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Contestation d’un refus de visa d’entrée en France depuis l’étranger. Par Abdoul Bah, Juriste.
Parution : lundi 21 juin 2021
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L’exercice d’un recours contre un refus de visa d’entrée en France depuis l’étranger (visa tourisme, regroupement familial, réunification familiale…) peut se faire désormais en ligne via une plateforme gratuite et accessible à tous [1], un dispositif dématérialisé participant du renforcement du droit au recours des justiciables.

Généralement en Afrique sub-saharienne, le refus de visa d’entrée en France est la règle et l’octroi l’exception alors que, dans bien des cas de refus, l’autorité consulaire se fonde systématiquement sur des motifs génériques pour ne pas dire fantaisistes, raison pour laquelle bon nombre de ces refus d’ailleurs sont susceptibles de faire l’objet d’annulation par le juge en cas de recours.

La plateforme « Télérecours  » vient dans ces conditions faciliter la défense du droit à la délivrance d’un visa dès lors que l’on remplit toutes les conditions à cet effet.

Convient-il de préciser que le recours en annulation contre un refus de visa n’est pas soumis au ministère d’avocat, c’est-à-dire il n’est pas obligatoire de passer par un avocat pour l’exercer, même si l’aide de ce dernier ou d’un sachant est nécessaire.

En outre, la procédure en la matière est pour l’essentiel écrite (les parties échangent leurs arguments à l’aide des mémoires dont l’organisation est assurée par le greffe du tribunal), raison pour laquelle l’absence des parties à l’audience est sans incidence.

Faisant grief, une décision de refus de visa est du nombre de celles soumises à une obligation de motivation (I) dont la contestation obéît à une procédure particulière (II).

I - L’obligation de motivation d’une décision de refus de visa.

Une décision de refus de visa est du nombre des décisions qui doivent être suffisamment motivées [2]. Autrement dit, la décision doit mentionner clairement les raisons pour lesquelles l’autorité a refusé l’octroi du visa.

En principe, le refus de visa doit être explicite (écrit, daté, signé et motivé) et communiqué au demandeur dans un délai de 2 mois prorogeable à 4 mois, le cas échéant à 8 mois à des fins de vérification des actes d’état civil notamment. Il en est ainsi pour une demande de réunification familiale ou de regroupement familiale par exemple [3].

Il peut arriver toutefois que l’ambassade garde le silence au terme de 2 mois du dépôt de la demande, ce qui vaut décision défavorable. Dans ce cas, le demandeur peut réclamer à connaître les motifs du refus de visa et, à compter de la réception de cette réclamation, l’ambassade dispose d’un délai d’un mois pour les lui communiquer, sinon il serait fondé à se prévaloir de l’illégalité de la décision de refus pour défaut de motivation [4].

II - Procédure de contestation d’une décision de refus de visa.

Préalablement à la saisine du juge, le demandeur doit obligatoirement saisir la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV).

- Saisine préalable et obligatoire de la CRRV.

La contestation du refus de visa devant cette commission (structure administrative interministérielle pré-juridictionnelle à compétence nationale) est obligatoire avant tout recours contentieux. Il s’agit d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) sur lequel elle doit statuer dans un délai de 2 mois.

Elle peut soit accueillir favorablement le recours, et ainsi ordonner à l’administration de procéder à un réexamen de la demande et d’accorder le visa le cas échéant, soit le rejeter, auquel cas le demandeur peut saisir le juge dans un délai de 2 mois.

De surcroît, parallèlement à la saisine de cette commission, il est possible de saisir l’ambassade et/ou le ministère des affaires étrangères d’un recours amiable, même si les chances de voir aboutir ce dernier sont minces.

- Saisine du juge.

En cas de confirmation du refus de visa par la CRRV, l’intéressé peut saisir le tribunal administratif de Nantes d’un recours dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision ou de la naissance implicite de celle-ci, afin de la faire annuler et de se faire délivrer un visa. Si le tribunal confirme à son tour le refus de visa, il peut relever appel et même se pourvoir en cassation si besoin.

Le délai de la procédure devant le juge peut sembler long (une année en moyenne).

Toutefois, il est possible en attendant que le juge ne statue au fond d’introduire un référé auprès du tribunal à des fins de suspension de l’exécution de la décision attaquée. Pour ce faire, 2 conditions cumulatives sont requises : l’urgence et un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

Lorsque ces conditions sont réunies, le juge peut dans un délai de 48h suspendre la décision en cause, voire enjoindre à l’ambassade de réexaminer la demande [5].

En définitive, si l’autorité consulaire dispose d’une grande liberté concernant la délivrance de visas, celle-ci n’implique pas le droit de refuser toute demande comme bon lui semble. Dit autrement, tout refus de visa doit se fonder sur un ou des motif(s) suffisamment justifié(s), sous peine d’être annulé par le juge en cas de recours.

Abdoul Bah Juriste

[2Article L211-2 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

[3Article L231-1 du CRPA ; article R211-4 du Ceseda.

[4Tribunal administratif de Montreuil, 1er juillet 2016, n°1501227.

[5Il est des cas où un refus de visa peut porter atteinte à une liberté fondamentale (ex., regroupement ou réunification familial) : le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Sur le fondement de l’article L521-2 du CRPA, le juge peut mettre fin à l’atteinte de la liberté fondamentale en cause.