant la prise en charge du mal-logement ;
• Estime, soutenant la reprise d’activité des demandeurs d’emploi en leur permettant de connaitre les ressources financières dont ils disposeront ;
• Chauffage Urbain, accélérant le raccordement des copropriétés aux réseaux de chaleur ;
• e-MJPM, accélérant la mise en relation avec un professionnel compétent pour les majeurs à protéger ;
• Mon Suivi Psy, améliorant l’accompagnement des patients souffrant de troubles psychiatriques ;
• L’incubateur du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, améliorant la qualité et la pertinence du service rendu aux usagers et aux agents du ministère en créant et accompagnant des Startups d’État.

Parmi les critères de sélection, nous référençons la mise en place d’une solution à un problème de politique publique, la mesure de l’impact de la solution de façon chiffrée, la réalisation d’une feuille de route claire, la nécessité de l’appui de la DINUM pour déployer le produit, l’existence d’un sponsor administratif garantissant un co-financement pour la période d’accélération du produit."

Qu’est-ce qui poussent des personnes privées à se lancer dans l’aventure Startup d’État alors que les projets ne sont pas certains d’aboutir ?

F.D : "La communauté Beta.gouv offre la possibilité aux agent publics de contribuer activement à créer des services publics qui répondent aux besoins des usagers. Plusieurs métiers se retrouvent au sein des équipes de Beta.gouv, des talents de la tech, du déploiement, de l’intraprenariat ; tant de domaines d’expertises nécessaires pour créer des services de qualité pour les usagers.

Plusieurs métiers se retrouvent au sein de Beta.gouv, des talents de la tech, du déploiement, de l’intraprenariat.

Ces équipes diversifiées regroupent des talents de tous horizons qu’ils proviennent du secteur privé et du secteur public. Et même au sein du public, nous pouvons aussi bien avoir une directrice de SPIP, un magistrate, une chargée de mission d’un ministère de justice...C’est d’ailleurs toute la richesse de la communauté Beta.gouv !"

En juin 2021, la communauté compte au total 257 agents publics, 293 indépendants, et 68 prestataires.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le catalogue GouvTech lancé récemment par la DINUM ayant pour mission de s’appuyer sur des offres du marché pour rendre encore plus efficaces les services publics ?

Sabine Guillaume : "De nombreuses solutions et outils sont disponibles sur le marché et l’État a souhaité s’en saisir pour améliorer l’efficacité de ses services publics.

Sabine Guillaume

A ce stade, la démarche du catalogue est simple, il s’agit de référencer les solutions et outils numériques du marché pour créer des services publics encore plus performants.

Pour ce faire tous les acteurs de la tech (entreprises et administrations) fournisseurs de logiciels et services numériques, souhaitant être référencés ou les utiliser, sont invités à en prendre connaissance et à se référencer et l’opportunité pour ces acteurs est d’accroître la notoriété de leur solution en intégrant une communauté et contribuer à l’amélioration des services publics."

S’agissant du catalogue GouvTech : quel en est-l’intérêt pour les legaltech qui y sont répertoriées ? Elles sont simplement référencées ou cela-va-t-il plus loin (partenariat ?)

S.G : "Effectivement, l’appel au référencement en ligne est lancé depuis mi-janvier. Dès septembre, après le référencement de leur solution, les fournisseurs seront ensuite incités à l’auto-évaluer selon près de 70 critères (portant sur des thématiques très larges, responsabilité, conception, sécurité, ouverture des données…), définis par toutes les parties prenantes associées à la mission LABEL. Pour 2022, l’ambition est d’installer une procédure de labellisation par un tiers que les fournisseurs pourront solliciter pour renforcer l’objectivité des indicateurs jugeant leur solution (autoévaluation, avis des autres utilisateurs).

L’objectif de ce catalogue est d’aider les acheteurs publics au niveau du sourcing.

L’objectif de ce catalogue est de permettre de pré-qualifier les offres de l’achat public, d’aider les acheteurs publics au niveau du sourcing. Il ne s’agit donc pas de partenariat pour les entreprises qui y sont référencées.

Plusieurs acteurs legaltech y sont déjà référencés et nous réfléchissons à redéfinir des mots clefs pour faciliter leur identification, car le terme "juridique" n’est pas suffisant et nous comptons par ex repréciser et affiner les termes comme par ex : Blockchain, IA etc. [Pour en savoir plus sur le catalogue GouvTech et la démarche menée par LABEL]"

Propos recueillis par Nathalie Hantz Rédaction du Village de la Justice

[1Pour plus d’explications sur les start d’up d’Etat, lisez notre article sur le sujet.

[2En savoir plus sur Beta.gouv..