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Les avantages fiscaux de l’investissement forestier. Par Myriam Benarroche, Avocat.
Parution : vendredi 11 juin 2021
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La sylviculture, qui est le développement, la gestion et la mise en valeur d’une forêt ou d’un bois est considérée comme une activité agricole par le Ministère des Finances.
Elle est donc pleinement intégrée à la fiscalité agricole et les pouvoirs publics ont eu l’occasion de prendre des dispositions particulières afin d’encourager l’investissement forestier. C’est également l’un des outils utilisé par l’État pour orienter la gestion des forêts privées.

Les investisseurs forestiers sont susceptibles de supporter plusieurs types d’impôts et de taxes : l’impôt sur le revenu forestier, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la taxe foncière sur les terrains boisés, les droits de mutation des forêts et parcelles boisées ; mais également l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) ou encore les plus-values sur les terrains forestiers.

Ainsi, l’investissement forestier a de larges possibilités de rendement offrant de belles possibilités de défiscalisation, il constitue une niche fiscale qui permet de réduire le montant de sa charge fiscale pour le contribuable, mais il peut s’avérer également extrêmement intéressant pour les entreprises. Dans cette étude mettant en lumière les avantages fiscaux relatifs à l’investissement forestier, nous nous concentrerons sur les avantages procurés tant au niveau de l’impôt sur le revenu, qu’au niveau de la TVA forestière mais également au niveau des plus-values opérées sur terrain forestier.

C’est pourquoi il est légitime de se demander quels peuvent être les différents avantages fiscaux issus de l’investissement forestier ?

I. Les avantages fiscaux pour les contribuables personnes physiques.

En vertu des articles 199 decies H et 200 quindecies du Code général des impôts (CGI), les personnes physiques qui, dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, réalisent jusqu’au 31 décembre 2022 des opérations forestières peuvent bénéficier d’avantages fiscaux, qui prennent la forme de réductions d’impôt ou de crédits d’impôt selon la nature des opérations.

Néanmoins, la réduction d’impôt liée à l’investissement forestier entre dans le plafonnement global des niches fiscales de 10 000 € par an et par foyer fiscal. Ce dispositif, qui devait prendre fin le 31 décembre 2020, a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2022 par l’article 103 de la loi 2020-1721 du 29 décembre 2020.

Ainsi, l’investissement forestier réalisé par une personne domiciliée en France lui permet de bénéficier d’un avantage fiscal au titre de l’impôt sur le revenu (IR).

Plusieurs Dispositifs d’Encouragement Fiscaux aux Investissements (DEFI) permettent l’obtention de crédits ou de réductions d’impôts :

1. les acquisitions forestières.

Le DEFI Forêt ouvre droit à une réduction de l’IR lorsque ces acquisitions de terrains en nature de bois et forêts ou de terrains nus à boiser (dans un délai de trois ans) n’excèdent pas 4 hectares et permettent d’agrandir une unité de gestion pour porter sa superficie à plus de 4 hectares.

L’acquéreur doit s’engager à conserver les terrains pendant quinze ans et à leur appliquer, pendant la même durée, un plan simple de gestion agréé par le centre régional de la propriété forestière.

La réduction d’impôt concerne également les souscriptions ou acquisitions en numéraire de parts de groupements forestiers ou de sociétés d’épargne forestière qui ont pris l’engagement de gérer pendant quinze ans les bois et forêts dont ils sont propriétaires. Ces parts doivent être conservées jusqu’au 31 décembre de la huitième année suivant la date de leur souscription ou acquisition.

Ainsi, l’avantage fiscal accordé au titre de l’année de réalisation de l’investissement, est égal à 18 % du prix d’acquisition des terrains ou du prix d’acquisition ou de souscription des parts
Toutefois, le montant des dépenses est retenu dans un plafond annuel de 5 700 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 11 400 € pour des personnes mariées ou pacsées.

Néanmoins, une reprise de cet avantage est opérée lorsque le contribuable, le groupement ou la société ne respecte pas ses engagements, ou encore en cas de dissolution du groupement forestier ou de la société d’épargne forestière, ou lorsque cette dernière n’exerce pas une activité conforme à son objet. La reprise sera alors effectuée au titre de l’année au cours de laquelle le manquement est intervenu.

