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Accessibilité des logements aux personnes handicapées, le copropriétaire peut effectuer les travaux. Par Jérémy Nanaï et Eric Goirand, Avocats.
Parution : lundi 14 juin 2021
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Un copropriétaire peut désormais effectuer des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble sans avoir à solliciter l’autorisation de la copropriété.

Si, par principe, il est interdit aux copropriétaires de réaliser des travaux sur des parties communes , y compris pour un copropriétaire titulaire d’un droit de jouissance exclusive (ou « droit d’usage privatif ») sur une partie commune, ce principe souffre désormais d’une exception notable, insérée à l’article 25-2 de la loi du 10 juillet 1965 par l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis, lequel dispose que :

« Chaque copropriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble.
A cette fin, le copropriétaire notifie au syndic une demande d’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés. Jusqu’à la réception des travaux, le copropriétaire exerce les pouvoirs du maître d’ouvrage.
L’assemblée générale peut, à la majorité des voix des copropriétaires, s’opposer à la réalisation de ces travaux par décision motivée par l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d’équipements essentiels, ou leur non-conformité à la destination de l’immeuble
 ».

Une rapide genèse de cet article s’impose. A l’origine, le législateur a estimé que les travaux d’accessibilité devaient, de par leur nature, obéir à un régime différent des autres travaux.

Le but étant de faciliter leur réalisation dans la mesure où l’adaptation des logements et le maintien à domicile constituent de véritables enjeux pour les personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite.

Avec le vieillissement de la population française notamment, le maintien à domicile des personnes âgées devient un sujet majeur, loin d’être aisé à mettre en œuvre pour les familles ou l’Etat, ce d’autant qu’il nécessite souvent la réalisation de travaux particuliers.

Conscient des enjeux, le législateur est alors intervenu afin de faciliter leur exécution.
Ainsi, après plusieurs réformes, l’ordonnance du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis, a instauré un accord de principe s’agissant

« des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble ».

En vertu de ce dispositif législatif, l’assemblée générale des Copropriétaires ne peut refuser l’autorisation qu’à certaines conditions, très limitées, étant précisé que ces nouvelles dispositions s’appliquent aux assemblées générales se tenant à compter du 1er juin 2020.

Depuis lors donc, chaque copropriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. Pour ce faire, le copropriétaire doit simplement notifier au syndic

« une demande d’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés ».

De fait, le copropriétaire doit fournir des renseignements sur la nature, l’implantation, la durée et les conditions d’exécution des travaux envisagés, ainsi que les éléments essentiels de l’équipement ou de l’ouvrage.

Pour pouvoir s’opposer à la réalisation de ces travaux, les Copropriétaires doivent motiver leur décision

« par l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d’équipements essentiels, ou leur non-conformité à la destination de l’immeuble ».

En pratique, les refus pourraient effectivement ne concernaient que des travaux lourds susceptibles de fragiliser la structure de l’immeuble (abattement d’un mur porteur, installation d’un ascenseur, etc.).

En l’absence d’opposition motivée de l’assemblée générale, le copropriétaire peut faire réaliser les travaux conformément au descriptif transmis à l’expiration du délai de deux mois de contestation des résolutions de l’assemblée générale. Il exerce alors les pouvoirs du maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.

Quoiqu’il en soit, il convient de souligner que l’ouvrage réalisé par le copropriétaire à l’origine des travaux ne constituera pas une partie privative. Et pour cause, l’élément incorporé dans les parties communes est présumé commun, de sorte que le coût de son entretien devra être réparti entre les copropriétaires selon les modalités du règlement de copropriété.

Notes :
Civ.3, 24 mai 2006, Bull. Civ. III, n°134
Art. 10-3, D. 17 mars 1967
Art. 25-2, al. 2, L. 10 juillet 1965
Art. 3, L. 10 juillet 1965

Maître Jérémy NANAÏ - Avocat au Barreau de Toulon Maître Eric GOIRAND - Avocat au Barreau de Toulon