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Création d’entreprise : rebondir avec la franchise. Par Vincent Cadoret, Avocat.
Parution : jeudi 24 juin 2021
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Au sortir d’une crise sanitaire sans précédent, la relance est le sujet central des mois et des années à venir. L’Etat, l’Union Européenne, les Régions, les Métropoles, les Chambres de commerce et d’industrie, les Chambre des métiers,… se mobilisent (parfois de manière insuffisamment lisible) pour soutenir les activités qui ne se sont pas interrompues, aider à la reprise des activités qui se sont interrompues ou encore favoriser la création de nouvelles activités.

Mais au-delà de ces mécanismes, souvent sectorisés, des schémas contractuels connus et éprouvés peuvent s’avérer d’une réelle efficacité.

La franchise, notamment, constitue un schéma contractuel offrant de nombreux avantages dans un contexte où la confiance devient une denrée rare. La notoriété d’un réseau et le caractère éprouvé d’un savoir-faire sont autant d’éléments renforçant la confiance de la clientèle et des partenaires financiers.

Il n’est donc pas utopique de prévoir un fort dynamisme du secteur de la franchise au cours du second semestre 2021, puis de l’année 2022.

Retour sur les éléments constitutifs d’un contrat de franchise.

Incontournable du droit de la distribution, le contrat de franchise a pour clé de voute la transmission d’un savoir-faire du franchiseur vers le franchisé. Sans savoir-faire original et substantiel, il n’existe pas de contrat de franchise [1], tout au plus un contrat d’affiliation. La jurisprudence et les règlements communautaires ont permis de préciser les contours de cette notion de savoir-faire [2].

De manière synthétique, nous pouvons définir le savoir-faire comme une méthode ou un ensemble de méthodes industrielles, artisanales ou commerciales, éprouvé et descriptible de manière organisée, qui s’acquiert par l’expérience et qui n’est pas accessible par tout un chacun. D’un point de vue pratique, une bible du savoir-faire est élaborée par le franchiseur.

C’est ce savoir-faire qui fait du contrat de franchise une opération de réitération de réussite commerciale et qui assoit le projet de création dans un environnement rassurant.

En tant que point cardinal du contrat de franchise, le savoir-faire et à la source des obligations essentielles du contrat. L’obligation essentielle du franchiseur consiste ainsi à transmettre le savoir-faire en assurant une formation suffisante du franchisé, et à assister le franchisé dans la mise en œuvre du savoir-faire. Réciproquement, le franchisé doit payer une redevance qui s’envisage comme la contrepartie est la rémunération du savoir-faire acquis. Des obligations d’exclusivité et de non-concurrence pourront être mises à la charge de franchisés à des fins de protection du savoir-faire.

Enfin, à ce savoir-faire sont associées des signes de ralliement de la clientèle : un nom commercial, une marque ou encore un logo, une typographie spécifique, un slogan, un code couleur, etc. Ces éléments sont transmis avec le savoir-faire par le franchiseur aux franchisés. En fonction de la notoriété du réseau, le franchisé sera amené à payer un droit d’entrée plus ou moins importants.

Classiquement, du point de vue du franchisé, on envisage le droit d’entrée comme la contrepartie de la notoriété du réseau et de la transmission des signes distinctifs, et la redevance périodique comme la contrepartie de la transmission du savoir-faire et de l’assistance dans la mise en œuvre du savoir-faire. A cela s’ajoute le plus souvent une redevance de publicité qui est censé venir abonder le budget alloué à la promotion du réseau, mais il ne s’agit pas là d’un élément essentiel du contrat.

Phase pré-contractuelle : rester proactif.

La phase pré-contractuelle du contrat de franchise gouvernée par l’article L330-3 du Code de commerce. Il s’agit de la fameuse « Loi Doubin » du 31 décembre 1989, codifiée depuis, qui organise la transmission, 20 jours avant la conclusion du contrat, de toute une série d’éléments précisés par l’article R330-1 du Code de commerce et notamment :
- La présentation du réseau et de son histoire, avec indication de tous les membres du réseau, leur mode d’exploitation ainsi que la liste des entreprises qui ont quitté le réseau au cours de l’année précédente,
- L’état général et local du marché du produit ou service faisant l’objet du contrat, avec une présentation des perspectives de développement de ce marché.