2. La réalisation de travaux forestiers effectués depuis le 1er janvier 2014 par des personnes physiques, des groupements forestiers ou des sociétés d’épargne forestière.

Le DEFI Travaux ouvre droit à un crédit d’impôt, à condition d’être effectués dans une propriété constituant une unité de gestion d’au moins 10 hectares d’un seul tenant ou dans une propriété regroupée au sein d’une organisation de producteurs. Il en est de même des travaux forestiers réalisés, depuis le 1er janvier 2016, par un groupement d’intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF) dont le contribuable est membre directement ou indirectement.

Les personnes physiques doivent s’engager à conserver la parcelle concernée jusqu’au 31 décembre de la huitième année suivant celle des travaux. Les associés des groupements forestiers et des sociétés d’épargne forestière doivent prendre l’engagement de conserver leurs parts jusqu’au 31 décembre de la quatrième année suivant celle des travaux, et le groupement ou la société l’engagement de conserver la parcelle concernée pendant huit.
Les membres des GIEEF doivent s’engager à rester membres du groupement jusqu’au 31 décembre de la quatrième année suivant celle des travaux et ces mêmes membres ou le GIEEF, si la propriété lui appartient, doivent s’engager à conserver la parcelle concernée pendant huit ans en lui appliquant une garantie de gestion durable.

Ainsi, l’avantage fiscal accordé au titre de l’année du paiement des travaux, est égal à 18 % du montant de ces travaux (ou de la fraction de ce montant correspondant aux droits du contribuable dans le groupement ou la société qui a réalisé les travaux). Toutefois, le taux est porté à 25 % pour les adhérents à une organisation de producteurs et pour les membres d’un GIEEF.
Le montant des travaux est retenu dans un plafond annuel de 6 250 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 12 500 € pour des personnes mariées ou pacsées.

Contrairement au DEFI Forêt, la fraction excédentaire des dépenses pourra être reportée sur les quatre années suivant celle du paiement des travaux et dans la même limite.

II. Les avantages fiscaux pour les contribuables personnes morales.

1. Le régime de la TVA dans la sylviculture.

Eu égard à leur situation propre, certains exploitants agricoles sont obligatoirement redevables de la TVA. D’autres ont la possibilité de se soumettre volontairement à la TVA par voie d’option.

Qu’ils soient imposables à titre obligatoire ou sur option, les contribuables sont soumis à la TVA d’après le régime simplifiée de l’agriculture (RSA).

• Pour les exploitants redevables de la TVA à titre obligatoire :
La TVA est due lorsque le chiffre d’affaires (CA), comprenant toutes les recettes annuelles, dépasse un certain seuil.

Ainsi, à compter du 1er janvier de l’année suivante, sont obligatoirement redevables de TVA, les exploitants agricoles dont le montant moyen des recettes d’exploitations, calculé sur les deux années civiles consécutives précédentes, dépasse 46 000,00€uros.

Les recettes retenues sont celles provenant de la vente de bois, y compris le bois de chauffage, et des produits accessoires, les indemnités d’assurance versées à la suite d’un sinistre touchant les arbres, ou les subventions présentant le caractère d’un supplément de prix.

Ces recettes sont déterminées en tenant compte de l’ensemble des opérations « agricoles » effectuées par l’exploitant, tant sur l’ensemble de ses propriétés forestières, que sur ses exploitations agricoles stricto sensu, du moment qu’elles sont réalisées sous la même entité juridique.

Concernant la durée de l’assujettissement, l’assujettissement selon le RSA porte obligatoirement sur une première période de trois ans, quel que soit le CA réalisé au cours de cette période. Ensuite, l’assujettissement selon le RSA est obligatoirement reconduit par période d’un an. Néanmoins, si la moyenne des recettes de trois exercices tombe en dessous du seuil de 46 000 euros, l’exploitant peut cesser d’être assujetti à compter du 1er janvier suivant.
Il existe également d’autres hypothèses où l’assujettissement à la TVA est obligatoire, bien que le seuil de 46 000 euros ne soit pas encore atteint.

