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La réponse pénale, une nécessité pour la victime ou pour l’infracteur ? Par Yanis Kemmat, Etudiant.
Parution : vendredi 11 juin 2021
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La réponse pénale, une nécessité pour la victime ou pour l’infracteur ? La réponse pénale, est-elle destinée à satisfaire une partie au procès ? La réponse pénale a t’elle comme vocation de satisfaire la victime d’une infraction ? Ou de punir l’infracteur ?

Selon les chiffres donnés par le ministère de la Justice, le taux de réponse pénale est de 91 % (46 % de poursuite, 40 % d’alternatives aux poursuites ainsi que 5 % de composition pénale).

La réponse pénale comprend : la poursuite, les mesures alternatives aux poursuites (composition pénale, médiation…) ainsi que le classement sans suite. De plus, il y a dans un procès pénal quatre phases : la phase de poursuite, la phase de l’instruction, la phase de jugement ainsi que la phase de l’application de la peine. Tout cela permet de comprendre que la réponse pénale ne doit pas être réduite à une condamnation des juges du siège à l’issue d’un procès.
En effet, l’organisation judiciaire répressive française veut donner un large éventail dans le choix de la réponse pénale. Mais à qui cette réponse pénale est-elle destinée ? À la victime ? À l’infracteur ?

Au regard de l’actualité passée, notamment de l’affaire Halimi, le débat public réclamait un procès pour le meurtrier présumé de Mme Sarah Halimi. En effet, ce dernier a été rendu irresponsable pénalement par les juges du fond dans un premier temps puis dans un second temps par la Cour de cassation qui a confirmé la décision des juges du fond en jugeant que M. Kobili Traoré est irresponsable pénalement. Dès lors aucun procès n’a pu être intenté à l’encontre du meurtrier présumé au vu de l’irresponsabilité pénale de ce dernier.

Cette décision a été largement critiquée dans le débat public, car selon ce dernier, cela revenait à ne pas condamner ceux qui commettent des infractions sous l’emprise de stupéfiants. Or, dans les faits, M. Kobili Traoré n’avait pas consommé de stupéfiant au moment des faits. C’est une prise de stupéfiant régulière dans sa jeunesse qui a entraîné un trouble psychique ou neuro-psychique, c’est dans ce sens que les juges ont confirmés cette irresponsabilité pénale. En effet dans son arrêt en date du 14 avril 2021, la Cour de cassation a jugé que M. Kobili Traoré

« était irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits » [1].

La Cour de cassation ne fait que confirmer la loi, l’article 121-3 du Code pénal dispose en effet que :

« Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

On comprend dès lors qu’un infracteur atteint de trouble psychique ou neuro-psychique ne peut se faire juger et dans ce cas précis, il peut sembler qu’il n’y ait pas de réponse pénale donnée, or il y en a bien une, car une procédure judiciaire a mené à cette irresponsabilité pénale.

Cela pour dire qu’un procès à l’issue duquel une décision de justice est prononcée ne constitue pas l’unique réponse pénale. La réponse pénale est diversifiée et n’est pas destinée à satisfaire la victime ou à punir l’infracteur. La réponse pénale est une nécessité dans la justice au sens de rendre équitablement une décision sans commettre de déni de justice.
En effet, l’article 4 du Code civil dispose que :

« Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »

L’objectif principal de la réponse pénale est donc de faire émerger la vérité, c’est la manifestation de la vérité qui est la seule nécessité de la réponse pénale. On ne peut pas dire que la réponse pénale est une nécessité pour l’infracteur ou pour la victime, car cela viendrait à penser que la justice est partiale et non impartiale.

Néanmoins, la réponse pénale peut être une nécessité personnelle pour la victime ou l’infracteur dans le sens où la victime directe à l’infraction ou la victime par ricochet vont vouloir obtenir justice pour le préjudice subi, dès lors la nécessité sera de l’ordre de la réparation morale, matérielle ou économique.
Cette nécessité réparatrice sera en quelque sorte secondaire à la réponse pénale qui elle doit être visionnée comme impartiale et universelle aux parties lors d’un procès.
La réparation, elle est individuelle, elle touche la victime et seulement la victime et non la société. La réponse pénale s’en distingue en ce qu’elle renvoie à la notion d’ordre public. Schématiquement, la justice condamne un trafiquant de drogue ou un meurtrier parce que cela cause un trouble à l’ordre public et que sa dangerosité sociale est avérée en ce que cet infracteur a transgressé le pacte social.

Il convient donc de nuancer la réponse à la question la réponse pénale est-elle une nécessité pour la victime ou pour l’infracteur ?

On comprend que la réponse pénale ne doit pas être pensée et réfléchie comme une nécessité au service de telle ou telle partie au procès, mais comme une réponse impartiale au service de la justice. En effet, cette idée de justice doit strictement être perçue comme l’action par laquelle les juges font respecter la loi et les droits, ainsi que les libertés d’autrui (victime et infracteur). La réponse pénale doit donc être observée de manière globale au service de cette justice où concourent l’ensemble des auxiliaires de justice (avocats, magistrats, greffiers, huissiers…) dans le rendu de la réponse pénale.

Yanis KEMMAT, étudiant M2 droit

[1Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 avril 2021, 20-80.135, Publié au bulletin.