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NFT : phénomène spéculatif en vogue ou nouvel outil du marché de l’art ? Par Dalila Madjid, Avocate et Anaïs Picone, Juriste-stagiaire.
Parution : lundi 21 juin 2021
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« Un geek ne vieillit pas, il se met à jour ».

De même le marché de l’art ne vieillit pas, il se met à jour, tel est le cas avec les NFT. Les « Non fungible tokens » ou jetons non fongibles, communément appelé NFT, sont un certificat de propriété d’un objet numérique, celui-ci peut être une image, un dessin, une vidéo-animation, un fichier ou une œuvre d’art. Ces jetons numériques reposent sur la technologie dite de la blockchain, comme le bitcoin.

A la différence des bitcoin ou tout autre cryptomonnaie, les NFT sont uniques, ils ne sont pas interchangeables.

Les NFT ont fait leur apparition dans les grandes maisons de vente aux enchères. Ces dernières suivent, dorénavant, le mouvement de l’art numérique. Comme c’est le cas chez Sotheby’s, qui en vend régulièrement.

1- Phénomène spéculatif en vogue.

Ce phénomène a fait émerger une nouvelle génération de collectionneurs d’objets numériques, à l’affût de nouvelles tendances.

Ainsi, les NFT ont généré sur les cinq premier mois de 2021, près de 2,5 milliards de dollars de transaction [1].

A titre d’exemple, on peut citer l’œuvre numérique « Reflexion » de l’artiste de musique électronique « Feed me » qui a été vendue 50 000 €.

Aussi, en mars 2021, le crypto-artiste Beeple vendait une œuvre numérique pour la somme de 69 millions de dollars.

Tout comme l’œuvre « Quantum » de l’artiste New-Yorkais Kevin McCoy, une animation octogonale, qui est la première œuvre à se voir associer un certificat de propriété de type NFT en mai 2014, et qui a été vendue aux enchères chez Sotheby’s le 10 juin 2021, pour la « modique » somme de 1 472 000 $.

De nouvelles plateformes dédiées à la vente de NFT font leur apparition, comme par exemple Opensea, créée en 2018 ou Nifty Gateway, faisant ainsi le lien entre les artistes et les nouveaux collectionneurs.

Ainsi, Opensea a vu son volume de transactions, passer de 8 milliards de dollars de vente en janvier 2021 à 95 milliards de dollars en février 2021.

Par conséquent, nous assistons à une réelle révolution du marché de l’art numérique, qui profite aux artistes virtuels.

Le monde du luxe souhaite également s’emparer de ce marché en ébullition. Tel que le groupe LVMH, Prada Group et Cartier qui ont créé une plateforme « Aura Blockchain Consortium », permettant aux clients d’accéder à l’historique du produit achetés grâce au NFT.

Le NFT ayant l’avantage de permettre la traçabilité d’une œuvre numérique, sa valeur se voit ainsi augmenter.

2- Nouvel outil du marche de l’art.

2.1. L’œuvre de l’esprit et le NFT.

Le NFT étant entré dans le monde du marché de l’art, se pose ainsi la question de savoir s’il s’agit d’une œuvre de l’esprit à part entière ou d’un simple support ?

L’œuvre de l’artiste, qui est créée sous format unique NFT, forme un tout. Le format électronique de l’œuvre attribue à celle-ci son unicité. Toutefois, pour que cette œuvre soit protégée par le droit d’auteur, encore faut-il qu’elle soit originale, à savoir qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Au final, si l’objet numérique créé par l’artiste est original, nous sommes à ce titre, en présence d’une œuvre de l’esprit, protégée par le droit d’auteur.

Ainsi, le format NFT lui attribue une protection supplémentaire, en ce qu’elle permet la traçabilité de l’objet sous format NFT. Ce qui confère un avantage certain dans le monde de l’art, si l’œuvre est considérée de surcroît, comme de l’art.

Cependant, en l’absence d’originalité, si le NFT ne devient qu’un simple support de l’objet virtuel, il s’agit d’un support amélioré, en ce que sa propriété est certifiée et qu’il est possible d’inclure des « smart contract », qui sont liés à la technologie Blockchain, permettant l’exactitude et la fiabilité des termes et conditions de leur exécution.

2.2. Certificat d’authenticité 2.0.

Les grandes maisons de vente aux enchères sont friandes de ces NFT, au-delà de leur aspect financier, ces objets numériques ont une propriété certifiée.

Le NFT permet la digitalisation, grâce à la technologie du blockchain, du certificat d’authenticité traditionnel.

Ainsi, le contenu peut être à la fois enrichi et mis à jour.

La traçabilité permet ainsi à l’œuvre d’art d’être liée à une clé virtuelle et de pouvoir être identifiée comme n’étant pas une contrefaçon.

Par ailleurs, le « smart contract » permet d’inclure conventionnellement le droit de suite, ce qui facilite l’exercice de ce droit.

2.3. La preuve de l’antériorité.

Si l’objet numérique est qualifiée d’œuvre de l’esprit, le NFT lui permet de faciliter la preuve de son antériorité, à l’instar de l’enveloppe Soleau, supprimant ainsi toutes démarches supplémentaires et réduisant les coûts relatifs à la preuve de l’antériorité d’une œuvre.

Le NFT fait désormais partie du paysage du marché de l’art du XXI siècle et a fait sa place, à part entière, dans le monde de l’art.

Néanmoins, on peut toujours se demander si le marché de l’art va continuer à réellement s’intéresser à ces artistes des temps modernes et à leurs œuvres virtuelles ou s’il profite seulement de cet effet de mode lucratif. Le temps nous le dira.

Dalila Madjid, avocate au Barreau de Paris et Anaïs Picone, juriste-stagiaire [->dalila.madjid@avocat-dm.fr] https://dalilamadjid.blog http://www.avocat-dm.fr/

[1Source : www.nonfungible.com.