En effet, il s’agit d’une part des exploitants agricoles utilisant des méthodes commerciales ou des procédés industriels, et d’autres parts, les exploitants ayant une activité commerciale portant sur des animaux de boucherie et de charcuterie. Aucun de ces deux cas de figure ne semble nous concerner.

• Pour les exploitants redevables de la TVA sur option :
Lorsqu’ils n’entrent pas dans l’un des cas d’assujettissement à la TVA, les exploitants agricoles sont normalement placés sous le régime du remboursement forfaitaire. Néanmoins, ils peuvent se placer volontairement à la TVA au titre de leurs activités agricoles, en exerçant une option expresse.
Ainsi, lorsque l’option est exercée, les opérations agricoles sont soumises à la TVA selon les règles du RSA. Cette option porte sur une première période de 3 ans, renouvelable tacitement pour des périodes successives de cinq ans.

Cette option peut être intéressante pour le contribuable dans la mesure où si dans les prochaines années, le montant prévisible de la taxe déductible devant grever les achats ou commandes de travaux, est supérieur au montant prévisible du remboursement forfaitaire auquel il peut prétendre en cas de non assujettissement.

•Pour le régime simplifié d’imposition de l’agriculture (RSA) :
Les exploitants agricoles sont placés pour leurs opérations agricoles sous un régime simplifié d’imposition propre à l’agriculture.
S’agissant de la base d’imposition du RSA, les exploitants agricoles assujettis à la TVA sont imposables sur l’ensemble de leurs opérations à caractère agricole qu’ils effectuent : les ventes, livraisons aux coopératives, livraison à soi-même, façons, échanges … Néanmoins, il existe une liste exhaustive d’exonérations telles que les prestations réalisées dans le cadre de l’entraide entre agriculteurs, la concession du droit de chasse ou de pêche ou encore des exportations à destination de pays tiers.
Sur l’exigibilité de la taxe, le principe d’une comptabilité de caisse est retenu, c’est-à-dire uniquement à l’encaissement du prix par opposition à la facturation.

En effet, tous les versements perçus par l’exploitant agricole pendant la période d’imposition sont taxables quelque que soit la date de conclusion de l’opération ou de la livraison correspondante. Néanmoins, lors des trois premiers mois de l’imposition, les encaissements qui se rapportent à des ventes faites, avant la date d’effet de l’imposition, à des clients non redevables de la TVA ne sont pas imposables.

S’agissant du taux de TVA exigé, les règles générales de TVA fixant les champs d’application respectifs du taux normal de 20%, taux intermédiaire de 10% et taux réduit de 5,5% s’appliquent. En effet,la loi de finances pour 2020 a limité dans le temps le bénéfice du taux réduit de TVA applicable aux travaux forestiers.

Cependant, en vertu de l’article 279 b septies du CGI, le taux intermédiaire s’applique aux travaux sylvicoles et d’exploitation forestière réalisés au profit d’exploitants agricoles. Sont donc concernés l’ensemble des travaux forestiers et notamment les opérations suivantes : déboisement et reboisement, plantations, taille des arbres et des haies, entretien des sentiers forestiers …
Le bénéfice du taux intermédiaire est en principe réservé aux travaux forestiers réalisés au profit d’exploitations agricoles, contribuables relevant du régime de TVA agricole pour les besoins de leur activité agricole.

Cette définition englobe l’ensemble des exploitants agricoles quels que soient l’activité exercée (sylviculture, arboriculture, agriculture générale, élevage …), leur statut juridique (personne morale ou physique), le mode juridique d’exploitation (propriétaire, fermier, métayer) ou encore le régime de TVA agricole (RSA ou remboursement forfaitaire).

Taux réduit à 10 %:
- Bois destinés au chauffage (« bois bûche » et « bois énergie »), quelles que soient leurs dimensions et formes : rondins, bûches, plaquettes, copeaux… et prestations à façon associées (principalement broyage)
- Travaux de sylviculture et travaux d’exploitation forestière, réalisés pour le compte d’un « exploitant agricole ».
- Semences forestières et plants forestiers.