Très tôt, la jurisprudence à l’occasion de préciser que le franchiseur n’avait pas à procéder à une véritable étude de marché, ni à fournir des prévisions de chiffre d’affaires et/ou de résultats aux franchisés [3]. Il est donc essentiel, pour le succès de l’opération, que le franchisé soit proactif dans la recherche des éléments d’information qui vont lui permettre d’apprécier la pertinence de l’implantation et la rentabilité de l’exploitation.

Il pourra utilement entrer en relation avec les entreprises de géomarketing qui ont l’expérience des réseaux de distribution en général, voire du réseau concerné en particulier.

A ses démarches, le candidat la franchise pourra utilement se faire assister dans ses recherches de financements. En effet, l’intégration un réseau de distribution bien structurée est un argument pour permettre l’obtention d’un financement, soit que l’établissement de crédit ait une connaissance particulière du réseau pour avoir participé au financement d’autres points de vente, soit que le candidat la franchise ait fait constituer un dossier par un intervenant particulièrement familier du financement des points de vente en franchise.

Phase contractuelle : échanger en permanence.

Le succès de la franchise repose, le plus souvent, sur un échange régulier et efficient entre le franchiseur et le franchisé.

Au stade de la transmission du savoir-faire, il est important que le franchisé travaille efficacement sur la bible du savoir-faire au moment de sa formation, et qu’il sollicite autant que besoin l’équipe chargée de cette formation. Bien souvent, la clé du succès d’une franchise réside dans un bon démarrage (surtout dans certains secteurs d’activité, au premier rang desquels : la restauration). Il est donc primordial pour le franchisé d’être opérationnel au premier jour d’ouverture. La sollicitation du franchiseur au stade de la formation est ainsi légitime à double titre : d’une part, juridiquement parlant, la concrétisation de l’obligation de transmission du savoir-faire, et d’autre part, économiquement parlant, un indispensable au lancement efficient du point de vente.

Au stade de la mise en œuvre du savoir-faire, le franchisé disposera d’une certaine liberté inhérente à son statut de commerçants indépendants. Ainsi, par exemple, le franchiseur ne pourra pas imposer au franchisé une grille tarifaire [4], ni lui imposer des fournisseurs pour des produits qui ne sont pas spécifiques au réseau. Néanmoins, pour le succès de l’opération, le franchisé devra user de cette liberté avec discernement. L’appartenance au réseau nécessite une forte implication du franchisé, et un échange permanent avec le franchiseur. Au-delà de l’obligation d’assistance qui est le socle de cet échange permanent, le franchisé pourra utilement faire un retour d’expérience et bénéficier des conseils élaborés sur la base d’une perspective plus globale des performances du réseau.

Autant, juridiquement, on pourra reprocher un franchiseur une carence dans l’assistance des franchisés, autant, économiquement, l’assistance du franchisé n’est efficace que si le franchisé s’implique pleinement dans la stratégie commerciale du réseau. Pour reprendre l’exemple de la grille tarifaire, le franchisé pourra bien évidemment adapter sa grille tarifaire aux spécificités du marché local, mais il serait préjudiciable pour lui de s’écarter trop significativement des tarifs conseillés par le franchiseur. Il en résulterait, la plupart du temps, une déception de la clientèle locale.

En définitive, il y a tout lieu d’encourager les recours à la franchise, comme levier d’une relance économique sur l’ensemble du territoire. Mais, il est indispensable pour les futurs candidats à la franchise de se faire accompagner sur les aspects commerciaux, financiers et juridiques de leur projet.

Vincent Cadoret Associé-gérant de R&C Avocats Associés - Pôle Banque Consommation Immobilier Membre de la Commission des Clauses Abusives https://www.vincentcadoret.fr/

[1Cass. com., 10 mai 1994, n° 09-15.834.

[2Voir notamment Art 1er §1.g du Règlement 330/2010 ; voir aussi Cass. com. 10 déc. 2013, n° 12-23.115 ; Cass. Com., 1er juill. 2003, n° 01-12.699 ; Cass. Com. 9 oct. 1990, n° 89-13.384 ; CA Paris, 29 sept. 1992, n° XP290992X.

[3Voir notamment Cass. com., 28 mai 2013, n° 11-27.256.

[4Art 4 §a du Règlement 330/2010