Taux normal à 20 %:
- Bois non destinés au chauffage, quelles que soient leurs dimensions et utilisations : rondins, grumes, écorces etc., pour la construction, l’emballage, le papier, les panneaux…
- Travaux de sylviculture et travaux d’exploitation forestière, réalisés pour le compte d’un « non exploitant agricole ».
- Fournitures qui étaient déjà à ce taux avant le 1er janvier 2016, comme les protections contre le gibier ou les produits phytosanitaires.

• Sur le régime du remboursement forfaitaire :

Les exploitants agricoles non redevables de la TVA peuvent bénéficier d’un remboursement forfaitaire dont l’objectif est de compenser d’une manière forfaitaire le charge de TVA ayant grevé les achats de produits et de biens effectués dans le cadre de leur activité agricole. Le taux de remboursement forfaitaire diffère selon la nature des produits, 5,59% pour le lait, animaux, céréales et 4,43% pour les autres produits.

• Sur les plus-values professionnelles issues d’investissements forestiers :
La vente d’une forêt, comme tout bien immobilier d’un particulier ou d’un professionnel, déclenche le calcul d’une plus-value et sa taxation.
La plus-value brute résulte de la différence entre le prix d’achat ou de la valeur de l’héritage avec le prix de vente. Plusieurs abattements existent notamment en fonction de la durée de détention du bien.

Plusieurs régimes d’exonération sont prévus en faveur des entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, notamment lors de cessions d’éléments d’actif réalisées en cours ou en fin d’exploitation par des petites entreprises dont le montant des recettes n’excède pas certaines limites.

En effet, l’exonération des plus-values est susceptible de s’appliquer lorsque le montant des recettes de l’entreprise n’excède pas 350 000,00€ (exploitants agricoles, entreprises industrielles et commerciales de vente ou de fourniture de logements, à l’exception des locations meublées), ou 126.000,00€ (prestataires de services).
Lorsque ces seuils sont franchis, le montant total de la plus-value est imposé selon le régime des plus-values professionnelles.

Cependant, en vertu de l’article 41-0 A ann. III du CGI, les seuils d’exonération des plus-values réalisées par les entreprises de travaux agricoles ou forestiers, à l’occasion de la cession des biens d’équipement exclusivement affectés à la réalisation des travaux en question, sont ceux prévus pour les entreprises d’achat-revente, et non ceux des prestataires de services). Cette mesure est réservée aux entrepreneurs qui effectuent à titre principal (plus de 50 % des recettes annuelles) des travaux agricoles ou forestiers pour le compte d’exploitants agricoles ou forestiers ou de collectivités locales.
Par ailleurs, certaines plus-values issues d’un investissement forestier peuvent également être perçues par des particuliers.

En vertu de l’article 200 B du CGI, l’impôt sur le revenu est établi au taux de 19 %. S’y ajoutent les prélèvements sociaux et, le cas échéant, la taxe sur les plus-values excédant 50 000,00€.

Toutefois en vertu de l’article 150 VF III du CGI, le calcul de l’imposition du particulier, en cas de vente de terrains forestiers ou de cession de titres de sociétés ou de groupements qui détiennent des peuplements forestiers, l’impôt dû sur la plus-value est diminué d’un abattement de 10 € par année de détention des terrains et par hectare cédé ; ou par année de détention des titres et par hectare de peuplement, à concurrence de leur valeur. Il n’y a pas d’abattement sur les prélèvements sociaux.

Sur la détention des terrains cédés, bien que la loi réserve l’abattement à la plus-value réalisée sur le peuplement forestier, à savoir les arbres plantés, il est admis d’en faire application à l’ensemble de la plus-value de cession du terrain à usage de bois et forêt, à savoir terrain et arbres compris.
Le délai de détention est calculé par période de douze mois depuis la date d’acquisition jusqu’à la date de cession du terrain à usage forestier sur lequel sont situés les peuplements forestiers.

En conclusion force est de constater une heureuse conjonction entre les objectifs environnementaux via la sylviculture et l’optimisation de la fiscalité personnelle.

Myriam Benarroche Avocat Barreau de Paris Selarl MAB AVOCAT https://mab-avocat-fiscaliste.com/